Au Portugal, des paléontologues ont mis au jour un squelette bien fossilisé ressemblant à un tyrannosaure, long de dix mètres. Il appartient à un genre connu, Torvosaurus, mais ce redoutable carnivore, le plus grand retrouvé à ce jour en Europe, est une nouvelle espèce. La preuve par les - puissantes - mâchoires.

squelette de Torvosaurus gurneyi, dinosaure
© Christophe Hendrickx, Octávio Mateus, Plos One ; dessins de Scott Hartman, Carol Abraczinskas et Simão Mateus En A, le squelette de Torvosaurus gurneyi reconstitué grâce aux restes fossiles récemment trouvés (en rouge) et étudiés sur d'autres spécimens (en bleu). Le crâne volumineux (1,15 m de longueur) est représenté en B avec ses dents de bonnes tailles. La barre d'échelle de la figure A vaut 1 m et celle en B 10 cm.
Au nord de Lisbonne, à Lourinhã, sur la côte atlantique, les paléontologues avaient déjà exhumé des restes de dinosaures et notamment des Torvosaurus. Ces grands prédateurs vivaient il y a 150 millions d'années, à la fin du Jurassique supérieur, et les fossiles connus ont été trouvés dans l'actuelle Amérique du Nord et au Portugal. Ils ressemblaient aux tyrannosaures, marchant comme eux sur deux pattes. Ce sont d'ailleurs des théropodes, comme le célèbre Tyrannosaurus rex et comme nos oiseaux actuels, mais, appartenant à la vieille famille des mégalosauridés, ils n'en sont que des cousins très lointains.

Dans cette même formation de Lourinhã, l'été dernier, un chasseur de fossiles amateur avait d'ailleurs découvert des restes d'œufs et d'embryons, dans ce qui s'est avéré être un nid de Torvosaurus. Des restes fossiles - un maxillaire et une vertèbre caudale - , récemment mis au jour, ont d'abord été attribués, comme les autres fossiles de ce théropode trouvés au Portugal, à Torvosaurus tanneri, espèce décrite par des fossiles en Amérique du Nord et de la même période du Kimméridgien-Tithonien.

maxillaire gauche de Torvosaurus gurneyi, dinosaure
© Christophe Hendrickx, Octávio Mateus, Plos OneLe maxillaire gauche de Torvosaurus gurneyi vu de côté (A et B), de dessous (C) et de dessus (D). Les dents sont celles d'un prédateur. D'autres ont été retrouvées. La plus grande mesure près de 12 cm (hauteur au-dessus de l'os). Plusieurs différences nettes avec les maxillaires attribués à T. tanneri donnent à penser qu'il s'agit d'une espèce distincte. Les barres d'échelle valent 10 cm.
Mais Christophe Hendrickx (Nouvelle université de Lisbonne) et Octávio Mateus (musée de Lourinhã), qui avaient collaboré à l'étude des embryons de Torvosaurus, ont regardé de plus près ces fossiles de dinosaures. Ils ont découvert deux différences morphologiques importantes au niveau du maxillaire, concernant la forme de l'os et le nombre de dents, et d'autres originalités. Selon eux, les résultats qu'ils publient dans la revue Plos One démontrent qu'il s'agit d'une espèce différente, baptisée Torvosaurus gurneyi. Avec une longueur estimée à 10 m, un crâne de 1,15 m et des dents de plus de 10 cm, l'animal, expliquent-ils, est le plus grand prédateur terrestre jamais découvert en Europe.

Les auteurs de l'étude expliquent les petites différences entre T. tanneri et T. garneyi par une séparation géographique entre les populations. C'est la « vicariance », divergence apparaissant entre des groupes s'isolant les uns des autres, pouvant conduire à l'apparition d'une ou plusieurs espèces distinctes (c'est la spéciation). Cette séparation des populations serait due à l'ouverture de l'océan Atlantique, qui avait effectivement commencé à cette époque.

En somme, donc, tous les Torvosaurus portugais de cette époque appartiendraient en fait à une espèce différente de celle que l'on retrouve en Amérique du Nord. C'est l'hypothèse que proposent les deux auteurs de cette étude qui ont réexaminé d'autres fossiles attribués à T. tanneri. La tectonique des plaques aurait ainsi conduit à l'existence de deux espèces légèrement différentes de ces superprédateurs.