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Si je n'étais convaincu de l'intelligence hors du commun de Barak Obama, je dirais que c'est l'homme le plus stupide de la Terre. Plus stupide même que ne le fut Georges W. Bush. Mais s'il n'est pas stupide, alors Barak Obama est machiavélique. Son attitude n'est en aucune manière tournée vers une résolution pacifique de la crise en Ukraine. Tous ses propos depuis quelques jours montrent au contraire qu'il souhaite aggraver la situation et provoquer l'ours russe jusqu'au point de non-retour. Et ce qui aujourd'hui nous épargne encore une nouvelle guerre est la patience de l'administration russe.

Les faucons de Washington

Qu'entend-on ? Que la Russie est surveillée, comme un enfant. Que l'affaire du tract antisémite dont personne ne sait l'origine est utilisée en boucle pour diaboliser les insurgés de l'est. Si Barak Obama était un homme de paix, il userait d'un autre ton et forcerait ses alliés ukrainiens de l'est à désarmer les nazillons semeurs de guerre. Mais son alliés, le gouvernement putchiste en place à Kiev, a-t-il seulement quelque autorité sur ce qui se passe dans le pays ? A-t-il diligenté une enquête sur le groupe d'hommes armés qui a assassiné des résistants la nuit de Pâques ? Non, il ne fait rien. Il ne nettoie pas plus la place Maidan, comme l'accord le prévoyait pourtant :

« ... toutes les rues, les places et les autres lieux publics dans les villes ukrainiennes doivent être libérés ».

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Qu'attendre d'un premier ministre, Arseniy Yatsenyuk, qui a contribué à renverser un gouvernement démocratiquement élu, et dont la Fondation qui porte son nom est soutenue par la crème de la crème (image 2, cliquer pour agrandir) : l'Otan elle-même, le Département d'Etat américain, le milliardaire financier Soros par le biais de l'International Renaissance Foundation (qui aurait également financé les Femens dont les liens avec l'extrême-droite ukrainienne ont été récemment mis à jour), un lobby d'affaires anglais diffusant des analyse très orientées - l'un des derniers articles s'intitulant « A Russian Requiem », un lobby soutenant financièrement des ONG avec l'argent du Congrès américain, entre autres. Les supports de Yatsenyuk, oligarque notoire, montrent qui est derrière la prise de pouvoir putchiste.

Le premier ministre ukrainien Arseniy Yatsenyuk, oligarque notoire et banquier millionnaire (comment devient-on millionnaire en Ukraine ?), est donc l'agent des Etats-Unis à Kiev. Les faucons de Washington veulent-ils s'approprier l'Ukraine ? La présence du faucon républicain McCain sur la place Maidan au côté des manifestants en décembre dernier reste troublante. Et les meurtres de résistants dans l'est du pays il y a 24 heures montrent que des forces obscures en action en Ukraine ne souhaitent pas la désescalade. Qui peut avoir intérêt à provoquer ainsi l'administration Poutine ?

L'idylle de 2001

La crise ukrainienne n'est pas survenue par hasard. Que la corruption règne, je crois que personne ne le nie. Qu'il y ait eu un mouvement populaire au commencement des protestations, et un désaveu du pouvoir, non plus. Mais cette crise, qui a débuté avec le refus de signer l'accord avec l'Europe, a des origines antérieures. Sans parler de l'Histoire compliquée de ce pays, ni de la lutte des deux courants orthodoxes qui vient encore d'être confirmée par les déclarations des deux patriarches orthodoxes ukrainien (de rite romain) et russe, il y a aussi un contexte international précis.

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Je propose ici quelques extraits d'un article publié hier par deux journalistes de l'agence Reuters, David Rohde et Arshad Mohammed, et dont l'entier est disponible ici en français, l'original en anglais étant ici. Reuters est une agence de presse d'origine anglaise, connue pour sa charte d'impartialité et peu suspecte d'anti-américanisme.

La thèse soutenue et étayée est que les Etats-Unis ont au minimum traité la Russie par-dessus la jambe depuis des années. Au début Vladimir Poutine et Georges W. Bush sont au centre du rapprochement des deux pays.

« En 2001, au lendemain des attentats du 11-Septembre qui viennent d'ébranler les Etats-Unis, Vladimir Poutine apporte son soutien à l'invasion imminente de l'Afghanistan, là même où Soviétiques et Américains se sont livrés l'un de leurs derniers bras de fer du temps de la Guerre froide.

Tournant cette page d'histoire douloureuse pour Moscou, le chef du Kremlin, élu l'année précédente, autorise les avions américains transportant de l'aide humanitaire à emprunter l'espace aérien russe et l'US Air Force à utiliser les bases des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale.

Il demande même aux généraux de l'armée russe vétérans de l'invasion soviétique de partager leur expérience du terrain avec leurs homologues américains ».

Georges W. Bush salue même en Poutine « un dirigeant d'un nouveau genre, un réformateur (...) un homme qui va faire une grande différence en rendant le monde plus pacifique grâce à une collaboration étroite avec les Etats-Unis ».

Jusque là tout va bien. Cela ne durera pas. Une nouvelle ère de concorde semblait s'ouvrir après le 11 septembre. Elle fut très courte. Peu après le président américain annonce la volonté de son pays de créer en Europe de l'est un système anti-missiles, prétendument pour protéger le continent contre l'Iran. Puis il renforce l'Otan sans raison visible et contre les accords verbaux passés avec Gorbatchev.

