Le sucre, et le fructose plus particulièrement est un poison. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une « épidémie » d'obésité aux USA. Chez les adultes, mais aussi et surtout chez les enfants. On connaît leur régime alimentaire : crèmes glacées, hamburgers, sodas divers, bref, que de la restauration rapide. Il semblerait qu'en France un enfant sur six soit en sur-poids (sur-poids ne signifie pas forcément obésité, mais y conduit fatalement s'il n'y a pas de prise de conscience). Alors lisons ce que le Dr Lustig nous dit au sujet des américains et transposons-le pour d'autres pays occidentalisés, dont la France.

Robert Lustig, Dr
© InconnuLe Dr Lustig avec devant sa main, le coupable...
Traduit de l'anglais par Helios pour BBB

Le Dr Robert Lustig, assis dans son bureau encombré du campus de l'université de Californie à San Francisco, semble morose.

On est à quelques jours de la sortie de son premier livre, Fat Chance (Risque d'obésité) - une diatribe scientifique et passionnée contre l'alimentation transformée en général et le sucre en particulier - et les critiques ont été jusqu'ici plutôt « tièdes », dit-il.

« Elles ne disent pas que je me trompe. Elles disent que c'est un peu léger sur le plan scientifique pour soutenir le débat, » dit Lustig avec un soupir. « En réalité la partie scientifique n'y est pas absente. Elle s'y trouve bien. Mais c'est un livre qui se veut populaire et non pas scientifique. »

Pour information, les critiques du livre, qui est sorti le 27 décembre 2012, ont été plus que tièdes. Mais Lustig, qui est parti en croisade contre le sucre depuis 6 ans est pressé, peut-être même impatient, que les lecteurs connaissent ses arguments et prennent parti pour sa cause.

« Le sucre, estime-t-il, est le grand coupable du taux explosif d'obésité du pays. Le sucre a empoisonné l'alimentation et perturbe la biologie des gens, les poussant à manger plus et à moins bouger. La consommation de sucre n'est pas différente de l'addiction à la nicotine ou à l'alcool, dit-il, et en perdre l'habitude - donc en réduisant le tour de taille des américains - ne peut être réalisé par la simple volonté personnelle. »

En d'autres mots : n'accablez pas les obèses parce qu'ils sont gros, et ne vous attendez pas de leur part à une perte de poids de leur propre volonté.

« J'ai écrit ce livre pour montrer qu'il n'existe aucun doute sur ce qui nous arrive, sur ce qui se passe scientifiquement, » continue Lustig. « Tout est hors contrôle. Ce n'est pas un problème de comportement, seulement de biochimie ».

Lustig a son lot de critiques, mais sa diabolisation du sucre depuis six ans lui a valu aussi une petite célébrité. En 2009, une conférence qu'il avait faite sur le sucre a été postée sur Youtube et a déjà rassemblé plus de 3 millions de visites - c'est un nombre incroyable de lecteurs pour ce qui n'est qu'une conférence magistrale.

Lancer l'idée

Lustig a publié environ une douzaine d'articles scientifiques contre le sucre et il a été interviewé largement par les médias nationaux. L'été dernier, il a répondu à Alec Baldwin pendant une conversation podcastée, pendant laquelle l'acteur l'a remercié d'avoir perdu 16 kilos.

« Le fond du problème est que sur le plan biochimique notre environnement alimentaire ne travaille pas pour nous, » a dit Lustig pendant le podcast. « Sans correction des erreurs, nous continuerons à être malades. Nous continuerons à mourir de trucs comme le diabète et les maladies de cœur. »

Baldwin a répondu : « Je me sens vraiment déprimé et il me faut tout de suite une glace. Vous me faites baver. »

« Il existe une forte résistance à ce que je dis, » a-t-il dit dans une récente interview. « Après tout, le sucre est un plaisir. Le sucre est délicieux. Et c'est facile de jeter la pierre aux obèses et de dire que c'est de leur faute ».

La lutte de Lustig contre le sucre s'est développée rapidement ces six dernières années, mais elle couvait depuis longtemps. Il a commencé sa carrière en 1984 par la médecine, comme pédiatre endocrinologue à New York ; il est arrivé à l'université de Californie en 2001.

Lustig, comme bon nombre d'autres pédiatres du pays, a remarqué l'augmentation alarmante de l'obésité parmi ses jeunes patients. Mais ce n'est qu'en 2006, lorsqu'on lui a demandé lors d'une conférence médicale ses hypothèses sur des causes environnementales possibles d'obésité qu'il a mis le doigt sur le sucre.

Comme argumentation, Lustig a suggéré que le fructose - un sucre simple naturellement présent dans les fruits, mais qu'on incorpore dans une immense variété d'aliments transformés pour le goût et la conservation - est un toxique de l'environnement.

« Ils ne voulaient plus me laisser sortir de l'estrade après mon discours, » dit Lustig.

