Commentaire : Le mensonge est devenu le ciment de tous les discours, d'où qu'ils viennent. Difficile de ne pas se sentir submergé par l'ampleur du phénomène, si commun dans ses manifestations qu'il nécessite un réel effort de notre part, au quotidien, pour ne pas le laisser se substituer tout doucement à la réalité. C'est un problème incontournable : notre société est ainsi faite qu'elle permet à un tout petit groupe de prendre des décisions pour un groupe beaucoup plus grand. Nanti d'un tel pouvoir, il est à espérer, pour le bien-être de la majorité, que les décisions prises par le petit groupe lui soient bénéfiques. Il n'en n'est rien.

Les hommes de pouvoir, déviants, pervertis et corrompus pour la plupart, utilisent donc le mensonge pour faire perdurer une situation dont eux seuls peuvent tirer profit. Pour nous, le problème est un peu plus immédiat puisque nous sommes menacés dans nos libertés et dans notre survie. On comprend qu'il devient vital de savoir reconnaître toutes les formes du mensonge. Un mensonge reconnu est un mensonge exposé ; il perd ainsi une grande partie de sa nocivité. La récidive devient aussi plus risquée car le menteur a perdu en puissance et en ascendance. La déchéance étasunienne est à ce titre exemplaire. A l'opposé, un Poutine, par ses discours emprunts de vérités, naviguant au plus près de la réalité, sait s'attirer l'approbation et la confiance instinctives des populations, et jusqu'au respect même de ses adversaires.

Point de salut sans vérité, aurait-on envie de dire.


Traduction : foofighter

Un livre récent, écrit par des agents expérimentés de la CIA, décrit comment la tromperie peut être détectée simplement par des techniques d'observation. Dans ce livre, Spy the Lie : Former CIA Officers Teach You How to Detect Deception, [Détecter le mensonge : des anciens agents de la CIA vous apprennent comment déceler la tromperie] les auteurs Philip Houston, Michael Floyd, and Susan Carnicero résument un nombre d'indices comportementaux visuels et oraux que les gens manifestent lorsqu'ils mentent en répondant à une interrogation. Ces techniques éprouvées pour mettre en évidence la duperie peuvent être facilement appliquées pour voir que les dirigeants américains ont menti de façon répétée au sujet des attentats du 11 Septembre.
Mythes mensonges et conspiration
© Inconnu
Les auteurs précisent qu'il y a deux lignes directrices à suivre pour l'analyse de ces indices visuels et oraux. Premièrement, le timing est important. En raison du fait que les gens pensent dix fois plus vite qu'ils ne parlent, les attitudes sont plus importantes quand la première de celle-ci se produit dans les cinq secondes suivant la question. Deuxièmement, quand les indices comportementaux se produisent par groupes de deux ou trois, ce que l'on appelle des "grappes", ils indiquent davantage une tromperie de la part de la personne qui est interrogée. Plus il y a d'indices manifestés, plus il est clair qu'il y a tromperie.
Prenons quelques exemples.

spyspsy
Le 15 décembre 2001 lors d'une conférence de presse, une question inattendue a été posée au président George W. Bush. Dans une réponse remarquablement différée, Bush a manifesté deux indices oraux de tromperie, son incapacité à répondre, et un indice visuel appelé "déplacement des points d'appui".[1] Ce dernier point survient quand l'augmentation de l'anxiété engendrée par la question entraîne chez la personne interrogée un changement de position afin de soulager l'instabilité physique. Tandis que Bush répondait, il secoua la tête, bougea ses mains, et semblait bouger ses pieds comme si sa position était désagréable.
Reporter : "Etes vous d'accord ou pas avec le RNC [Republican National Committee] pour qui ce genre de rhétorique [au sujet de votre connaissance avancée du 11 Septembre] pose les limites de l'expression de la haine politique ?"

