Les protestataires réclament depuis près d'un mois la chute du gouvernement de Yingluck Shinawatra et son frère Thaksin.

Des manifestants réclamant la chute du gouvernement thaïlandais sont entrés de force vendredi au siège de l'armée de terre, demandant aux militaires de les rejoindre. «Les manifestants ont forcé le portail à 12h10, heure locale (6h10, heure française) et sont maintenant dans le quartier général de l'armée de terre» dans le centre historique de Bangkok, a indiqué une porte-parole de l'armée à l'AFP, précisant que le chef de l'armée de terre n'était pas présent à ce moment.

Selon une journaliste de l'AFP, des milliers de personnes sont entrées dans le complexe - mais pas dans les bâtiments. «Nous voulons montrer à l'armée que le peuple est fort et courageux (...). Nous voulons savoir si l'armée se mettra du côté du peuple», a déclaré l'un des meneurs des manifestants, Amorn Amornrattananont. «Nous ne voulons pas d'un coup d'Etat militaire», a-t-il ajouté.

La mobilisation dure depuis un mois contre la chef du gouvernement Yingluck Shinawatra et son frère Thaksin, ancien Premier ministre renversé par un coup d'Etat en 2006, qui reste au coeur de la politique du royaume malgré son exil.

Les manifestations ont pris de l'ampleur cette semaine. Et les manifestants, qui ont rejeté l'offre de discussion de Yingluck, occupaient vendredi plusieurs bâtiments officiels, dont le ministère des Finances. Ils en ont assiégé plusieurs autres ces derniers jours, dont le siège de la police nationale, où ils avaient coupé l'électricité jeudi.

Des milliers d'autres manifestants, accompagnés du bruit assourdissant de sifflets qui sont devenus leur signe distinctif, ont marché vers le siège du parti Puea Thai au pouvoir, qui avait largement remporté les dernières élections de 2011, comme tous les autres partis pro-Thaksin avant lui depuis plus de dix ans. La situation en début d'après-midi était très tendue devant le bâtiment protégé par des dizaines de policiers anti-émeutes.

«Système Thaksin»

La colère des manifestants a été provoquée par un projet de loi d'amnistie, selon eux, taillé sur mesure pour permettre le retour de Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières.

Malgré le rejet du texte par le Sénat, les manifestants, groupes hétéroclites rassemblés par leur haine du milliardaire, n'ont pas désarmé et exigent désormais la tête de Yingluck, qu'ils considèrent comme une marionnette de son frère, et la fin du «système Thaksin», qu'ils associent à une corruption généralisée. Des accusations reprises par le Parti démocrate, principal parti d'opposition qui n'a pas gagné d'élections en près de 20 ans, dans une motion de censure contre Yingluck à laquelle la Première ministre a sans surprise échappé jeudi.

Dans une capitale habituée aux violences politiques, ce mouvement, le plus important depuis la crise de 2010 qui avait fait 90 morts, fait craindre des débordements, notamment à l'approche du week-end qui devrait voir une nouvelle augmentation du nombre de manifestants après un pic à quelque 150 000 dimanche dernier.

Si les rassemblements sont jusqu'ici restés largement pacifiques, des incidents ont eu lieu jeudi en dehors de Bangkok où les manifestants ont étendu leur action. Deux opposants au gouvernement ont notamment été légèrement blessés lors d'affrontements avec des «chemises rouges» fidèles à Thaksin dans la province de Patum Thani, au nord de Bangkok, selon la police.

Quelques milliers de «rouges» campent également dans un stade de la capitale depuis dimanche et ont appelé pour samedi à un grand rassemblement. Mais les divers mouvements pourraient faire au moins une pause à l'approche de l'anniversaire du roi Bhumibol, le 5 décembre, un évènement très important pour les Thaïlandais, qui se doit d'être célébré dans le calme et le respect.

Lors d'une adresse télévisée jeudi, Yingluck avait appelé les manifestants à rentrer chez eux, soulignant que le gouvernement ne voulait pas de confrontation mais des négociations. Mais le principal meneur du mouvement, l'ancien vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban a rejeté toute idée de discussions jeudi soir.

«Yingluck dit que le gouvernement peut toujours gouverner, toujours travailler. Je veux lui dire qu'il ne pourra travailler encore que pour quelques jours, après nous ne le laisserons plus travailler», a-t-il déclaré devant des milliers de partisans.