Des neutrinos cosmiques, soit des particules dont l'origine est à rechercher à l'extérieur du système solaire, ont été captés par un détecteur de particules situé en Antarctique.

La nouvelle fait la une de l'édition du 22 novembre 2013 de la revue Science. Et il y a de quoi, puisqu'on y apprend qu'entre mai 2010 à mai 2012, IceCube, ce détecteur de particules géant enfoui sous les glaces de l'Antarctique, a détecté le passage de visiteurs pour le moins inhabituels : 28 neutrinos (les neutrinos sont des particules élémentaires de masse pratiquement nulle) qui ne se sont pas formés dans le système solaire comme c'est le cas de la grande majorité des neutrinos qui frappent la Terre... mais en dehors du système solaire, dans le cosmos. Soit en d'autres termes, des « neutrinos cosmiques ».

Pour comprendre, il faut savoir que la majorité des neutrinos décelés par les détecteurs de particules terrestres sont de deux types. D'une part, il y a les neutrinos produits par le Soleil lui-même, dont certains franchissent l'atmosphère terrestre et viennent donc heurter la surface de la Terre. Et d'autre part, il y a les neutrinos qui se forment lorsque les rayons cosmiques (des rayons dont l'origine est donc à rechercher en dehors du système solaire) viennent heurter l'atmosphère terrestre, mais sans parvenir à y entrer : ces chocs ont pour effet de produire « localement », c'est-à-dire dans notre atmosphère, des neutrinos qui viennent alors frapper la surface de la Terre.

En d'autres termes, les neutrinos qui heurtent habituellement la Terre se forment soit dans le Soleil, soit dans l'atmosphère terrestre. Donc dans les deux cas, ces neutrinos sont créés à l'intérieur du système solaire.

Mais pour les 28 neutrinos dont il est question ici, l'histoire est bien différente : ils ne se sont pas formés à l'intérieur du système solaire, mais à l'extérieur. Et probablement même très loin de notre système solaire, à la suite de phénomènes cosmiques de grande ampleur, tels des effondrements gravitationnels d'étoiles (ce phénomène se produit à la fin du cycle de vie d'une étoile, lorsque cette dernière s'effondre sur elle-même sous l'effet de sa propre gravité) ou de jets de particules émis par des trous noirs.

Revenons aux 28 neutrinos décelés par le détecteur de particules IceCube : en quoi ces particules portent-t-elles la signature d'une origine extrasolaire ? Tout simplement parce qu'elles se caractérisent par un niveau d'énergie beaucoup trop élevé pour avoir été créées au sein de notre système solaire. En effet, leur niveau d'énergie est compris entre 30 et 1200 Téra-électronvolt (TeV), soit des niveaux d'énergie bien plus élevés que les neutrinos créés à l'intérieur de notre système solaire.

Parmi ces 28 neutrinos de haute énergie, deux d'entre sont dotés d'un niveau d'énergie record : en effet, ce niveau excède le péta-électonvolt (PeV), soit plusieurs dizaines de milliers de fois l'énergie du neutrino le plus énergétique jamais produit dans l'atmosphère ou par un accélérateur de particules !

Notons que la découverte de ces 28 neutrinos avait déjà été révélée le 15 mai 2013 par les physiciens du détecteur IceCube, au cours du Particle Astrophysics Symposium organisé à Madison (Wisconsin, États-Unis). Une annonce dont le Journal de la Science vous avait d'ailleurs fait part dès cette époque. A cette époque, les résultats n'avaient pas encore été publiés dans une revue scientifique.

Par ailleurs, signalons que la détection des deux neutrinos ultra-énergétiques (baptisés Bert et Ernie par les scientifiques qui les avaient détectés) dépassant le Péta-électronvolt dont il est question ci-dessus, avaient été dévoilée encore un peu plus tôt dans l'année, le 22 avril 2013. A cette occasion, les auteurs de la découverte avaient d'ailleurs déjà fait l'hypothèse que l'origine de ces deux particules était très probablement à rechercher hors de notre système solaire (pour accéder à un compte-rendu de ces résultats, consulter l'article "IceCube neutrinos came from outer space" publié sur le site de Nature le 22 avril 2013).