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Alors, quid de ces fameuses armes chimiques ? Les troupes syriennes fidèles au régime de Damas les utilisent-elles ou non ? Paris et Londres affirment que oui. Et le journal Le Monde aussi. Pour une fois, les Américains se montrent plus perplexes : ils attendraient des preuves plus probantes. Quelle rigolade... En 2003, ils n'avaient pas le moindre début de preuves d'armes de destruction massive en Irak, mais ils voulaient la guerre. Ils ont eu leur guerre. Aujourd'hui, ils ont les preuves, ou ce qui en tient lieu, mais ne veulent pas de cette nouvelle guerre en Syrie. Et cette guerre, ce sera à nous, tout seuls, de la mener ; autant dire qu'il n'y en aura pas.

Ce d'autant plus que le quotidien vespéral admet : « Soyons clair, Le Monde ne détient aucune preuve irréfutable d'un recours à des armes chimiques en Syrie. » Et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, de reconnaître que les « preuves » en question sont en fait « des présomptions d'utilisation d'armes chimiques de plus en plus étayées ».

Dans le même temps, Vladimir Poutine s'autorise un brin d'humour. Avant la prochaine conférence de Genève, chargée de résoudre l'imbroglio syrien, il invite l'Europe au sommet UE-Russie, à Iekaterinbourg, de mardi dernier. Les missiles sol-air S-300 (voir nos dernières éditions) n'ont pas encore été livrés à Damas. Mais pourraient l'être bientôt si les instances européennes levaient l'embargo sur les armes auquel est encore assujettie la révolte syrienne. Histoire de démontrer qu'il est l'actuel maître du jeu, fort du soutien chinois et de la récente nonchalance américaine, il espère qu'aucun rebelle « cannibale » ne sera admis en Suisse, faisant référence à une vidéo montrant « un insurgé en train d'arracher le cœur d'un soldat loyaliste avant de le porter à sa bouche », à en croire Le Figaro daté du 4 juin dernier. En effet, poursuit-il, si « des rebelles qui éventrent leur ennemis morts et mangent leurs organes sont invités à la conférence [...], il me sera difficile d'assurer la sécurité des participants russes... ».

À la propagande de l'Ouest répond donc celle de l'Est. Logique. D'ailleurs, pourquoi se focaliser sur des armes chimiques, réelles ou supposées ? Alors qu'en termes de sauvagerie, elles ne sont ni plus ni moins cruelles que les bombes posées dans la rue par tel ou tel mouvement de résistance, du groupe Stern à l'IRA tout en passant par l'OLP. Elles sont peut-être même moins barbares que celles au phosphore blanc, utilisées en 2009 par l'armée israélienne, contre d'autres rebelles, ceux de Gaza, causant autant de morts chez les civils que chez les combattants. Et à peine plus sauvages que ces munitions à l'uranium appauvri, expérimentées par les USA, lors des équipées meurtrières en Irak, en 1990 et 2003, lesquelles font aujourd'hui figure de véritables bombes à retardement sanitaire, frappant au passage les soldats de ces deux coalitions occidentales.

Le plus intéressant dans le retournement américain, c'est que Barack Obama était en train d'en finir avec les vieilles lunes néoconservatrices voulant qu'on fasse « la guerre au terrorisme ». Car, lorsque « terrorisme » il y a, il se combat plus par les opérations clandestines des services secrets que par des croisades à la hâte annoncées et dont le seul résultat tangible consiste à attiser la haine de l'Orient contre l'Occident. Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen le savaient. Barack Obama commence à le comprendre. Mais pour le stagiaire de l'Élysée, il y a encore du chemin à faire.