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© AFPAu Caire, un graffiti contre les violences faîtes aux femmes
Des tests de virginité systématiques aux nombreux viols, la violence sexuelle devient une arme de contrôle social et politique, pratiquée par les policiers et militaires égyptiens. Les victimes n'osent pas porter plainte, mais la FIDH a rassemblé suffisamment de témoignages et d'informations pour dresser un tableau effrayant de ce qui se révèle un crime d'État.

La lutte contre les viols et agressions sexuelles était pourtant une promesse du général al-Sissi. 500 viols collectifs, en public, ont été recensés en Égypte entre 2011 et 2014. Lors de son accession au pouvoir, al-Sissi avait reconnu l'urgence de ce problème, garanti l'égalité entre hommes et femmes dans la constitution, et condamné plusieurs auteurs.

Mais la FIDH démontre dans un rapport publié ce mardi que depuis l'accession au pouvoir du militaire, les agressions sexuelles sont toujours très nombreuses, et n'ont certes plus lieu sur la place Tahrir, mais dans les commissariats et prisons, où les policiers et militaires violent en toute impunité. Sont tout particulièrement ciblés les opposants politiques, les proches des Frères musulmans et les homosexuels et transsexuels. L'ONG a ainsi documenté de nombreux cas et témoignages, qui montrent que le nombre de viols et d'agressions sexuelles en Égypte reste bien supérieur à la période pré-révolution. « La FIDH a documenté des cas de harcèlement sexuels, de viols, de viols anaux et vaginaux avec des objets lors de "tests de virginité", d'électrocution de parties génitales, ou encore de chantage sexuels perpétrés par la police ou du personnel de l'armée. Ces violences sont utilisées afin d'éliminer toute protestation publique, tout en légitimant les autorités comme garantes de l'ordre morale » dit le rapport.

Les femmes arrêtées subissent quasi-systématiquement des « tests de virginité ». Ils sont parfois répétés, dans le but évident d'humilier les femmes. Lorsqu'un homme est arrêté pour des raisons politiques, par exemple s'il est soupçonné d'appartenir ou d'être proche des Frères musulmans, les forces de l'ordre menacent sa femme de viol. L'agression sexuelle est devenue une arme politique, une torture. Selon la confrérie, il y a 1500 femmes en prison, car elles sont proches des islamistes. Outre les viols, plusieurs d'entre elles auraient subi des avortements forcés, ont été forcées de regarder des vidéos pornographiques ou de laver le sol avec leur corps nu.
Témoignage d'une étudiante. « J'ai vu un officier de police attraper une jeune femme par les seins. Je suis intervenue et lui ai dit qu'il n'avait pas le droit de lui toucher la poitrine. Alors il m'a également attrapé les seins. Il a appelé deux de ses collègues pour me tenir. Ils m'ont frappée, insultée. Je portais un jean et une chemise, pas des habits islamistes ou Frères musulmans. Ils m'ont conduit dans leur camionnette, m'ont arrachée mon voile et ma chemise et baissé mon pantalon sur les genoux. Ils m'ont frappé tellement fort que je ne pouvais plus tenir debout. Deux des policiers ont commencé à m'agresser sexuellement. Le troisième avait honte et leur a demandé d'arrêter, mais ils ont exigé qu'il se taise. Le premier policier a enlevé son pantalon et s'est assis sur mon torse et mes bras. Il a mis son pénis dans ma bouche, une fois, deux fois trois fois... J'étais paralysée, j'ai commencé à vomir du sang. Il s'est allongé contre moi et m'a violée complètement pendant qu'il m'insultait. [...] Ma vie est ruinée, j'ai peur de mon fils, de mon mari, et même de mon père. »
Une terreur efficace

Les victimes refusent de porter plainte. Les bourreaux étant les autorités. Tous les témoignages recueillis par la FIDH sont d'ailleurs anonymisés, de peur des représailles. Des officiers de police se protègent également par le chantage. Par exemple, ils filment les scènes les plus humiliantes et menacent de les diffuser sur Internet si les victimes se plaignent. Plusieurs de ces vidéos ont d'ailleurs étaient données à des journalistes, instrumentalisées par les autorités pour montrer la décadence post-révolutionnaire et la nécessité de restaurer l'ordre.

Les menaces de viols fonctionnent. Il n'y a plus de manifestation, de meeting politique de l'opposition en Égypte. Les activistes, démocrates ou islamistes, n'utilisent plus qu'Internet pour ne pas risquer de se faire arrêter lors d'une réunion. Plusieurs commissariats et prisons d'Égypte sont montrés du doigt par la FIDH. L'ONG appelle le gouvernement du pays, qui se dit garant d'une morale conservatrice, à y procéder à des enquêtes de manière urgente.