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Du TAFTA, Du TTIP, de l'APT ... Est-ce que la majorité des Français sait de quoi il s'agit ? Malheureusement NON. Alors qu'il s'agit d'un des sujets les plus important de notre époque et qui, s'il est conduit à terme, aura une empreinte écologique désastreuse avec l'impact correspondant qui en découlera sur notre vie quotidienne. Le grand marché transatlantique, c'est tout simplement le début de l'unification politique et économique des États-Unis et de l'Union Européenne sur fond d'ultra libéralisme. Même si le sujet commence à être évoqué, c'est à croire que les grands médias n'ont plus la possibilité d'éclairer les gens sur ce genre de sujets de manière critique et suffisamment détachée de toute influence financière ou politique.

Négocié depuis le mois de juillet 2013, il faut rappeler que TAFTA, accord commercial trans-atlantique ou Trans-Atlantic Free Trade Agreement (aussi connu sous le nom de TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership ou Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement) est un Accord de Partenariat Transatlantique (APT) qui prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l'Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d'une réparation de plusieurs millions d'euros au bénéfice des plaignants. Ce projet d'accord commercial, entre l'Union européenne et les Etats-Unis, concerne des domaines aussi variés que l'accès aux médicaments, la sécurité alimentaire, l'agriculture ou le règlement des différents privés - publics. Les négociations qui se déroulent dans l'opacité, sous mandat de la commission Européenne, auxquelles le parlement Européen actuel ne s'est pas opposé, sont conduites par un petit groupe de fonctionnaires non élus et sont censées durer au moins jusqu'à fin 2014. Déni de démocratie au nom de la liberté des échanges économiques, marché de dupes pour une Europe « libérale » mais protectrice, problématiques de la crise écologique exclues au profit de la recherche désespérée d'une Croissance impossible, crime contre l'environnement, la santé caractérisent, entre autres, les négociations en cours.

Un déni de Démocratie

Alors que les Parlementaires Européens sont à même de faire barrage à ce projet, l'ont-ils lu avant de donner leur accord pour un mandat de négociation à des fonctionnaires non élus, via la Commission Européenne et son Président Mr. BARROSO ? On peut en douter. Même la très Nationaliste Mme. LE PEN, d'après une revue de sa sensibilité politique où ses propres ''amis'' rappellent qu'en 2008, par son vote elle a soutenu et cautionné la création d'un grand marché transatlantique, reliant l'Union Européenne et les USA (http://la-flamme.fr/2012/05/quand-marine-le-pen-soutenait-le-marche-transatlantique/ ) ... Pour être très précis, elle a voté oui au texte : RC B6-0209/2008 qui stipule :
1. souligne qu'un partenariat transatlantique étroit est l'instrument clé pour façonner la mondialisation dans l'intérêt de nos valeurs communes et dans la perspective d'un ordre mondial équitable en matière politique et économique ; réitère son avis selon lequel un marché transatlantique efficace et compétitif forme une base propice à l'établissement ferme du partenariat transatlantique, qui permettra à l'UE et aux États Unis de relever ensemble les défis politiques et économiques.

2. soutient résolument le processus de renforcement de l'intégration économique transatlantique lancé lors du sommet UE-États-Unis par l'adoption du « cadre pour progresser dans l'intégration économique transatlantique entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique » et par la création du Conseil économique transatlantique (CET), chargé de superviser et d'accélérer les efforts exposés dans ledit cadre.
Comme le soulignait le journal RUE 89, l'objectif des négociations c'est de rendre les normes Européennes et Américaines compatibles entre elles. Les négociateurs envisagent ainsi de créer un « conseil de coopération règlementaire », qui serait chargé de cette mission. Pour les détracteurs de TAFTA, cet organe pourrait soustraire la décision aux mécanismes démocratiques, en modifiant les normes selon son bon vouloir. Bien que toute analyse définitive est pour l'instant prématurée, car, vu l'opacité dans laquelle se déroulent ces négociations on n'en connaît pas le contenu. Le résultat dépendra des pressions exercées de part et d'autre, ainsi que du Parlement européen issu des élections européennes du 25 mai qui pourrait à cet égard jouer rôle important, puisque son accord sera indispensable à la ratification de TAFTA.

