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Il y a quatre ans, juste après Fukushima, l'Union Européenne s'était mise à passer au compteur Geiger les 8 000 tonnes de denrées qu'elle importe chaque année du Japon : poissons à sushi, brocolis, algues pour maki, champignons, thé vert, abricots, etc. En effet, si en temps normal, la réglementation européenne bannit de nos assiettes tout aliment radioactif, en cas de pépin nucléaire, des dérogations adoptées il y a près de trente ans, dans le sillage de Tchernobyl, permettent, dans l'année qui suit la catastrophe, d'importer des produits contaminés, à condition toutefois qu'ils ne dépassent pas un certain seuil. Seuil que la Commission Européenne veut aujourd'hui revoir. Pourquoi ? Pour que l'Europe soit prête en cas d'accident nucléaire sur son propre territoire...

À première vue, il y a du mieux : le projet de règlement est plus précis. Là ou l'on se contentait initialement de fixer des seuils pour deux grandes catégories de radioéléments, ceux à courte et à longue vie, on en compte désormais quatre, du plutonium au strontium, que l'on croise avec cinq catégories d'aliments. En prime, la Commission promet qu'avec ces nouvelles normes, un Européen ne dépassera pas 1 millisieviert par an, la dose maximale de radioactivité, toutes sources d'expositions confondues, considérée comme acceptable pour les populations. Laquelle dose induit un cancer mortel pour 100 000 habitants. Ce qui ne représente guère pour la France que 3 800 décès annuels par cancer radio-induits : une paille !

Mais la Criirad, instance indépendante d'information sur la radioactivité, a refait les calculs de Bruxelles. Et elle constate que dans de nombreux cas on dépasse de 10, voire de 100, la limite de 1 mSv/an ! Selon elle, le projet de règlement présente « incohérences », « oublis » et « mensonges ». Exemple, cette catégorie d'aliments dits « de moindre importance », pour lesquels on tolère des limites jusqu'à 10 fois supérieures aux autres denrées. D'autant plus fâcheux que dans ce panier fourre-tout on trouve les « épices et aromates », véritables buvards à césium, qui augmenteraient à eux seuls la dose « d'environ 20 % ».

Pour pousser la Commission à revoir ce projet, la Criirad a lancé une pétition en ligne. Il y a urgence, ces nouvelles normes doivent être adoptées cet été, lors du Conseil des ministres européens. Les eurodéputés n'ayant, selon le traité Euratom, qu'un avis consultatif à donner. L'avenir est (ir)radieux !