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« Tout ce qui est excessif est insignifiant », affirmait à juste titre Talleyrand. Un aphorisme qu'aurait dû méditer Nicolas Sarkozy avant de publier sa tribune dans les colonnes du quotidien Le Figaro le vendredi 21 mars. Hormis quelques très rares amis fidèles comme Henri Guaino, Brice Hortefeux et l'inénarrable Nadine Morano - elle-même coutumière des énormités - , on ne peut pas dire que les caciques de l'UMP se soient précipités dans les médias pour soutenir l'ex-président...

Que Nicolas Sarkozy, de plus en plus mis en difficulté par l'accumulation d'accablantes révélations, puisse éprouver de manière irrépressible le besoin de se défendre publiquement, chacun peut le comprendre, même si l'ancien président sait pertinemment pourquoi les juges sont accrochés à ses basques dans 6 affaires judiciaires différentes dont certaines ont été initiées durant son mandat sur de graves présomptions.

Que Nicolas Sarkozy dénonce l'acharnement de ces juges à son encontre est également de bonne guerre pour un justiciable qui a beaucoup à perdre en cas de condamnation. C'est même une technique dont usent et abusent, avec l'aide d'avocats chevronnés comme Me Herzog, les grands délinquants de la politique en quête d'un soutien populaire visant à affaiblir l'appareil judiciaire en mettant la pression sur les magistrats.

Que Nicolas Sarkozy se pose, une fois de plus - malgré l'usure d'un procédé vieux comme les médias - en victime d'un vaste complot destiné à l'abattre pour l'écarter définitivement de la vie politique et tuer dans l'œuf ses ambitions pour la présidentielle de 2017, relève là aussi d'une stratégie compréhensible ; un complot évidemment orchestré par le camp d'en-face comme le veut la règle du genre.

Que Nicolas Sarkozy s'en prenne aux principaux membres du gouvernement et, en filigrane, à l'actuel président de la République pour les rendre directement responsables de ses déboires judiciaires, rien d'étonnant là non plus dans le cadre d'une stratégie de victimisation visant à créer une empathie chez les plus naïfs de nos compatriotes. C'est même l'une des armes favorites des hommes de pouvoir. Mais c'est, là aussi, de bonne guerre lorsqu'on prétend revenir aux affaires après en avoir été chassé par les électeurs.

Tout cela, le premier quidam venu peut le comprendre, et même observer avec un élan de sympathie les pathétiques initiatives d'un homme réellement meurtri tant il est enfermé dans son rapport paranoïaque aux évènements (lien). Un homme qui sent l'étau judiciaire se resserrer progressivement sur lui pour l'ensemble de son œuvre. Un homme qui vit dans l'angoisse de nouvelles révélations médiatiques sur ses turpitudes présumées.

Il faut se rendre à l'évidence : Nicolas Sarkozy a peur. Peur de la justice de son pays, mise en œuvre par ces « petits pois » qu'il méprise et qu'il a tout fait pour décrédibiliser durant son quinquennat. Peur de voir son principal rival au sein de l'UMP dans l'optique de 2017, Alain Juppé, être réélu triomphalement à Bordeaux et prendre progressivement l'ascendant chez les militants (lien). Peur de voir les caciques de son parti faire front pour lui imposer des primaires qu'il refuse en estimant que son statut le met au-dessus de débats avec d'anciens collaborateurs qu'il a tous méprisés et, un jour ou l'autre, traités de « connards » ou d'« abrutis ».

La peur et la colère justifient-elles pour autant d'écrire n'importe quoi dans le but de manipuler l'opinion publique ? Non, évidemment, et si l'on peut comprendre la réaction d'un ex-monarque républicain blessé de se voir désormais traité comme un justiciable ordinaire - ni au-dessus des lois, ni « au-dessous » de ces mêmes lois comme il l'affirme dans sa tribune - , on ne peut qu'être choqué et scandalisé par les amalgames auxquels il procède dans sa violente diatribe.

N'en déplaise à Nicolas Sarkozy, la France n'est pas la RDA, et son appareil judiciaire n'a rien à voir avec la Stasi, cette détestable police politique est-allemande qui espionnait le moindre citoyen soupçonné d'être un opposant au régime et n'hésitait pas à recourir à la torture. En établissant ce honteux amalgame entre une dictature et notre pays, Nicolas Sarkozy - dont il faut rappeler en passant qu'il a été le principal promoteur du fonctionnement actuel des interceptions de justice - s'est totalement discrédité et a fait de sa tribune un torchon de caniveau indigne et méprisable.

Une fois de plus, Nicolas Sarkozy est allé trop loin, beaucoup trop loin cette fois dans les attaques des institutions dont l'ex-président qu'il est devrait pourtant être l'un des garants. En cela, il a commis une énorme faute. Dès lors, on comprend mieux le silence assourdissant de ses « amis » politiques, stupéfaits qu'un homme d'état ait pu ainsi se laisser emporter par son ego à de telles outrances en insultant de manière si minable les institutions françaises. Nicolas Sarkozy voulait, par cette tribune, ressouder son camp derrière lui. C'est raté : il a sans doute définitivement soudé les caciques de la droite gouvernementale contre lui, contre toute tentative de retour.

Incontestablement, Nicolas Sarkozy a commis une très grande faute en tirant à boulets rouges contre les institutions de son pays, de notre pays. Cette faute sera-t-elle rédhibitoire ? L'avenir nous le dira...