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© InconnuPiri Ibn Haji Mehmed dit Piri Reis
Certaines cartes géographiques sont des énigmes. Comment en effet des cartes peuvent-elles représenter des terres encore « incognita » à leur époque, des terres non découvertes et réputées inconnues. C'est le mystère que nous allons aborder autour notamment du plus célèbre des portulans de l'impossible : la carte de Pirus Rei.

La carte de Piri Reis a un avantage considérable par rapport à d'autres énigmes liées à divers documents anciens énigmatiques, on peut la voir. Elle est exposée dans le célèbre musée de Topkapi à Istanbul. Elle y a été retrouvée par hasard, car elle était abandonné et perdue puis découverte en 1929 lors de la restauration du palais de Topkapi. Elle est attribuée à l'amiral et cartographe ottoman Piri Reis qui l'aurait tracée en 1513.

Dessinée sur une peau de gazelle, elle détaille les côtes occidentales de l'Afrique et les côtes orientales de l'Amérique du Sud. L'une des caractéristiques de cette carte est la figuration détaillée d'une côte connectée à la zone australe de l'Amérique du Sud, qui ressemble point par point à la côte de l'Antarctique, continent qui n'a été découvert officiellement qu'en 1818. C'est le cœur de l'énigme.

La carte de Piri Reis n'est cependant que le fragment d'une carte plus grande représentant le monde connu à l'époque où elle a été réalisée, et dont le reste est aujourd'hui, hélas, perdu. L'amiral turc dit, dans des notes explicatives, s'être inspiré d'une vingtaine d'autres cartes, allant de cartes antiques grecques à celles alors très récentes établies par un pilote de Christophe Colomb, capturé en Méditerranée par l'oncle de Piri Reis qui était un redoutable pirate barbaresque, ou encore à celles établies par des navigateurs portugais. Il s'agit en tout cas d'une carte incroyablement complète pour l'époque.

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Piri Ibn Haji Mehmed dit Piri Reis était un grand amiral ("reis" en turc) de la flotte ottomane au XVIe siècle, né à Karaman (province). Neveu du célèbre pirate Kemal Reis dit Camali, il est surtout connu pour son œuvre de cartographe. Lettré, il se passionnait pour les cartes et les collectionnait. Sa carrière maritime a été moins convaincante et beaucoup plus tragique. Piri Reis est fait amiral de la flotte d'Égypte basée à Suez qui opère dans la Mer Rouge, dans l'océan Indien et dans le golfe Persique. Il dirige en 1552, la campagne ottomane contre Ormuz depuis Suez afin de conquérir la forteresse portugaise, à l'entrée du golfe Persique. L'expédition initiale se solde par un échec. Piri Reis, après avoir pris le comptoir portugais de Mascate ne parvient pas à forcer l'entrée du fort d'Ormuz. Contraint de se replier à Bassora, au fond du golfe Persique, il choisit de rentrer en Égypte avec quelques navires seulement et est condamné à mort pour son échec.

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L'opération est un échec total pour les Ottomans. Ils ne réussissent pas à prendre leur objectif et leur flotte est détruite lors des opérations visant à la ramener à son port d'attache. L'amiral ottoman est malgré ses explications décapité au Caire sur ordre du sultan en raison de sa défaite. Sa vraie postérité, il la doit donc à sa passion et à ses qualités de cartographe. Il est aussi et surtout un collectionneur. Et l'une de ses acquisitions est l'objet de grandes querelles scientifiques.

Certains auteurs considèrent la carte comme un « OOPArt », estimant qu'elle a été réalisée 300 ans avant la découverte de l'Antarctique et qu'elle montre la côte telle qu'elle se présente sous la glace (ce qui ferait remonter les informations à 10 000 ans). OOPArt est un sigle utilisé en langue anglaise pour Out of Place Artifact, c'est-à-dire « objet fabriqué hors de place » ou « objet hors contexte » en français. Ce terme est attribué au zoologiste américain Ivan T. Sanderson pour désigner un artéfact archéologique ou historique dont la présence sur le site de découverte constitue a priori une énigme. Beaucoup d'entre eux sont considérés comme des canulars. Pour certains objets, la contestation concerne leur interprétation et non leur appartenance à la culture ou à l'époque concernée. Des historiens qui considèrent la carte de Piri Reis comme ancienne expliquent les contours dits « de l'Antarctique » par l'imagination du dessinateur ou une déformation due au regroupement de plusieurs cartes plutôt que par des connaissances exceptionnelles pour l'époque. Pour d'autres, il s'agit de la preuve de connaissances perdues que la science officielle veut écarter par facilité.