Bush : "Euh, ouais, il y a un temps pour la politique et...[pause de près de 4 secondes] et... il y a un temps pour la politique et, euh....c'est une insinuation absurde."
Si le reporter avait été un interrogateur de la CIA, comme l'un des trois auteurs du livre, cette réponse aurait immédiatement hissé un drapeau rouge afin que la question nécessite un examen plus approfondi.

En avril 2004, une question était posée à Bush pour savoir pourquoi il voulait aller devant la Commission d'enquête sur le 11 Septembre seulement si le Vice-Président Cheney était avec lui. Il a répondu par un bégaiement répété qui révélait un indice d' "échec à répondre" que l'on appelle un "déni non spécifique", par lequel la question est rejetée par un verbiage sans rapport. Tandis que Bush répétait sa réponse de diversion, il a également souri - une autre indication de tromperie quand on parle d'un sujet aussi grave.
Reporter : "Pourquoi est ce que vous et le vice président insistez pour comparaitre ensemble devant la Commission sur le 11 Septembre ?

Bush : "Parce que la Commission sur le 11 Septembre veut nous poser des questions. C'est pourquoi nous nous rencontrons et j'ai hâte de les rencontrer et de répondre à leurs questions."

Reporter : "Ma question était pourquoi vous comparaissez ensemble, plutôt que séparément, ce qui était leur demande ?"

Bush : "Parce que c'est une vraie chance pour nous deux de répondre aux questions, que la Commission sur le 11 Septembre... euh.... a hâte de nous poser, et j'ai hâte de leur répondre." Puis il passe rapidement à une autre question.
Peu de temps après que Bush et Cheney aient finalement accepté leur audition, secrète et non enregistrée, par les membres de la Commission, la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice a témoigné sous serment. Dans ce témoignage, elle a montré au moins six des indices oraux de la CIA en faveur de la tromperie, notamment le déni, la mémoire sélective, une réponse trop spécifique, et un processus ou une réponse procédurale. Rice était également offensive, répondant au commissaire Richard Ben-Veniste[2] avec "je crois que vous aviez accès", faisant des déclarations incohérentes. Elle a dit qu'un dossier présidentiel était intitulé "Ben Laden déterminé à frapper sur le sol américain" et que pourtant dans le même temps aucun avertissement de frappes à l'intérieur des États-Unis n'avait été reçu.

En plus de ces comportements fortement fallacieux, Rice a fait une énorme allusion dans son témoignage qui illustre quelque chose que le livre appelle la "vérité dans le mensonge". Quand Ben-Veniste lui a posé des questions au sujet des cellules d'Al-Qaeda aux Etats-Unis, elle a dit :
Rice : "Je me souviens bien que le président était au courant que la question se posait aux Etats-Unis. Il a parlé de ça aux gens. Mais je ne me souviens pas que l'on nous ait dit que nous devions faire quelque chose au sujet des cellules d'Al-Qaeda."
Cette longue réponse suggérait que la Maison Blanche savait des choses au sujet des cellules d'Al-Qaeda opérant aux États-Unis mais que Rice et les autres étaient censés ne rien faire à ce sujet. Ben-Veniste n'a pas été plus loin dans son questionnement. Ce n'est pas surprenant étant donné les autres interrogations desquelles Ben-Veniste était en charge. Voici un exemple avec le Général Michael Canavan, qui était censé être le "coordinateur des détournements" du 11 Septembre - la personne exerçant le plus haut degré de responsabilité pour la prévention des détournements, et pour la réponse à leur apporter.
Ben-Veniste : "Quelle est votre interprétation au sujet de la première alerte de la FAA au NORAD[3] sur le fait qu'il y avait peut-être un détournement ou changement de cap, ou sur le fait qu'il y avait quelque chose d'anormal concernant le vol 77 dans le contexte de ce qu'il s'est passé ce jour là ?"

