Face à la pénurie de bacon qui menace leur petit déjeuner,
Typical English breakfast
© AFPUn typique "breakfast" anglais
les Britanniques s'organisent, allant jusqu'à élever leur cochon personnel.


C'est un véritable combat pour les végétariens britanniques : trouver un moyen de résister à l'odeur d'un sandwich au bacon... Leurs forums sur le Net regorgent de bons tuyaux pour se détourner sans trop de souffrances de leur ex-aliment préféré, considéré par tout bon Britannique comme naturellement indispensable à un « breakfast » digne de ce nom. Mais cette terrible tentation charcutière pourrait bientôt n'être qu'un lointain souvenir : outre-Manche, la pénurie menace !

En cause, un banal effet de ciseaux sur le marché du porc : d'un côté, les prix des céréales ont explosé partout dans le monde à cause des sécheresses à répétition, rendant l'alimentation des animaux puis le porc lui-même plus chers. De l'autre, les supermarchés maintiennent la pression à la baisse sur les prix... Pas question pour eux que les consommateurs aient à se serrer la ceinture pour déposer leur bacon tant aimé dans leur chariot de courses de la semaine. Et c'est la même chose dans d'autres pays consommateurs...

Résultat : l'élevage de porcs n'est plus rentable. Et la production mondiale connaît une chute vertigineuse : - 2,3 % au Danemark, le premier fournisseur de bacon anglais, - 6,6 % en Irlande, - 9,6 % en Pologne, - 13 % en Italie. Selon la NPA, la National Pig Association, 10 % des producteurs de porcs britanniques pourraient même déposer la clé sous la porte d'ici à Noël, alors que la demande n'a jamais été autant sous tension.

« Save our bacon »

L'alerte rouge a donc été lancée en Grande-Bretagne, avec une campagne nationale des producteurs de cochons, « Save our bacon », une pétition sur Facebook et un soutien officiel de David Cameron. Austérité ou non, le Premier ministre a appelé le mois dernier les Britanniques à mettre la main à la poche et à dépenser un peu plus pour soutenir le bacon national. Le combat pour le cochon made in UK s'est aussi étendu : surfant sur l'émotion nationale, John Penny, issu d'une famille de bouchers depuis huit générations, en a profité pour lancer ce qu'il appelle lui-même « une croisade pour la viande 100 % british ».

En attendant, le légendaire pragmatisme britannique a déjà repris le dessus. Pourquoi ne pas élever son cochon dans son jardin ? Il suffit de débourser la modique somme de 349 livres pour acheter une mini-ferme à cochons à poser sur l'herbe... Les journaux britanniques regorgent de conseils ou d'avertissements pour les éleveurs de cochons en herbe, surtout en ville, comme : « Attention certains jours à la direction du vent, vos voisins pourraient être très agacés par l'odeur de votre futur do it yourself bacon ».

Deuxième conseil : bien verrouiller la porte de la mini-ferme, et installer des barrières solides autour de son jardin, car les cochons, explique doctement le Guardian, « courent beaucoup plus vite que les humains ». Dernier conseil : si vous avez des enfants, dites-leur bien que ce cochon n'est pas un animal de compagnie, mais qu'il est destiné à être tué pour être mangé. Et vous-mêmes, mettez-vous bien ça dans la tête. Le célèbre cuisinier Gordon Ramsay l'a expérimenté à ses dépens : après avoir montré à toute la Grande-Bretagne dans son émission de télévision comment bien engraisser deux beaux cochons, c'est finalement au bord des larmes qu'il a livré ses deux bêtes, Trinny et Susannah, au couteau du boucher...