Le sucre dans la ligne de mire

Dire que le sucre est la cause majeure du taux d'obésité qui augmente aux US n'avait rien de nouveau. Le sucre, surtout sous sa forme sirop de maïs à fort taux de fructose qu'on trouve dans les sodas, avait déjà été accusé d'être une forme de calories vides - un aliment avec peu ou pas de valeur nutritionnelle facilement consommé en grandes quantités.

Mais dans l'esprit de beaucoup de gens, le sucre n'était qu'une gâterie à forte calories - un plaisir coupable. Ce que Lustig a suggéré et qui a eu un large écho dans sa diffusion concernant les catastrophes sanitaires est que le sucre est un poison.

Sa théorie scientifique est que le sucre en grosses quantités fait grimper la sécrétion d'insuline. L'insuline pousse le corps soit à utiliser le sucre comme carburant ou à le stocker sous forme de graisse et Lustig estime que le fructose est plus probablement celui qui va se terminer en graisse, surtout dans le foie.

De plus, l'insuline bloque une hormone appelée leptine, qui signale au cerveau si le corps a besoin de plus ou moins d'énergie. Le manque de leptine dit au cerveau que le corps n'a pas assez d'énergie, ce qui déclenche des efforts pour augmenter et préserver le carburant. En d'autres mots, cela fait que les gens veulent manger davantage et bouger moins.

Critiques

Lustig est critiqué, bien sûr, même parmi ceux qui respectent son enthousiasme et pensent qu'il présente de bons arguments. Le principal défaut de ses conclusions, disent aussi bien ses supporters que ses détracteurs - en premier lieu les industries alimentaires - est qu'il est difficile de croire que le sucre est toxique.

Différents sucres se trouvent naturellement dans toutes sortes d'aliments sains, comme les fruits et le lait. Et les humains ont une une inclination naturelle pour les aliments sucrés, ce qui sert sûrement un but d'évolution, disent certains scientifiques. Le sucre sous formes variées fournit une rapide poussée d'énergie utilisée aussi bien par les premiers humains qui tentent d'échapper à des prédateurs qu'aux coureurs modernes de marathon pour se précipiter sur la ligne d'arrivée.

Il existe un énorme fossé, disent les scientifiques, entre dire aux gens qu'ils mangent peut-être trop de sucre à l'heure actuelle et suggérer que le sucre est une substance toxique responsable de la majorité d'une grande variété de troubles physiques.

« Nous devons aborder un certain nombre de choses et le sucre en fait certainement partie. Il y a aussi toutes les matières grasses de notre alimentation et l'exercice physique est un énorme problème », a dit le Dr Deepak Srivastava, président de l'Association Américaine pour le Coeur, qui a établi pour la première fois il y a 3 jours les limites de la consommation quotidienne recommandée de sucre.

Les sucres cachés

Srivastava a dit qu'il est important d'encourager les gens à prendre la responsabilité de leur propre comportement. Il apprécie à sa juste valeur la position de Lustig et ne pense pas qu'il se trompe ou qu'il fasse fausse route en voulant donner une image du sucre responsable des gros problèmes de santé de la population.

Les américains consomment sans aucun doute trop de sucre, dit-il, et il ne se trouve pas uniquement dans les sodas et les barres chocolatées. Le sucre est un ingrédient principal dans de nombreux pains, céréales, yaourts et condiments. « Il est probablement nécessaire d'aller au fond de ce que nous exposons », a dit Srivastava.

Cela nécessite beaucoup de prudence et une éducation de la part du consommateur afin d'éviter les produits sucrés du supermarché. Et c'est l'essentiel de la plainte de Lustig. Même si le sucre n'est pas trop dangereux en petites quantités, la plupart des américains sont très orientés vers la nourriture et ne s'en rendent même pas compte - et ils ne sont certainement pas conscients sur le fait que cela affecte leur biochimie.

C'est là, peut-être, la prochaine étape du combat de Lustig envers le sucre. Il a pris une année sabbatique pour suivre une formation sur la politique publique de santé.

Une substance dangereuse

Son but majeur, dit-il, est d'obtenir que le fructose soit identifié comme une substance potentiellement dangereuse qui devrait être régulée par le gouvernement, comme l'alcool et le tabac. Il reconnaît que la bataille va être rude. De petites avancées sur la question du sucre n'ont rencontré que de l'indignation.
« Le livre, dit Lustig, ne changera pas la politique, mais il pourrait être la première salve importante dans ce qu'il espère devenir une guerre nationale. »

« L'industrie alimentaire a les mains libres pour mettre n'importe quelle quantité de sucre dans tous les aliments qu'elle souhaite. C'est là le problème, » dit-il. « J'espère que le rôle du livre sera d'ouvrir les yeux des gens sur ce qui se passe autour d'eux. »

Pour plus d'infos sur le fructose et le Dr Lustig, allez lire ICI, c'est bien présenté. Et pour les anglophones, vous pourrez aussi y visionner sa conférence de 2009 : « Le sucre, l'amère vérité »