Un marché de dupes pour une Europe « libérale » mais protectrice

A force de répéter que l'Europe est « libérale », on oublie combien elle est règlementée quand il s'agit de protéger le consommateur. Personne en Europe ne mange encore de bœuf aux hormones, du porc à la Ractopamine ou de produits OGM. Ce sont ces protections qui risquent d'être remises en cause par l'accord en cours de négociation.

Autre danger : la mise en place d'une procédure des règlements des différends qui ferait la part belle aux grandes entreprises, notamment les multinationales de l'Agro Alimentaire, dans leurs conflits avec les Etats. Ceux-ci seraient à la merci de poursuites dès qu'ils tenteraient de protéger l'environnement ou la santé de leurs citoyens.

La Commission de Bruxelles a bien ouvert une consultation publique sur ce sujet, mais quand on lui demande ce qui se passera si la majorité des avis qu'elle recevra est hostile, elle répond : « Ce n'est pas un référendum. » N'accablons, toutefois pas pour autant la Commission : elle ne fait dans cette affaire que suivre le mandat que lui ont confié les pays européens.

La France, elle aussi, a poussé à la négociation avec les Etats-Unis, dans l'espoir hypothétique d'obtenir un jour quelques miettes supplémentaires de croissance. Elle part en position de faiblesse : elle déjà utilisée sa cartouche veto en exigeant que la culture et l'audiovisuel soient exclus du champ des négociations. Une victoire de Pyrrhus, puisqu'elle ne pourra plus exiger grand-chose d'autre. Autrement dit, la France est désormais en situation de faiblesse

François HOLLANDE qui a fait de l'entreprise l'alpha et l'oméga de sa stratégie économique et sociale, s'est jusque-là montré très sensible aux pressions des entreprises qui poussent à la libéralisation des échanges avec les Etats-Unis. Lors de sa visite aux Etats-Unis, prenant conscience du risque de voir l'opinion publique finir par se cabrer, il a souhaité publiquement une accélération des discussions. Aller vite pour étouffer la critique qui monte... INCROYABLE ! Mais peut-on espérer autre chose de la part d'un ''young leader'' de la ''French American Foundation'' (http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/qui-gouverne-reellement-135165)

Les problématiques de la crise écologique exclues au profit de la recherche désespérée d'une Croissance impossible

Au-delà des ''Blablabla'' rassurant des responsables politiques Européens et de leurs haut fonctionnaires, comment pourrait-on, par ailleurs, prendre au sérieux le fait d'invoquer et de se retrancher derrière des conventions internationales qui nous protègeraient, alors que le futur « partenaire » Américain refuse d'y adhérer : conventions sociales de l'OIT, convention sur le respect de la diversité culturelle de l'UNESCO Etc. et surtout le protocole de Kyoto. Pour lequel « le modèle de vie Américain n'est pas à négocier... » Par ailleurs, lorsque Barack OBAMA est venu le 26 mars dernier sceller à Bruxelles le 4ème round des négociations avec José - Manuel BARROSO, en Faisant part : « De son assurance à prendre en compte les inquiétudes à long terme des deux côtés de l'atlantique vis-à-vis de ce traité en martelant qu'il s'est toujours battu pour la défense des consommateurs et de l'environnement et qu'il ne laisserait pas affaiblir les normes en la matière », cela aura surtout permis au Président américain de vendre "son" gaz de schiste.

Alors que la crise écologique et les défis écologiques du XXIe siècle qu'elle suppose doivent être placés au cœur des débats et des décisions des politiques économiques internationales, avec ce traité transatlantique nous sommes dans une logique suicidaire, où la protection de la Biodiversité, les dérives climatiques, dont les changements et ses évolutions futures ne passionnent, apparemment, pas plus les rédactions que les négociateurs de l'APT , alors que ce sont là des intérêts supérieurs qui concernent l'ensemble des populations de la planète.