Canavan : "Voici ma réponse - et il ne s'agit pas d'éluder la question. Premièrement, je visitais l'aéroport de San Juan [Ndt : Porto Rico] ce jour là quand tout cela est arrivé. C'était un aéroport CADEX [?] et j'étais là bas pour remettre à sa place quelqu'un qui était à une position clé. Donc quand le 11 Septembre s'est produit, voilà ce que je faisais. J'ai pu revenir de San Juan à Washington le soir même sur un vol spécial de l'armée. Donc tout ce qui est apparu ce jour là en terme de temps, j'ai dû ... et je n'ai pas d'information à ce sujet actuellement, parce que quand nous sommes rentrés nous n'étions pas ... ça n'était pas le problème à ce moment là. Nous étions... quand je suis rentré c'était ça. Qu'allons nous faire dans les 48 prochaines heures afin de nous resaissir par rapport à ce qui venait d'arriver ?"
Bien que la vidéo n'est pas disponible concernant le témoignage de Canavan, il est clair qu'il usait des comporterments oraux de la tromperie. Il a échoué à répondre à la véritable question, il s'est lancé dans des qualificatifs liés à la perception et dans une réponse trop spécifique, et il a fait une non-réponse. Parce que Ben-Veniste a immédiatement laissé tomber la question, nous ne savons pas à ce jour qui a joué le rôle crucial de coordinateur des détournements le 11 Septembre.

Il y a plein d'autres exemples de réponses fallacieuses émanant de dirigeants américains concernant le 11 Septembre. Quand il fut interrogé sur les raisons pour lesquelles une ébauche avait été créée pour le Rapport de la Commission sur le 11 Septembre avant que les investigations ne débutent, le président Thomas Kean Hamilton a quitté les lieux sur un air agressif. Quand il a été interrogé sur le fait que la CIA suivait la piste de deux des pirates de l'air présumés, le directeur de la CIA George Tenet, qui était indubitablement entraîné à détecter les mensonges, a montré un grand nombre des indices de la CIA tendant à montrer qu'il mentait.

Un autre exemple est instructif. Il concerne John Gross, qui était l'auteur des deux rapport les plus cruciaux de la FEMA et du NIST[4] sur le World Trade Center (WTC). Quand une question lui fut posée pendant une conférence qu'il donnait, Gross a répondu en multipliant les comportements que la CIA aurait estimé trompeurs.
Interrogateur : "Je suis curieux au sujet des écoulements d'acier en fusion qui ont été trouvés au pied des tours."

Gross (Déplacement des points d'appui, absence de réponse, devenant agressif) : "Oui, je le suis aussi.... dites moi. En avez-vous vus ?"

Interrogateur : "Eh bien, pas personnellement, mais des témoins sur place ont trouvé des mares d'acier en fusion sous les tours et, euh, quelques scientifiques pensent que l'effondrement des immeubles pourrait [sic] avoir fait fondre tout cet acier. Et un professeur de physique, Steven Jones, a mis en évidence des résidus de thermite, qui pourraient expliquer comment les immeubles se sont effondrés sous l'effet d'explosifs pré-implantés. Alors avez-vous analysé l'acier de quelques-uns de ces résidus ?"

Gross (Réticent à répondre, déplacement des points d'appui) : "Premièrement, revenons à votre supposition qu'il y avait, euh, une mare d'acier en en fusion. Hum, je ne connais absolument personne, aucun témoin, qui a pu dire cela, personne n'a rapporté ça. J'étais sur le site, j'étais sur place, donc je ne peux pas, je ne sais pas ce qu'il en est."
Quand il fut interrogé plus longuement sur l'effondrement de l'immeuble 7 du WTC, Gross a eu des propos incohérents et il a commencé à se toucher le visage, deux autres des attitudes révélant le mensonge et notées par la CIA. Ce n'est cependant pas étonnant pour ceux qui ont étudié les événements du World Trade Center, parce que Gross aurait dû être incroyablement négligent avec son respect des preuves s'il n'avait pas su au sujet de l'acier fondu sur le site du WTC.