Le temps du mépris

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« De 2002 à 2004, le président américain joue en effet un rôle déterminant dans l'adhésion à l'Otan de sept pays d'Europe de l'Est, dont trois ex-républiques soviétiques (Estonie, Lettonie et Lituanie). Un quasi casus belli pour son homologue russe, qui ne manque pas de l'interroger sur l'intérêt que trouve l'Alliance atlantique à s'étendre alors que l'ennemi qu'elle était censée combattre a disparu. « Cette expansion mécanique (de l'Otan) ne répond pas aux menaces actuelles », grince Vladimir Poutine. Et elle ne nous aidera pas à empêcher des attaques terroristes comme à Madrid (en 2004) ou à rétablir la stabilité de l'Afghanistan. »

Par négligence ou par volonté guerrière délibérée, Washington a méconnu du respect dû à son allié et a heurté la sensibilité d'un pays et d'un président qui donnait des gages très réels de collaboration avec l'ouest.

« Certains responsables américains admettent volontiers que Washington a sa part de responsabilité dans cette confrontation pour ne pas avoir compris assez tôt que la disparition de son grand ennemi idéologique, l'Union soviétique, ne signifiait pas que la Russie ne devait plus être considérée comme une grande puissance. « Je ne pense pas que nous y avons prêté assez attention », dit James F. Collins, ambassadeur à Moscou à la fin des années 1990, qui se souvient que les relations bilatérales étaient à l'époque « jugées comme de peu d'importance ».

Pis encore :

« Rétrospectivement, Thomas E. Graham, chargé du dossier russe au sein du conseil de sécurité nationale sous George W. Bush, reconnaît que la création d'une structure sécuritaire européenne incluant la Russie, en remplacement de l'Otan, aurait certainement été plus judicieuse. « Ce que l'on aurait dû chercher à établir - et c'est encore vrai aujourd'hui - c'est une structure de sécurité construite sur trois piliers : les Etats-Unis, une Europe plus ou moins unifiée et la Russie », dit-il. Mais à l'époque, cette idée se heurte au refus du vice-président Dick Cheney, du sénateur John McCain et des "faucons" républicains comme démocrates... »

L'erreur de jugement d'Obama

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Plus rien ne sera pareil. Dès lors Vladimir Poutine prend ses distances d'avec les occidentaux, accueille Edward Snowden, critique l'invasion de l'Irak : « Nous ne voudrions certainement pas avoir le même genre de démocratie qu'en Irak. Je vous le dis très franchement », s'oppose à une attaque contre la Syrie, recadre les volontés expansionnistes de la Géorgie, reçoit de plein fouet le camouflet du Kossovo, et considère - avec raison probablement - que l'affaire ukrainienne est largement instrumentalisée et alimentée par le gouvernement américain, dont il est notoire qu'il subventionne des organisations pouvant déstabiliser Moscou :

« Washington a versé des dizaines de millions de dollars d'aide à des organisations non gouvernementales en Russie et dans les ex-républiques soviétiques depuis 1989. Ces ONG sont depuis 2011 dans la ligne de mire des autorités russes ».

Dès son arrivée à la Maison Blanche Obama se rend à Moscou. Après deux mandats de présidence, Poutine a été élu premier ministre et Medvedev Président. L'inversion des rôles leur permettait de continuer la mise en place d'une nouvelle politique russe. Obama le savait. Poutine restait le leader d'une politique faite d'un nationalisme modéré et ressenti par le peuple russe. « Barack Obama se rend à Moscou pour mettre en oeuvre sa nouvelle politique mais il fait d'emblée le mauvais choix en insistant sur les mérites de Dmitri Medvedev, qui vient de succéder à Vladimir Poutine, atteint par la limite de mandats au Kremlin et dont le président américain critique publiquement la mentalité de Guerre froide. Devenu Premier ministre, Vladimir Poutine, auquel Barack Obama ne consacre qu'une heure d'entretien - contre cinq à Dmitri Medvedev - saura s'en souvenir ».

Traiter aujourd'hui M. Poutine de dictateur alors qu'il a passé 10 ans à tenter le dialogue, à collaborer, et a avalé tant de couleuvres, ce n'est pas approprié. Il a encore déclaré ces jours que les relations russo-américaines pouvaient être réparées. Mais l'intérêt américain est visiblement ailleurs : dépecer l'influence russe, dépecer la Russie et avoir accès directement à ses ressources.

Obama doit rendre son prix Nobel

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Mais l'ours russe n'est pas en peluche ne se laissera pas envahir. La ligne rouge est dépassée. En Russie ce n'est pas Poutine qui parle, c'est un peuple dont il est le reflet. L'administration Poutine ne reculera pas plus et demande aux américains de raisonner leurs alliés, ceux que citaient madame Nuland et l'ambassadeur américain en Ukraine, quand ils décidaient qui serait au nouveau gouvernement et qui en seraient exclus, et qu'ils envoyaient l'UE au tapis par un « FUCK UE » de sinistre mémoire. C'est dire encore une fois qui mène le bal des vampires.

Je suggère de lire entièrement l'article de Reuters dont j'ai cité quelques extraits. La critique est pertinente et étayée. On voit que de négligences en occasions ratées, que d'arrogance en mépris, de promesses non tenues en violence organisée par ceux qui attisent le feu, l'Ukraine est très mal en point et la crise aura de longues et profondes suites.

Et malgré cela Vladimir Poutine disait encore samedi qu'à ses yeux un normalisation entre la Russie et les Etats-Unis était possible.

Obama sait séduire les médias. Mais dans la réalité il méprise et humilie même ses partenaires, comme la France dans la question de la Syrie. Qu'Obama se taise et rende son prix Nobel. Plus rien ne l'en rend digne, et sa responsabilité sera grande si l'Ukraine s'embrase.