L'empreinte écologique, cadet des soucis des négociateurs de l'APT

L'épuisement des ressources naturelles au premier rang desquelles les énergies fossiles, les crises alimentaires liées aux problématiques de surpopulation, le niveau minimum de la banquise qui a été atteint sept fois ces sept dernières années, la fonte du Groenland et de l'Antarctique qui a un impact indéniable sur l'élévation du niveau des mers, lequel, revu à la hausse, est presque deux fois plus rapide depuis 20 ans, les micro - plastiques en Méditerranée qui sont une bombe écologique à retardement, les précipitations qui vont augmenter à l'échelle planétaire d'ici la fin du 21ème siècle, et la période 1983-2012 a probablement été la plus chaude depuis 1400 ans, sont quasiment absents de la réflexion des négociations. Comme les découverts écologiques se sont ajoutés d'une année sur l'autre à l'instar des déficits publics qui se cumulent dans la dette, la dilapidation du capital naturel commence de plus en plus tôt. Or Les difficultés financières et économiques de l'Europe et de la France qui sont à la fois reliées aux difficultés d'approvisionnement en énergie, à la menace du réchauffement climatique, au décalage entre les ressources disponibles et la croissance démographique, à la faiblesse des stock alimentaires et à l'effondrement de la biodiversité ne peuvent être désormais éludés de nos choix politiques et ce à tous les niveaux.

Un crime contre la protection des populations, l'environnement, la santé

Parce qu'elles visent à brader des pans entiers du secteur non marchand, les négociations autour de l'APT et du TTP se déroulent derrière des portes closes. Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d'un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l'administration. Rien ne doit filtrer. Instruction a été donnée de laisser journalistes et citoyens à l'écart des discussions : ils seront informés en temps utile, à la signature du traité, lorsqu'il sera trop tard pour réagir.

L'impérieuse volonté de soustraire le chantier du traité Américano - Européen à l'attention du public se conçoit aisément. Mieux vaut prendre son temps pour annoncer au pays les effets qu'il produirait à tous les échelons : du sommet de l'Etat jusqu'aux assemblées territoriales de base (conseils municipaux), les élus devront redéfinir de fond en comble leurs politiques publiques de manière à satisfaire les appétits du privé dans les secteurs qui lui échappaient encore en partie. Sécurité des aliments, normes de toxicité, assurance-maladie, prix des médicaments, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d'auteur, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration : Pas un domaine d'intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé. L'action politique des élus se limitera à négocier auprès des entreprises ou de leurs mandataires locaux les miettes de souveraineté qu'ils voudront bien leur consentir.

Il est d'ores et déjà stipulé que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité.Nul doute qu'ils veilleront scrupuleusement à honorer cet engagement. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l'objet de poursuites devant l'un des tribunaux spécialement créés pour arbitrer les litiges entre les investisseurs et les Etats, et dotés du pouvoir de prononcer des sanctions commerciales contre ces derniers.

Justice privée d'exception au service des Multinationales

L'idée peut paraître invraisemblable ; elle s'inscrit pourtant dans la philosophie des traités commerciaux déjà en vigueur. L'année dernière, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi condamné les Etats-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins », pour l'indication du pays d'origine sur les viandes importées, ou encore pour l'interdiction du tabac parfumé aux bonbons, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l'Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d'euros pour son refus d'importer des organismes génétiquement modifiés (OGM). La nouveauté introduite par l'APT et le TTP, c'est qu'ils permettraient aux multinationales de poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur abattage commercial.

Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l'environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d'affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l'Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d'une société.

Ce système « investisseur contre Etat », qui semblait rayé de la carte après l'abandon de l' Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI) en 1998, a été restauré en catimini au fil des années. En vertu de plusieurs accords commerciaux signés par Washington, 400 millions de dollars sont passés de la poche du contribuable à celle des multinationales pour cause d'interdiction de produits toxiques, d'encadrement de l'exploitation de l'eau, du sol ou du bois, etc. Sous l'égide de ces mêmes traités, les procédures actuellement en cours, dans des affaires d'intérêt général comme les brevets médicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat et les énergies fossiles, font grimper les demandes de dommages et intérêts à 14 milliards de dollars.

L'APT alourdirait encore la facture de cette extorsion légalisée, compte tenu de l'importance des intérêts en jeu dans le commerce transatlantique. Trois mille trois cents entreprises européennes sont présentes sur le sol américain par le biais de vingt-quatre mille filiales, dont chacune peut s'estimer fondée un jour ou l'autre à demander réparation pour un préjudice commercial. Un tel effet d'aubaine dépasserait de très loin les coûts occasionnés par les traités précédents. De leur côté, les pays membres de l'Union européenne se verraient exposés à un risque financier plus grand encore, sachant que quatorze mille quatre cents compagnies américaines disposent en Europe d'un réseau de cinquante mille huit cents filiales. Au total, ce sont soixante-quinze mille sociétés qui pourraient se jeter dans la chasse aux trésors publics.

