Alors que le président américain Donald Trump vient d'annoncer qu'il allait distribuer ce traitement antipaludéen pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 aux Etats-Unis, son plus ardent promoteur en France, le microbiologiste Didier Raoult, revient sur les réserves suscitées par cette molécule dans notre pays.

Didier Raoult
Le microbiologiste marseillais Didier Raoult a été, en France, l'un des plus ardents promoteurs, sinon le seul défenseur, de l'utilisation de la chloroquine, un traitement antipaludéen, pour contrer l'épidémie de Covid-19. Jeudi 19, le président américain Donald Trump, parlant de premiers résultats « très prometteurs », a annoncé qu'il allait « rendre ce médicament disponible quasiment immédiatement » aux Etats-Unis, estimant que cela pouvait « changer la donne face » à l'épidémie.

Comment réagissez-vous à l'annonce du président Donald Trump sur la chloroquine, un traitement que vous avez bataillé pour faire reconnaître comme solution à l'épidémie dans notre propre pays ?

Le monde entier - et pas seulement les Etats-Unis - est en train de se rendre compte que le seul produit qui à la fois donne des résultats contre l'épidémie Covid-19 et soit immédiatement disponible, c'est la chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine. Cela, on le sait depuis le mois de février, lorsque les Chinois, qui étaient alors les seuls à avoir des cas de « Covid-plus », ont attiré l'attention sur le fait que la chloroquine diminuait la charge virale et les signes cliniques des patients.

Dès lors, selon moi, le bon sens commandait de tout de suite mettre en place les essais pour confirmer le résultat de cette étude chinoise. C'est ce que beaucoup ont fait. Depuis les déclarations des scientifiques chinois, nombre de pays ont adopté cette stratégie thérapeutique. A commencer, après la Chine, par la Corée du sud, et j'observe que la Chine et la Corée du sud sont les deux pays qui ont le mieux su contrôler l'épidémie, en s'appuyant à la fois sur l'utilisation massive des tests diagnostiques et la distribution de chloroquine. Bien d'autres nations leur ont emboîté le pas : l'Iran, la Belgique, l'Australie, le Maroc, Israël... Et maintenant, donc, les Etats-Unis.

Et la France ?

La France, jusqu'à une date toute récente, n'a voulu financer, que ce soit dans le cadre de l'Inserm ou au niveau du ministère de la Recherche, que des essais dans lesquels ne figurait pas la chloroquine. Elle lui a préféré d'une part le ritonavir, un antirétroviral coûteux et qui ne marche pas, comme vient de le démontrer une étude publiée dans le « New England Journal of Medicine » ; et, d'autre part, le remdésivir, un antiviral expérimental, donc non encore commercialisé, dont on ne connaît pas les effets secondaires.

Mais on entend dire que la chloroquine n'est pas exempte d'effets secondaires elle non plus...

Les avis des pseudo-experts sur les effets secondaires de la chloroquine atteignent des sommets de ridicule... Je vous rappelle que plus de 1 milliard de personnes sur cette Terre ont déjà mangé d'abondantes doses de cette molécule pour se prémunir du paludisme... La meilleure équipe de médecine tropicale au monde, le Oxford Wellcome Trust, vient de lancer, en Thaïlande, une étude prophylactique sur 10.000 patients sous chloroquine pendant trois mois. Alors, quand j'entends de prétendus spécialistes s'inquiéter d'une prise de dix jours de cet antipaludéen, les bras m'en tombent ! Quant à l'hydroxychloroquine, c'est un médicament qui est donné contre certaines maladies inflammatoires sur des durées de traitement de plusieurs années. Les premières atteintes ophtalmologiques ne surviennent en général qu'après cinq ans de prise quotidienne !

Dans ces conditions, on comprend mal cet apparent « retard à l'allumage » de la France par rapport à ce traitement...

Je vous avoue que je le comprends mal moi aussi. Lorsque j'entends les commentaires des uns et des autres sur la supposée toxicité de la chloroquine, j'ai envie de leur dire : « Retournez à vos manuels de première année de médecine. » Je suis frappé par l'ignorance - il n'y a pas d'autre mot - de tous ceux qui font de tels commentaires. C'est elle, cette ignorance, qui explique l'actuelle divergence de la France d'avec les autres pays du monde.