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C'est le cas de Charles Hapgood, professeur américain d'histoire des sciences, dans son livre Cartes des Anciens Rois des Mers. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hapgood travailla dans les services stratégiques (OSS), dans les services de la CIA ainsi qu'au sein de la Croix-Rouge. Il fut également agent de liaison entre la Maison Blanche et le Bureau du Secrétaire de la Guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, Hapgood enseigna l'histoire au Collège de Springfield dans le Massachusetts. Il étudia avec ses élèves des théories sur le continent perdu Mu ainsi que sur l'Atlantide, ce qui lui valu le discrédit de la science officielle malgré ses compétences indiscutables. En 1955, Hapgood écrit son premier livre, The Earth's Shifting Crust. La préface fut écrite par Albert Einstein, peu de temps avant sa mort en 1955.

Dans ce livre, ainsi que dans deux autres livres, Les cartes des anciens rois de la mer (1966) et Le chemin du Pôle (1970), Hapgood proposa la théorie radicale que l'axe de la Terre a changé de nombreuses fois au cours de l'histoire géologique. Cette théorie n'est pas acceptée par les géologues orthodoxes. Le professeur Hapgood, dans son ouvrage Les cartes des anciens rois de la mer concluait, avec le soutien d'Albert Einstein :
« Il semble que des informations géographiques d'une grande précision se soient transmises de peuple en peuple. Ces cartes, selon toute vraisemblance, ont été dressées par un peuple inconnu, puis léguées à d'autres civilisations, peut-être les Crétois de l'époque de Minos et les Phéniciens. (...) La plupart de ces cartes concernaient la Méditerranée et la mer Noire. Certaines représentaient le continent américain, ainsi que les océans Arctique et Antarctique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous avons la preuve qu'un peuple ancien a exploré l'Antarctique quand ce continent était encore libre de glaces. Il est manifeste que ce peuple disposait d'une technologie nettement supérieure à toutes celles des peuples de l'Antiquité, du Moyen-âge et jusqu'à la seconde moitié du 18e siècle ».
Que dit Piri Reis lui ?

Dans ces notes, il explique avoir utilisé une vingtaine de cartes pour parvenir à ce résultat ; certaines cartes ayant appartenu à Alexandre le Grand ! Certaines même auraient été plus anciennes encore. L'aspect mystérieux de cette carte est en premier lieu sa grande précision, à une époque où les calculs de longitude étaient inconnus. L'île de Marajó, notamment, y est dessinée avec une exactitude anachronique. De plus, comme c'était d'usage à l'époque, la carte est ornée de dessins de bateaux dans les océans ou d'espèces locales sur les continents. Justement, l'Amérique du Sud, à peine découverte, est représentée avec un lama, inconnu à cette époque. Finalement, le plus grand mystère de cette carte réside dans la représentation d'îles, près de l'équateur, qui n'existent pas (ou plus : par exemple, l'une de ces îles a été identifiée comme étant un plateau aujourd'hui englouti) ainsi que de l'Antarctique, libérée de glaces ! Certains détails représentés (comme des îles antarctiques) ne seront corroborés qu'au XXe siècle !

La controverse scientifique

Différentes études scientifiques remettent radicalement en question les interprétations faisant intervenir des phénomènes fantastiques. Ainsi, suivant une proposition d'Aristote développée par Ptolémée dont s'inspiraient les cartographes de la Renaissance, les cartes à partir du XVe siècle représentent une Terra australis qui, selon l'opinion géographique commune de l'époque, devait logiquement exister pour équilibrer la masse continentale de l'hémisphère nord. Ce serait ce continent imaginaire qui figurerait en bas de la carte de Piri Reis et la ressemblance avec l'Antarctique serait pure coïncidence.

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D'autres scientifiques comme Steven Dutch pensent que l'assemblage de cartes réalisé par Piri Reis aurait comporté une distorsion au niveau de Curitiba au Brésil, et que le dessin ne représenterait pas l'Antarctique mais la côte sud du Brésil, de l'Uruguay et de l'Argentine. Diego Cuoghi affirme que la carte n'était que la compilation de celles de Christophe Colomb et que la représentation de l'Antarctique n'était qu'un fantasme de la part de C. Hapgood.Gregory C. McIntosh, dans son livre The tale of two admirals - Columbus and the Piri Reis Map of 1513 a examiné en détail les énigmes posées par la carte de Piri Reis et estime aussi qu'elle correspond à un assemblage de plusieurs cartes de Christophe Colomb.

Le support de la carte a été daté par le carbone 14 et il remonte bien au XVIe siècle. L'encre a également été testée chimiquement et date aussi du XVIe siècle. Tous ces tests ont été effectués par W. Mc Crone un spécialiste qui a déjà travaillé sur le suaire de Turin . La carte de Piri Reis est donc authentique et montre en tout cas que les Turcs, bien qu'étant loin de l'océan Atlantique et de l'Amérique, se tenaient au courant des dernières découvertes de l'époque. C'est déjà une révélation.

Sauf à croire bien sûr qu'elle est d'une manière ou d'une autre, une synthèse de cartes anciennes venues de civilisations maritimes englouties et de savoirs perdus. Des civilisations antiques et supérieures du temps pré-diluviens d'énigmatiques rois de la mer.