Officiellement, ce régime devait servir au départ à consolider la position des investisseurs dans les pays en développement dépourvus de système juridique fiable ; il leur permettait de faire valoir leurs droits en cas d'expropriation. Mais l'Union européenne et les Etats-Unis ne passent pas précisément pour des zones de non droit ; ils disposent au contraire d'une justice fonctionnelle et pleinement respectueuse du droit à la propriété. En les plaçant malgré tout sous la tutelle de tribunaux spéciaux, l'APT démontre que son objectif n'est pas de protéger les investisseurs, mais bien d'accroître le pouvoir des multinationales.

Cultures intensives aux OGM, Bœufs aux hormones, porcs à la Ractopamine, poulets lavés au clore etc. demain dans l'alimentation des Européens ?...

La Chambre Américaine de commerce et Business Europe, deux des plus grosses organisations patronales de la planète, ont ainsi appelé les négociateurs de l'APT à réunir autour d'une table de travail un échantillon de gros actionnaires et de responsables politiques afin qu'ils « rédigent ensemble les textes de régulation » qui auront ensuite force de loi aux Etats-Unis et dans l'Union européenne. C'est à se demander, d'ailleurs, si la présence des politiques à l'atelier d'écriture commercial est vraiment indispensable...

De fait, les multinationales se montrent d'une remarquable franchise dans l'exposé de leurs intentions. Par exemple sur la question des OGM. Alors qu'aux Etats-Unis un Etat sur deux envisage de rendre obligatoire un label indiquant la présence d'organismes génétiquement modifiés dans un aliment, une mesure souhaitée par 80 % des consommateurs du pays, les industriels de l'agroalimentaire, là comme en Europe, poussent à l'interdiction de ce type d'étiquetage. L'Association nationale des confiseurs n'y est pas allée par quatre chemins : « L'industrie américaine voudrait que l'APT avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité. » La très influente Association de l'industrie biotechnologique (Biotechnology Industry Organization,), dont fait partie le géant MONSANTO, s'indigne pour sa part que des produits contenant des OGM et vendus aux Etats-Unis puissent essuyer un refus sur le marché européen. Elle souhaite par conséquent que le « gouffre qui se creuse entre la dérégulation des nouveaux produits biotechnologiques aux Etats-Unis et leur accueil en Europe » soit prestement comblé. MONSANTO et consorts ne cachent pas leur espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d'imposer enfin aux Européens leur « catalogue foisonnant de produits OGM en attente d'approbation et d'utilisation ».

Les normes de qualité dans l'alimentation sont elles aussi prises pour cible. L'industrie américaine de la viande entend obtenir la suppression de la règle européenne qui interdit les poulets désinfectés au chlore. A l'avant-garde de ce combat, le groupe YUM, propriétaire de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC), peut compter sur la force de frappe des organisations patronales. « L'Union autorise seulement l'usage de l'eau et de la vapeur sur les carcasses », proteste l'Association nord-américaine de la viande, tandis qu'un autre groupe de pression, l'Institut américain de la viande, déplore le « rejet injustifié [par Bruxelles] des viandes additionnées de bêta-agonistes, comme le chlorhydrate de ractopamine ».

La Ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l'Union, la Russie et la Chine. Pour la filière porcine américaine, cette mesure de protection constitue une distorsion de la libre concurrence à laquelle l'APT doit mettre fin d'urgence.

« Les producteurs de porc américains n'accepteront pas d'autre résultat que la levée de l'interdiction européenne de la Ractopamine », menace le Conseil national des producteurs de porc (National Pork Producers Council, NPPC). Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, les industriels regroupés au sein de Business Europe dénoncent les « barrières qui affectent les exportations européennes vers les Etats-Unis, comme la loi américaine sur la sécurité alimentaire ». Depuis 2011, celle-ci autorise en effet les services de contrôle à retirer du marché les produits d'importation contaminés. Là encore, les négociateurs de l'APT sont priés de faire table rase.

