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Et si Mère Teresa n'était pas une sainte ? Mieux vaut avoir de sérieuses accusations avant de s'attaquer à une icône comme Mère Teresa. Une étude québécoise écorne vivement l'image intouchable de la religieuse morte en 1997 et béatifiée par Jean-Paul II en 2003.

L'enquête du professeur Serge Larivée, intitulée «Les côtés ténébreux de Mère Teresa» a été publiée en ligne le 15 janvier et doit paraître dans le numéro de mars de la revue bilingue Sciences Religieuses. On y apprend que le prix Nobel de paix en 1979 n'était pas si sainte que cela : «une création d'une efficace orchestration médiatique, qui était généreuse dans ses prières mais avare des millions de sa fondation lorsqu'il s'agissait d'aider la souffrance humaine», écrit Times of India. Des accusations qui manquent toutefois cruellement de preuves, selon Slate.fr.

De l'argent de dictateurs

L'étude de Serge Larivé, Geneviève Chenard et Carole Sénéchal a été motivée, selon eux, par l'aura dont jouit aussi bien de son vivant qu'aujourd'hui la fondatrice de la congrégation des missionnaires de la Charité.

En compilant et recoupant des centaines de documents sur la petite sœur des pauvres, on apprend notamment par l'équipe de chercheurs en psychoéducation des universités de Montréal et d'Ottawa que le Vatican a tout fait pour occulter les aspects de la personnalité de Mère Teresa.

Sur le site suisse LeMatin.ch, on peut lire que «la Fondation créée par Mère Teresa a "amassé des centaines de millions de dollars" et reçu des fonds de dictateurs comme "Bébé Doc" Jean-Claude Duvalier», l'autoritaire président haïtien.

«On peut se demander où sont passés les millions destinés aux plus pauvres parmi les pauvres ?», demande Serge Larivée. Selon son équipe, une grande partie de l'argent était versé au Vatican, et non aux miséreux. Notamment dans lors de la catastrophe de Bhopal, en 1989, lors de laquelle elle a distribué prières et crucifix, et pas un centime.

Des mouroirs

Slate.fr met en avant «le culte de la douleur», dont Mère Teresa serait instigatrice. Les 517 missions ouvertes dans plus de 100 pays jusqu'à sa mort en 1997 seraient décrites comme des «Maisons pour les mourants», selon les médecins qui les ont visitées. La religieuse d'origine albanaise aurait eu une «façon douteuse de soigner les malades en glorifiant leur souffrance au lieu de la soulager», selon le Times of India.

«Deux tiers des personnes se rendant dans ses missions espèrent y trouver un médecin pour les soigner tandis que l'autre tiers gît en se mourant sans recevoir de soins appropriés. Les visiteurs notent également un manque d'hygiène, une mauvaise nourriture et une absence de traitement de la douleur», écrit Slate.fr.

Tout comme le Times of India, qui indique que ce traitement ne viendrait pas d'un manque de moyens, mais d'une conception bien à elle de la douleur : «Il y a quelque chose de beau dans le fait de voir le pauvre accepter son sort et souffrir comme le Christ pendant sa Passion. Le monde gagne beaucoup de leur souffrance», aurait-elle déclaré. Une conception qu'elle n'appliquait pas à sa personne, puisque, selon Slate.fr, «Mère Teresa a pourtant demandé des soins palliatifs, qu'elle a reçus dans un hôpital américain moderne».

Béatification express

L'étude montre aussi que la béatification de Mère Teresa a été plus rapide, et surtout moins rigoureuse que la normale. Le délai habituel de cinq n'a pas été respecté avant le début de la procédure qui l'a rendue bienheureuse. En outre, le miracle qui lui était attribué a été contredit par des médecins, qui avaient soigné la miraculée avec des médicaments.

Mais Slate relativise : «la destruction du mythe, largement créé par les médias selon les chercheurs, s'appuie essentiellement sur la révélation... des croyances religieuses de Mère Teresa. Et de sa relation personnelle tourmentée avec la douleur et la foi». Selon Michel Alberganti, qui écrit l'article, la conception de la charité peut être attaquée. Mais jamais l'étude ne se transforme en enquête, notamment sur les suspicions les plus graves, comme les méthodes vis à vis de la douleur, ou l'argent récolté, comment il a été utilisé, où se trouvent les comptes bancaires secrets, etc.

«Mais lorsque l'on prétend détruire un mythe, le seul recours à la bibliographie apparaît comme une méthode bien légère», conclue Slate.