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Un expert russe de premier plan l'affirme : si l'Ukraine rejoint l'Otan, cela provoquera une guerre nucléaire.

Stephen Cohen est l'un des meilleurs experts américains sur la Russie.

Cohen est professeur émérite d'études et de politique russes à l'Université de New York et à l'Université de Princeton, et il est l'auteur de plusieurs livres sur la Russie et l'Union soviétique.

Cohen explique que c'est principalement l'Occident qu'il faut blâmer pour la crise en Ukraine :
« La guerre dans l'est de l'Ukraine est quelque chose d'horrible, de tragique et de complètement inutile. D'après mon analyse, nous avons puissamment contribué à cette tragédie. Je dirais que les historiens, un jour, regarderont en arrière et ils concluront que l'Amérique a du sang sur les mains. Trois mille personnes ont été tuées ; la plupart d'entre elles étaient des civils incapables de se déplacer rapidement. C'était des femmes avec de jeunes enfants, des femmes âgées. Un million de réfugiés. »
Dans cette évaluation, Cohen rejoint d'autres experts américains sur la Russie, comme l'ancien ambassadeur des États-Unis en Union soviétique [1], Jack Matlock.

Cohen dit aussi que si l'Ukraine adhère à l'Otan, cela conduira à une guerre nucléaire :
[Enquêteur] : Quelle est la possibilité d'une Ukraine intégrée à l'Otan et qu'est-ce que cela signifie, et quelle...

STEPHEN COHEN : La guerre nucléaire.

Pouvez-vous expliquer ?

Question suivante. Je veux dire, c'est clair. C'est on ne peut plus clair. Tout d'abord, du fait des règles propres à l'Otan, l'Ukraine ne peut pas adhérer à l'Otan, car c'est un pays qui ne contrôle pas son propre territoire. En l'occurrence, à chaque jour qui passe, Kiev contrôle de moins en moins son territoire. Ils ont perdu la Crimée. Ils sont en train de perdre le Donbass - je viens de décrire comment - qui est en guerre. Un pays qui ne contrôle pas son propre territoire ne peut pas rejoindre l'Ukraine [sic]. Ce sont les règles.

Ils ne peuvent pas rejoindre... ?

Je veux dire, l'Otan. Deuxièmement, il faut remplir certains critères économiques, politiques et militaires pour adhérer à l'Otan. L'Ukraine ne répond à aucun d'entre eux. Troisièmement, et c'est le plus important, l'Ukraine est liée à la Russie, non seulement parce qu'elle constitue une zone de sécurité essentielle pour la Russie, mais parce qu'elle est liée à la Russie de façon conjugale, si l'on peut dire, par les mariages mixtes. Il y a des millions, voire des dizaines de millions de Russes et d'Ukrainiens mariés ensemble. Mettez l'Ukraine dans l'Otan, et vous allez dresser une barricade au milieu de millions de familles. La Russie va réagir militairement.

En fait, la Russie réagit déjà militairement, parce que regardez ce qu'ils font au pays de Galles aujourd'hui. Ils s'apprêtent à créer une force dite à déploiement rapide de 4.000 combattants. Qu'est-ce que 4.000 combattants ? Quinze mille rebelles en Ukraine, voire même moins, sont en train d'écraser une armée ukrainienne de 50.000 hommes. Quatre mille hommes contre une armée russe d'un million de soldats, c'est un non-sens. La vraie raison de la création de la force dite à déploiement rapide, c'est qu'ils ajoutent qu'il lui faut des infrastructures. Et ces infrastructures - c'est-à-dire, en langage clair, ces bases militaires - doivent être aux frontières de la Russie. Et ils ont même précisé où ils comptent les mettre : dans les républiques baltes, en Pologne et en Roumanie.

Maintenant, pourquoi est-ce important ? Parce que certes, l'Otan s'est élargie depuis 20 ans, mais il s'agissait principalement d'une expansion politique, amenant ces pays d'Europe de l'Est dans notre sphère d'influence politique ; à présent, cela devient une expansion militaire. Ainsi, dans un court laps de temps, nous aurons une nouvelle..., enfin, nous avons une nouvelle guerre froide, mais voici la différence : lors de la précédente guerre froide, la confrontation militaire était à Berlin, loin de la Russie. Désormais, s'ils vont de l'avant avec cette décision de l'Otan, la confrontation sera en plein sur les frontières de la Russie. Celle-ci laissera alors tomber l'accord nucléaire historique que Reagan et Gorbatchev avaient signé en 1987 : l'abolition des missiles nucléaires à courte portée. C'était la première fois que le nucléaire, une catégorie d'armes nucléaires, avait jamais été aboli. Où sont, d'ailleurs, les abolitionnistes du nucléaire, aujourd'hui ? Où est le mouvement de base, vous savez, pour un GEL, pour une planète SAINE ? Où sont allés tous ces gens ? Parce que ce à quoi nous assistons, c'est à une nouvelle course aux armements nucléaires. La Russie est maintenant en train de déplacer ces missiles intermédiaires pour protéger ses propres frontières, au fur et à mesure que l'Occident s'en approche. Et le fil de détente qui préside à l'utilisation de ces armes est devenu énorme.

Une autre chose : la Russie a, je pense, quelque chose comme 10.000 armes nucléaires tactiques, ce que l'on appelle parfois les armes nucléaires du champ de bataille. On les utilise à courte distance. Il suffit de les tirer : pas besoin d'avion ou de missile pour les faire voler. On peut les tirer avec l'artillerie. Mais elles sont nucléaires. Elles sont radioactives. On ne les a jamais utilisées. La Russie en a environ 10.000. Nous en avons environ 500. La doctrine militaire russe pose clairement que si la Russie est menacée par des forces conventionnelles écrasantes, il doit être fait usage des armes nucléaires tactiques. Alors, quand Obama se vante, comme il l'a fait à deux reprises, de ce que nos armes conventionnelles sont largement supérieures à celles de la Russie, il ne fait que manger dans la gamelle qui lui est préparée par les faucons anti-russes, lesquels voudraient nous voir tenir prêtes nos propres armes nucléaires tactiques.
Le cessez-le-feu en Ukraine est confirmé, mais la volonté d'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie fait naître une menace de guerre nucléaire :


Lech Walesa, l'ancien président polonais, et activiste anti-communiste célèbre, en convient [2] : armer l'Ukraine pourrait, pour les États-Unis et l'Otan, conduire à une guerre nucléaire.

Cohen note également que l'Occident a conclu un accord afin de camoufler ce qui est arrivé au vol 17 de la Malaysian Airlines, parce que la Russie n'en était pas responsable :

« Les pays les plus importants de l'Occident se sont-ils mis d'accord pour ne pas révéler les détails clés de l'affaire du vol 17 de la Malaysian Airlines ? »:


Notes :

[1] Former U.S. Ambassador to the Soviet Union: The U.S. and Nato Are Provoking the Ukrainian Crisis (washingtonsblog.com, anglais, 05-07-2014)

[2] Arming Ukraine could lead to nuclear war: Lech Walesa (news.yahoo.com, anglais, 02-09-2014)