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© Célia Fontaine
Si aux Etats-Unis les « animal communicators », c'est-à dire les interprètes animaliers, sont souvent appelés à la rescousse par les propriétaires, éleveurs ou dresseurs afin de résoudre des problèmes liés à leur animal, la profession reste très confidentielle en France. Éclairage sur la "communication intuitive" qui lie empathie avec les animaux et respect de la nature.

Anna Evans est docteur vétérinaire depuis 1982. D'abord intéressée par la chirurgie orthopédique, elle se forme à l'homéopathie (élève du Dr Hartman, lauréat du prix Albert Schweitzer pour ses recherches novatrices en homéopathie) et l'acupuncture vétérinaire aux Etats-Unis, et s'intéresse particulièrement aux thérapies alternatives. Jusqu'à créer la Communication Intuitive, une méthode de communication psychique avec les animaux qu'elle enseigne désormais au grand public.

Une expérience inédite

Nous l'avons rencontrée en marge d'une session privée avec Etan, un chat appartenant à Vilma, architecte parisienne.

« A l'origine, je suis partie d'une expérience inédite pour en faire un objet de recherche », explique d'une voix douce et souriante la vétérinaire. « J'ai été fascinée par la lecture d'un livre de J. Allen Boone écrit dans les années 50 (Des Bêtes et des hommes, ndlr) relatant de véritables échanges non verbaux avec les animaux. Appliquant la méthode suggérée, j'ai tenté de communiquer avec un chien, Fiorino. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que je pouvais recevoir en retour à mes questions, des réponses qui ne pouvaient provenir que de l'animal que j'avais en face de moi ! »

Le félin saute prestement sur les genoux d'Anna Evans, puis se place à côté d'elle et la regarde droit dans les yeux. Une communication silencieuse s'amorce entre les deux êtres qui se connaissent maintenant bien pour avoir été plusieurs fois en contact. Silence.

Après quelques instants, Etan sort de sa torpeur, commence à s'agiter, les oreilles légèrement en arrière, ses pupilles d'un noir de jais dilatées. Il détale d'un coup du canapé pour se retrouver à l'autre bout de l'appartement.

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© Anna Evans Anna Evans et la chat Etan
Sa propriétaire explique qu'après avoir assisté à un premier stage pour apprendre à communiquer avec les animaux, elle a demandé à quelqu'un rencontré sur place de communiquer avec son chat : « Etan a dit qu'il avait quelque chose entre les omoplates. J'ai donc regardé et j'ai effectivement senti une petite boule à cet endroit précis. Au départ, je pensais que c'était du muscle mais dans le doute, je l'ai emmené chez le vétérinaire. Celui-ci a diagnostiqué un fibrosarcome, un cancer normalement fatal. »

Les deux femmes discutent de l'état du chat : après un traitement homéopathique, un passage total à la nourriture crue, et de nombreux échanges non verbaux, la tumeur a commencé à réduire et n'a pas bougé depuis. Etan a miraculeusement survécu. A douze ans, il est maintenant en pleine forme.

Un langage de perceptions

« Après Fiorino, j'ai pu converser avec d'autres animaux, mais mon esprit rationnel et cartésien voulait prouver à tout prix que ce n'était pas possible et que tout cela était le fruit de mon imagination. J'avais besoin de me rassurer ! C'est ce défi qui a fini par devenir sujet de recherche, au départ personnel, avant d'être exposé quelques années plus tard en public et face à quelques journalistes. Etonnamment, je reçu un accueil intéressé et l'on ne m'a pas reléguée dans la case « élucubrations », puisqu'il était possible de prouver, par le comportement a posteriori de l'animal, que l'échange avait bien lieu », poursuit la scientifique.

Le langage animal est composé de perceptions : informations visuelles (images), sonores, ressentis physiques, odeurs ou goûts. En se mettant sur la même longueur d'onde « alpha » que l'animal, c'est-dire en mettant volontairement le corps et l'esprit dans une forme de méditation qui dépasse le mental, il est possible d'avoir un échange entre les consciences humaines et animales : on peut alors percevoir ces images, sensations, etc., provenant de l'animal, et également en émettre à son intention.

« Notre cerveau droit, intuitif, enregistre les informations reçues, et le cerveau gauche, logique, est celui qui analyse. L'échange entre les deux fait appel à une capacité psychique, naturellement disponible et que nous possédons tous, mais qui a été laissée de côté, oubliée. La majorité d'entre nous ignore en être dotée, mais tout le monde est capable de réveiller cette capacité et cette intuition, et peut utiliser cette route pour communiquer avec d'autres espèces », affirme Anna Evans.

« Résonance empathique »

Les animaux sont encore trop souvent sous estimés car nous ne connaissons pas leur rôle dans les équilibres naturels, or toutes les espèces ont leur partition à jouer dans la biodiversité. Exploités sans gratitude pour ce qu'ils donnent, voyant leur milieu de vie réduit à une peau de chagrin, empêchés de satisfaire leurs besoins sociaux ou psychologiques, la majorité d'entre eux souffre de ce que nous leur faisons vivre sans pouvoir nous l'exprimer.

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© L214
Prenons l'exemple de l'élevage intensif : il est maintenant scientifiquement établi que les animaux ressentent la douleur physique et émotionnelle. La production du lait impose que le veau soit séparé de sa mère à un jour, ce qui induit non seulement un stress immense de part et d'autre, mais implique de maintenir en vie chimiquement le jeune veau en lui imposant médicaments et lait reconstitué, ce qui ne comble aucunement ses besoins affectifs. Se nourrir de ces animaux en souffrance, c'est absorber dans notre corps et notre psychisme de la viande et du lait empoisonnés, remplis de toxines et de désespoir.

Nous savons aussi que les animaux (du moins les animaux supérieurs) sont capables de raisonner, de prendre des décisions, et pour certains (les porcs notamment) il a été établi qu'ils ont conscience d'eux-mêmes, au même titre que nous. En communiquant avec le bétail, nous pouvons mesurer de façon précise la souffrance liée aux conditions de vie que nous leur imposons. Leur stress résonne en effet de façon forte, et certains éleveurs qui ont fait l'expérience de la « résonance empathique » avec leurs bêtes se retrouvent eux aussi en situation de détresse psychologique.

« Quand on réalise que cette faculté dormante que nous avons tous peut être rendue opérationnelle, et que l'on fait directement cette expérience, la vision de la vie change totalement, on devient plus relié à soi-même et aux autres êtres vivants. La prise de conscience opérée marque par la suite un changement de perspective sur la nature et le monde animal », explique Anna Evans.

Défis environnementaux

Forte de plus de vingt ans d'expérience en la matière, Anna Evans crée début 2013 sa « Fondation pour la vie animale ». Elle a pour objectif de « participer au développement et au respect du bien-être animal notamment en favorisant des comportements humains appropriés et en protégeant son biotope ».

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© CC BY 2.0/Jesse Milan
L'idée est de développer chez l'être humain une prise de conscience de la richesse et de la générosité du monde animal et du soutien que ce dernier peut lui apporter sous des formes multiples. La Fondation Anna Evans propose ainsi des formations pour les jeunes et le grand public, des solutions d'éducation professionnelle, pour permettre à ceux qui le souhaitent de retrouver leur capacité à se reconnecter à la nature et de mieux vivre en harmonie avec elle.

Anna Evans veut « nous rendre opérationnels face aux défis environnementaux contemporains » : « N'ayons pas peur des grands projets. Souvenons-nous que l'Arche de Noé a été construite par des amateurs et le Titanic par des professionnels », conclue-t-elle dans un sourire.