Jeune et alcool
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Dans une étude publiée dans la toute première édition de JAMA Psychiatry, des chercheurs du CHU Sainte-Justine, de l'Université de Montréal et du King's College de Londres ont démontré que des interventions en milieu scolaire axées sur la personnalité offertes aux adolescents à risque élevé parviennent à réduire et à retarder chez eux la consommation d'alcool abusive, laquelle cause 9 % des décès chez les jeunes de 15 ans à 29 ans dans les pays développés. De plus, le fait de retarder la première consommation des jeunes à risque a donné lieu à une apparente immunité de groupe chez les jeunes à faible risque, étant donné la baisse de consommation dans le réseau social.

« Deux facteurs sont déterminants d'une consommation d'alcool abusive : la personnalité et l'influence des pairs », explique Dre Patricia Conrod, première auteure de l'étude, qui est partie de l'hypothèse selon laquelle aborder ces jeunes à risque sous l'angle de leur bien-être mental au lieu de simplement les informer des dangers de l'alcool serait plus efficace pour prévenir l'abus précoce d'alcool. « Si on apprend aux jeunes à mieux gérer leurs traits de personnalité ou leur vulnérabilité, on les aide à prendre de bonnes décisions face à certaines situations, a-t-elle expliqué, qu'il s'agisse de surmonter leurs peurs, gérer des pensées qui les rendent très émotifs, contrôler des compulsions, analyser objectivement les intentions d'autrui ou améliorer la perception qu'ils ont d'eux-mêmes. »

La chercheure a donc réalisé une étude sur deux ans nommée Adventure, dans le cadre de laquelle des enseignants ou professionnels d'écoles secondaires de Londres, en Angleterre, ont été formés pour intervenir auprès de leurs élèves de 9e année (âge médian de 13,7 ans), afin de déterminer si leur intervention était à même, à long terme, de diminuer ou de retarder la consommation excessive d'alcool des participants. L'évolution de la consommation a été mesurée en observant le taux de consommation d'alcool, le taux de consommation excessive occasionnelle et sa croissance, ainsi que l'abus régulier d'alcool. D'autre part, l'étude tentait également d'examiner un possible effet d'immunité de groupe associé à ces interventions.

Les écoles participantes ont été divisées en deux groupes : contrôle et intervention. Les écoles faisant partie du groupe « intervention » menaient l'intervention au début de l'étude tandis que les écoles « contrôle » bénéficiaient du programme et de la formation un peu plus tard. Sur la totalité de l'échantillon, 1210 élèves ont été identifiés comme plus à risque de développer une dépendance future après avoir rempli un questionnaire de personnalité. En effet, ils présentaient au moins un des profils de personnalité suivants : « sensibilité à l'anxiété », « pensées négatives », « impulsivité » ou « recherche de sensations fortes ». Les intervenants scolaires formés ont rencontré ces élèves en groupe lors de deux brèves interventions personnalisées, où les élèves étaient invités, selon leur profil de personnalité, à décrire leurs réactions dans diverses situations de vie, et à s'exercer à y réagir autrement.

« L'avantage de cette intervention, c'est la facilité de sa mise en œuvre, contrairement aux interventions en milieu communautaire. On peut former les enseignants à mettre en œuvre le programme de façon très fidèle aux objectifs et avec beaucoup d'efficacité, d'autant plus que deux seules interventions suffisent », précise Dre Conrod.

Une étude semblable est en cours à Montréal, au Canada, au sein de 32 écoles secondaires à ce jour. Un volet d'analyse du développement du style de pensée s'ajoute par ailleurs à l'étude. Les écoles intéressées à participer au programme peuvent consulter le site du projet au www.co-venture.ca