Il en va de même avec les gaz à effet de serre. L'organisation Airlines for America (A4A), bras armé des transporteurs aériens américains, a établi une liste des « règlements inutiles qui portent un préjudice considérable à [leur] industrie » et que l'APT, bien sûr, a vocation à rayer de la carte. Au premier rang de cette liste figure le système européen d'échange de quotas d'émissions, qui oblige les compagnies aériennes à payer pour leur pollution au carbone. Bruxelles a provisoirement suspendu ce programme ; A4A exige sa suppression définitive au nom du « progrès ».

L'offensive n'est pas moins vigoureuse sur le front de la vie privée. La Coalition du commerce numérique Digital Trade Coalition, (DTC), qui regroupe des industriels du Net et des hautes technologies, presse les négociateurs de l'APT de lever les barrières empêchant les flux de données personnelles de s'épancher librement de l'Europe vers les Etats-Unis. « Le point de vue actuel de l'Union selon lequel les Etats-Unis ne fournissent pas une protection de la vie privée "adéquate" n'est pas raisonnable », s'impatientent les lobbyistes. A la lumière des révélations de Mr. SNOWDEN sur le système d'espionnage de l'Agence nationale de sécurité National Security Agency (NSA), cet avis tranché ne manque pas de sel. Toutefois, il n'égale pas la déclaration de l'US Council for International Business (US CIB), un groupement de sociétés qui, à l'instar de Verizon, ont massivement approvisionné la NSA en données personnelles : « L'accord devrait chercher à circonscrire les exceptions, comme la sécurité et la vie privée, afin de s'assurer qu'elles ne servent pas d'entraves au commerce déguisées. »

Mais c'est dans le secteur de la finance que la croisade des marchés est la plus virulente. Depuis la fin des années 70 La politique monétariste qui s'est imposée progressivement à l'ensemble des économies Occidentales a dépossédé le pouvoir politique, c'est-à-dire l'Etat, de son droit de contrôle et régulation de l'économie, au profit de la bourse et des agences de notation. Elle lui a également fait perdre sa souveraineté monétaire, car le droit d'émettre de la monnaie relève désormais de la seule compétence des banques centrales et des banques privées qui en Europe n'ont aucun ordre à recevoir, ni de compte à rendre aux gouvernements. Les Etats sont devenus volontairement impuissants, la bourse et les agences de notation privées dictent les politiques aux états qui ont capitulé. Ce n'est pas seulement le gouvernail de l'économie, mais le pouvoir politique, Notamment via la mise en place de gouvernements dits '' techniques'' à leur solde et la direction des affaires internationales avec des guerres d'assujettissement à leur domination que les dirigeants des Banques ont pris. Malgré cela, ce qui est incroyable, sept ans après l'irruption de la crise des ''subprimes'', les négociateurs américains et européens sont convenus que les quelques velléités de régulation de l'industrie financière par certains dirigeants avaient fait leur temps. Le cadre qu'ils veulent mettre en place prévoit de lever tous les garde-fous en matière de placements à risques et d'empêcher les gouvernements de contrôler le volume, la nature ou l'origine des produits financiers mis sur le marché. En somme, il s'agit purement et simplement de rayer le mot « régulation ».

Pour conclure

Faudra-t-il attendre que la négociation soit quasi-bouclée pour ouvrir le débat ? Ce fut le scénario désastreux de la ''directive BOLKESTEIN'' sur la libéralisation des services, rappelons nous l'histoire du fameux « plombier polonais ». Le changement de gouvernement et l'approche des Européennes fournissent une bonne occasion de conjurer ce syndrome et d'exposer les questions extrêmement graves posées par ce projet de traité.

François Hollande, qui s'est entouré à l'Elysée de clones idéologiques, semble sourd à ces enjeux. Mais le nouveau Premier Ministre Manuel VALLS pourrait-il avoir un peu plus de sens et de courage politique et les entendre, lui qui a eu comme modèle, celui de Lionel Jospin lorsqu'il était à Matignon. A l'époque ce dernier avait d'ailleurs pris conscience que le projet d'Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI), un traité de la même eau négocié dans la même ombre, était dangereux pour la souveraineté des Etats et la démocratie. Prenant ses responsabilités, il avait mis un terme aux pourparlers, sans que les autres pays européens ne s'en plaignent particulièrement. Aujourd'hui, on peut toutefois en douter, car en ce temps là le Président s'appelait CHIRAC et que nous étions en période de cohabitation. Seule l'épée de Damoclès, que sont les élections Européennes du 25 Mai, peut encore infléchir les décisions, via les engagements de campagne.