Une bactérie résistante à tous les antibiotiques connus a été détectée chez un patient hospitalisé à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM). Aujourd'hui guéri, ce patient ravive toutefois l'inquiétude grandissante concernant les bactéries multirésistantes.

L'inquiétante bactérie Acinetobacter baumannii multirésistante fait à nouveau parler d'elle, puisqu'elle a été récemment repérée à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM). L'agence régionale de santé a alors été alertée, puis a relayé l'information au ministère de la Santé où devait se tenir une réunion à ce sujet mercredi.

La bactérie aurait en effet été identifiée, non pas sur quatorze patients comme certains journaux l'annonçaient, mais sur un seul, selon le professeur Didier Raoult, directeur de l'Unité de recherche en maladies infectieuses et tropicales émergentes à l'Université de la Méditerranée à Marseille. « Il y a eu une grande confusion. Un malade a été infecté par un Acinetobacter baumannii résistant à tous les antibiotiques connus. Et à côté de ça il y a des bactéries multirésistantes, mais des bactéries multirésistantes il y en a beaucoup. »

Détectée pour la première fois en France en 2001, cette bactérie pathogène avait alors déjà inquiété les autorités publiques françaises. Le taux de mortalité des malades présentant des infections nosocomiales à Acinetobacter baumannii peut atteindre 46 % pour les septicémies et jusqu'à 70 % pour les pneumopathies. Selon des données de l'INVS, la bactérie avait été retrouvée dans une quarantaine d'établissements de santé de douze départements français, entre 2003 et 2004.

Maladie nosocomiale pour bactérie opportuniste

Comme la majorité des infections nosocomiales, la souche en question n'est pas dangereuse pour les personnes en bonne santé, car comme l'explique Didier Raoult, « les bactéries Acinetobacter baumannii résistantes sont des bactéries opportunistes » et ne menacent donc que les personnes immunodéprimées. Privés de cellules immunitaires actives, les patients n'ont plus de défense efficace face à la bactérie qui, apportée par un appareil (cathéter, tube respiratoire) ou un tiers contaminé, n'a aucun mal à coloniser les poumons, le sang, les plaies ou les brûlures.

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© StockvaultLa découverte de nouveaux antibiotiques devient nécessaire !
Le problème majeur provient du fait que l'infection est malheureusement très difficile à soigner. Acinetobacter baumannii est une bactérie que l'on peut qualifier de super-résistante, à l'image du staphylocoque doré ou des bactéries NDM-1 qui ont défrayé la chronique il y a quelques mois. Néanmoins, à Marseille « le patient n'est pas décédé, il est guéri, il va bien et il n'est plus porteur », assure Didier Raoult.

Une résistance venue de son génome

Quel est le secret de ce microorganisme ? La bactérie produit des enzymes particulières, les β-lactamases à spectre élargi (BLSE) qui hydrolysent le cycle à quatre atomes de carbone (le β-lactame) des antibiotiques du type β-lactamine (pénicilline). Dénaturés, les antibiotiques perdent leur action néfaste pour la bactérie, qui peut continuer à se développer. Mais ce n'est pas tout ! « On a séquencé son génome il y a maintenant dix ans. Cette bactérie a une capacité à acquérir des gènes de résistance extrêmement facilement et donc il y a une plasticité très importante, et ce n'est pas étonnant qu'elle fasse partie des bactéries susceptibles de devenir résistantes à tout », explique Didier Raoult.

Ce n'est pas la première fois que l'on rencontre une souche d'Acinetobacter baumannii résistante à tous les antibiotiques. « Il y a deux ou trois endroits dans le monde où cela a déjà été rapporté, mais c'est très inquiétant. À mon sens, le problème vraiment important est qu'il n'y a pas de nouvelle molécule qui se profile dans l'industrie pharmaceutique, et ce genre d'exemple de bactérie résistante à tout va se multiplier et on ne pourra pas soigner les malades », conclut Didier Raoult. La recherche de nouveaux antibiotiques est donc plus que nécessaire !