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Le Traité transatlantique (officiellement intitulé « Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement ») est un projet d'accord de libre échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis, « portant sur tous les domaines, agriculture, industrie, services, investissement..., élimination des barrières conventionnelles, avec des « approches possibles » en matière de propriété intellectuelle (1) ».

Récemment, on a pu en entendre parler dans les médias de masse suite au « sauvetage » de la culture française. La France a en effet obtenu de l'Union Européenne que l'audiovisuel ne soit pas concerné par ses négociations commerciales, au nom de « l'exception culturelle ». Cela a d'ailleurs valu à François Hollande d'être menacé par Barack Obama de «représailles massives» si l'exception culturelle s'appliquait également au nouvelles technologies (2). Au regard des véritables enjeux d'un tel traité, cette querelle autour de l'exception culturelle s'avère être un écran de fumée.

Pour un monde unipolaire où les Etats-Unis règnent en maîtres

L'objectif des Etats-Unis avec ce traité est de contrer la montée en puissance des BRICS, et notamment de la Chine. Ce projet d'accord transatlantique fait suite à la mise en place de négociations portant sur un Accord de partenariat transpacifique, qui ont débuté en 2004 et qui devraient s'achever cette année. Il s'agit d' un accord de libre échange entre les Etats-Unis et l'Australie, le Chili, le Pérou, la Nouvelle Zélande, Singapour, le sultanat de Brunei, la Malaisie, le Vietnam et le Mexique. On notera l'exclusion de la Chine... Avec ces deux projets, on perçoit clairement la volonté des Etats-Unis de s'assurer de la standardisation des règles commerciales et de leur diffusion au monde entier. De plus, ce traité transatlantique permettra aux Etats Unis d'avoir une influence sur le continent européen, où ils ne sont plus présents militairement.

Gérard Filoche rappelle que le rapport de force entre U.E et Etats-Unis n'est pas équitable : bien que tous deux soient des puissances économiques, les Etats-Unis ont une influence politique bien plus grande (3). Le risque (le but ?) étant qu'avec ce traité, l'Union européenne se voit obligée de se soumettre aux exigences des Etats-Unis et devienne une simple filiale du géant américain (4). Ce projet est également un moyen pour les Etats-Unis de rendre obsolète l'OMC, cette dernière ne servant plus les intérêts américains depuis le blocage du « cycle de Doha ». Celui-ci, d'une durée de trois ans, avait pour objectif d'accroître la libéralisation du commerce international. Or les pays les plus pauvres et les pays émergents ont fait blocage.

Côté européen, les principaux bénéficiaires de ce traités sont les entreprises : elles ont exprimé leur volonté de voir ce prochain accord couvrir tous les champs, y compris l'agriculture et, en matière d'investissement, ne souffrir aucune exception, comme écrit dans le rapport de Claude Revel, Conseillère du commerce extérieur de la France, à la ministre du Commerce extérieure Nicole Bricq.

Un projet préparé depuis les années 1990

Si on en croit cet article du Nouvel Observateur (5), l'instauration d'un tel marché serait la volonté de José Manuel Durao Barroso, le président de la Commission européenne. En revanche, selon le rapport de la Conseillère du commerce extérieur de la France, ce projet remonterait à l'année 2004. En réalité, dès le début des années 1990, les prémices de ce traité sont apparus dans des documents officiels, comme le relate cet article publié sur la section blog de Médiapart (6). Ainsi il y eut tout d'abord la Déclaration Transatlantique signée en 1990, puis le projet a officiellement été mentionné en 1995 dans le Nouvel Agenda Transatlantique. D'autres accords ont conduit à la création du Conseil Economique Transtatlantque (CET) le 30 avril 2007. Le CET se réunit une fois par an pour préparer l'application du partenariat transtlantique en harmonisant les politiques de régulation afin d'être plus compétitif face aux économies émergentes, notamment la Chine.

La standardisation des normes juridiques, sanitaires, environnementales...

Là réside les véritables enjeux d'un tel accord : ce marché en train d'être accepté ne peut exister que si Etats-Unis et Union européenne s'accordent sur des règles communes. Or, aujourd'hui, les divergences sont nombreuses, et notamment côté européen, au nom du principe de précaution . Et il n'est pas difficile de savoir quel bloc s'alignera sur les pratiques de l'autre... La Commission européenne se soumet d'ores et déjà aux règles américaines en vue de faciliter la négociation de cet accord de libre échange : récemment elle a autorisé le nettoyage de porc à l'acide lactique, jusque là interdit en Europe... mais autorisé aux États-Unis ! Cela promet d'autres réjouissances tels que l'obligation (au nom du respect du libre échange) d'importer des produits à base d'OGM, ou encore l'exploitation du gaz de schiste français par des multinationales. José Bové expliquait ainsi, lors d'une conférence le 31 juin 2013 portant sur les négociations de la PAC, que ce traité permettra au multinationales américaines d'attaquer en justice les pays partenaires si leurs intérêts sont remis en cause. Et d'affirmer que des entreprises comme Chevron (deuxième compagnie pétrolière des Etats-Unis) attendaient cet accord afin de pouvoir exploiter le gaz de schiste français... Le M'PEP (Mouvement politique d'émancipation Populaire) met en lumière d'autres conséquences négatives, tels que l'accroissement des tensions avec les BRICS ou encore la pression sur les salaires et les conditions de travail. Par ailleurs, le M'PEP propose également des solutions alternatives à ce traité.

La violation de la démocratie et de la souveraineté populaire

C'est donc clairement le peu de démocratie et de souveraineté qui restait aux Etats membres qui est menacé à travers ces négociations. Une fois ce traité conclu, il n'y aura plus de rempart aux pratiques des multinationales. Triste ironie d'un libre échange qui est tout sauf libre quand les Etats ne peuvent plus décider de rien... Que ces enjeux ne soit pas exposés clairement sur la place publique est honteux et illustre bien la désinformation dont les citoyens sont victimes. Désinformation qui sert une nouvelle fois l'avancée du libéralisme au détriment du bien être des peuples.

Notes :

1http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/14133.pdf Rapport de Claude Revel Conseillère du commerce extérieur de la France, à la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq (p. 73 « L'accord UE Etats-Unis à venir »)

2http://www.lepoint.fr/monde/l-exception-culturelle-francaise-ne-fait-pas-rire-obama-23-06-2013-1684959_24.php

3http://www.marianne.net/gerardfiloche/Refusons-d-engager-les-negociations-pour-un-projet-d-accord-transatlantique_a70.html

4http://www.m-pep.org/spip.php?article3357#outil_sommaire_21

5http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20130613.OBS3217/accord-commercial-etats-unis-europe-le-bras-de-fer.html

6http://blogs.mediapart.fr/blog/martin-bernard/030613/la-marche-forcee-vers-un-grand-marche-transatlantique-unifie

Pour approfondir :

Interview d'Hervé de Carmoy, vice-président de la Commission Trilatérale

http://www.cercledesvolontaires.fr/2012/04/10/interview-dherve-de-carmoy/

Vidéo de Jean-Michel Quatrepoint

http://www.cercledesvolontaires.fr/2013/06/24/accord-transatlantique-le-pouvoir-sera-alors-a-washington-pour-la-grande-politique-et-a-berlin-pour-leconomie-xerfi-canal/

Interview de Pierre Hillard

http://www.egaliteetreconciliation.fr/Entretien-avec-Pierre-Hillard-18095.html