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Deux études menées indépendamment jettent une nouvelle lumière sur le scénario du peuplement de l'Europe. Ces deux travaux, publiés dans Nature, s'appuient sur l'analyse de fragments d'ADN ancien.

Au cours du dernier siècle, les paléoanthropologues se sont appuyés sur la découverte d'ossements et d'outils anciens pour reconstruire le scénario du peuplement de l'Europe. Mais les progrès récents relatifs à l'analyse de l'ADN ancien ont permis aux chercheurs de faire un gigantesque bond en avant dans la compréhension des différentes migrations dont les européens actuels sont le fruit.

Et c'est précisément grâce à de patientes analyses menées sur des fragments d'ADN ancien, prélevé sur des ossements humains, que deux équipes de chercheurs, l'une danoise et l'autre américaine, sont parvenus conjointement à produire le scénario du peuplement de l'Europe le plus précis et le plus complet jamais proposé à ce jour.

Quels sont les résultats de ces deux équipes de chercheurs ? Ils révèlent que le peuplement de l'Europe est le fruit de trois grandes migrations, survenues à des périodes différentes.

La première migration concerne les célèbres chasseurs-cueilleurs, arrivés en Europe il y a 45.000 ans environ. Puis, il y a 8.000 ans, des fermiers issus de l'actuel Proche-Orient ont migré en Europe. Enfin, un groupe de nomade appartenant à une culture connue sous le nom de Yamna (lire sur le site de Science "Mysterious Indo-European homeland may have been in the steppes of Ukraine and Russia"), qui évoluaient jusqu'ici dans un territoire regroupant la Russie et l'Ukraine, sont arrivés en Europe occidentale il y a 4.500 ans environ.

Pour parvenir à ce résultat, l'équipe américaine de l'Université de Harvard (États-Unis) a collecté 69 fragments d'ADN issus d'ossements datant de 8.000 ans, puis analysé les variations génétiques de ces fragments.

Quant aux chercheurs danois de l'Université de Copenhague, ils ont recueilli l'ADN issu de 101 restes humains vieux de 3.400 ans, dont ils ont séquencé les génomes.

Puis les deux équipes ont comparé les séquences d'ADN ainsi reconstituées à de l'ADN issu de prélèvements effectués tout à la fois sur d'autres ossements anciens, et sur des européens d'aujourd'hui.

Ils ont ainsi pu constater que jusqu'à -9.000 ans, l'Europe était la demeure d'une population génétiquement distincte de chasseurs-cueilleurs. Puis, entre -9.000 et -7.000 ans, le profil génétique des européens a commencé à changer sous l'effet des migrations en provenance du Proche-Orient, et ce dans plusieurs parties de l'Europe.

Toutefois, les chasseurs-cueilleurs n'ont pas disparu : ils ont continué d'évoluer, entre ces nouvelles communautés de fermiers issus du Proche-Orient.

"C'est un incroyable processus culturel", explique le généticien David Reich, auteur principal de l'étude américaine. "Vous avez deux groupes qui sont génétiquement distincts, et qui vivent côte à côte durant des centaines d'années". Puis, entre -7.000 et -5.000 ans, des gènes issus des chasseurs-cueilleurs se retrouvent dans le génome des fermiers proche-orientaux : "Il y a une rupture de ces barrières culturelles, et ils se mélangent", poursuit Reich.

Il y a 4.500 ans, la dernière pièce du puzzle arrive : un nouvel ADN fait son entrée dans le génome des européens, issu des populations indo-européennes appartenant à la culture Yamna. Une migration pour le moins déterminante, puisque les linguistes estiment que la majorité des langues parlées aujourd'hui en Europe proviennent précisément de la culture Yamna.