Propagande de guerre. Panamza vous propose de découvrir les premières images de Voyage sans retour, film consacré à la « menace djihadiste » en France et prévu à l'affiche pour le 11 septembre.

« La France aussi a ses djihadistes », annonce d'emblée l'affiche du film :
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Le message est limpide : le terrorisme islamiste peut encore frapper sur le territoire national. Cette phrase anxiogène a été visiblement jugée plus efficace que le message délivré, dans un premier temps, dans l'affiche originelle : « Des caves de sa cité... aux grottes d'Afghanistan. »

Voici une compilation de teasers éloquents ainsi que la bande-annonce officielle du film :



Le mystère demeure sur la genèse d'une telle production cinématographique. À l'origine, le réalisateur, âgé de 37 ans, cumule - fait rare dans le paysage cinématographique hexagonal - les casquettes : acteur principal, scénariste mais aussi producteur. François Gérard est ainsi le gérant de la société Oreo, chargée de la production ainsi que de la distribution du film. Curieusement, selon un site spécialisé et régulièrement mis à jour, la société Oreo, créée par l'intéressé en 2006, aurait été radiée en 2009.

Le mystère continue : la fiche Allociné de l'acteur-réalisateur-scénariste-producteur est particulièrement vide. Même chose pour ses notices uniFrance et IMDb. Cette vacuité est d'autant plus étrange que François Gérard affirme avoir réalisé trois films auparavant. Une brève description de son parcours est consultable sur le site du Festival du cinéma méditerranéen de Bruxelles :
« Né en France de parents d'origine algérienne, François Gérard est cinéaste et acteur. Autodidacte, tout ce qu'il sait du cinéma, il l'a appris par lui-même. En 1996, il a réalisé son premier film, L'Heure légale. Ensuite, il réalise Les Feuilles d'or (1998) et Meet the Baltringues (2000). Avec Voyage sans retour, il signe son quatrième film. »
Une autre notice, parue sur le même site en 2000, contient d'autres informations, plus ou moins concordantes avec la description citée plus haut :
« Meet the baltringues (2000) est le premier long métrage et le troisième film produit, écrit, réalisé et interprété par François Gérard, après le court métrage L'Heure légale (1994) et le moyen métrage Les Feuilles d'or (1996). »
Voilà donc un inconnu de 37 ans (ou 47 selon sa fiche sur société.com) qui parvient à monter un budget important pour le tournage d'un film dans plusieurs pays (Italie, Angleterre, Inde, Afghanistan) alors qu'il se vante, via un blog dédié au film, de ne pas faire partie du sérail parisien :
« François est un autodidacte, il est bachelier et tout ce qu'il sait du cinéma, il se l'est enseigné lui-même ; il n'a jamais eu la chance d'être assistant ou de pouvoir intégrer une école, faute de réseau et de moyen financiers. »
Quant à sa motivation initiale, elle s'exprime dans les mêmes termes « sociétaux de gauche » utilisés auparavant par le réalisateur de La Désintégration, ce film également consacré au terrorisme d'obédience islamiste et co-écrit par Mohamed Sifaoui.
« J'ai pensé alors que je pourrais raconter une histoire contemporaine, l'histoire de Khaled Kelkal m'est venue à l'esprit. J'avais conservé un jour un article que j'ai toujours d'ailleurs, paru dans le journal Le Monde. À l'époque, je m'étais dit que j'aurais pu être lui. Les beurs des cités vivent tous la même frustration. Tous sont confrontés à l'incompréhension et au rejet social. C'est une réalité avec laquelle il faut s'accommoder.

Certains dérivent dans l'extrême violence. Mais sont-ils responsables de leurs actes ? Et quand ils le pensent ou le revendiquent, le sont-ils vraiment ? Ne sont-ils pas manipulés ? Ce sont ces questions philosophiques et sociales que j'ai voulu aborder. »
Aujourd'hui encore, dans un entretien accordé au site ArtéMédia, François Gérard précise bien que son film, imaginé « il y a dix ans », ne s'inspire pas de l'affaire Merah : le tournage a bien eu lieu avant mars 2012, même s'il reconnaît que le choix du personnage originaire d'une cité de Toulouse peut être vu comme « hasardeux » ou « prémonitoire ».

L'un des acteurs du film, Samy Naceri, déclare ainsi (à 3'20) avoir été « persuadé » par le scénariste de la vraisemblance du scénario.


Déjà présente sur Facebook, Twitter et Tumblr, la promotion de Voyage sans retour promet d'être particulièrement relayée dans la presse écrite et audiovisuelle, d'ordinaire encline à mettre en lumière les films à caractère politique. Celui-ci, destiné à rappeler aux citoyens l'existence d'une pseudo-menace terroriste - « très forte et permanente » - sur le sol français, est en adéquation parfaite avec l'actuel discours sécuritaire du ministre de l'Intérieur. Et, au regard des images dévoilées par les extraits du film, il est peu probable que l'histoire de François Gérard ne mette en lumière l'instrumentalisation étatique des réseaux terroristes ou, mieux encore, l'usage des attentats sous faux drapeau par les services secrets. Voyage sans retour n'est pas un brûlot subversif et indépendant mais plutôt l'œuvre opportuniste qui caresse, dans le sens du poil, les architectes et autres sous-fifres d'une prétendue « guerre contre le terrorisme » lancée, précisément, le 11 septembre 2001.