Comme nous l'avons vu ci-dessus, les auditions de la Commission sur le 11 Septembre et les autres déclarations faites par les responsables des investigations fournissent une mine énorme d'opportunités pour les gens souhaitant s'entraîner à la détection des mensonges. Bien sûr, le rapport de la Commission sur le 11 Septembre montre la plupart des même indices indiquant la tromperie que les agents de la CIA ont soulignés. Ses mensonges par omission sont nombreux et le recours à un langage fallacieux comme "nous n'avons pas trouvé d'élément" en constitue un autre indice.

De manière intéressante, les auteurs de Spy the Lie présentent leur livre en rappelant les attentats du 11 Septembre d'une façon qui suggère que leurs compétences dans l'identification de la tromperie sont nécessaires pour éviter de telles tragédies. Pourtant, ces trois experts du mensonge ne remettent pas du tout en cause la version officielle du 11 Septembre et apparemment ils n'ont jamais vu aucun élément de preuve en faveur d'une tromperie dans ce récit ou à l'origine des faits. Ceci peut être la conséquence de préjugés extrêmes - avec des agents de la CIA incapables de remettre en cause leur propre agence. Ou peut-être que cela illustre un haut degré d'aveuglement, suggérant une suite au livre.
Dans tous les cas, la version officielle du 11 Septembre continue de constituer une façon efficace de voir comment beaucoup de gens se mentent entre eux et à eux mêmes. Quand il est question du 11 Septembre, les scientifiques spécialistes de la supercherie n'en voient pas l'exemple le plus flagrant, les journalistes sont incapables de voir les exemples les plus évidents de reportages biaisés, et les agents de la CIA les plus qualifiés pour détecter le mensonge ne peuvent pas voir quand ils mentent eux-mêmes. Depuis que la plupart d'entre nous pouvons voir ces choses là, nous devrions travailler plus dur afin de révéler la vérité parce que la tromperie est à la base de beaucoup de problèmes du monde.
Notes :

Les techniques de détection de mensonges, visuelles comme ici, ou en ayant recours au fameux "détecteur de mensonges" comme aux États-Unis, ne sont évidemment pas infaillibles et leurs résultats doivent être interprétés avec prudence. Pour autant, à l'instar de l'ADN -dont le résultat doit également être interprété et confronté aux déclarations de la personne concernée- ces techniques peuvent constituer une aide, subjective, à l'enquête.

Pour en savoir plus sur cette question, voir : Enfin précisons que le livre Spy The Lie n'a pour l'heure pas été traduit en français.

[1] Les "point d'appuis" (anchor-point) sont ces zones qui permettent à quelqu'un de rester dans une position déterminée. Une personne debout utilise ses pieds comme points d'appui, tandis qu'une personne assise utilise son postérieur. Une fois que ces points d'appui commencent à se modifier, cela peut indiquer une attitude visant à tromper. Les auteurs revèlent qu'ils plaçaient souvent les personnes interrogées sur une chaise pivotante parce que cela agissait comme "amplificateur comportemental" et rendait plus facile la détection des "ajustements des points d'appui".

Voir : http://quickbase.intuit.com/blog/tips-from-the-cia-for-detecting-lies

[2] Richard Ben-Veniste est un avocat démocrate qui a été membre de la commission d'enquête sur les attentats du 11 Septembre

[3] FAA = Federation Aviation Administration (agence du ministère des transports américains, qui est la plus haute autorité civile des Etats-Unis ne matière d'aviation.)

NORAD = North American Aerospace Defense Command (organisation combinée des Etats-Unis et du Canada qui assure l'alerte aérienne, la souveraineté aérienne et la défense de l'Amérique du Nord

[4] FEMA = Federal Emergency Management Agency (agence du ministère de la sécurité intérieure des Etats-Unis)

NIST = National Institute of Standards and Technology (agence du ministère du Commerce des États-Unis, dont le but est de promouvoir l'économie en développant des technologies, la métrologie et des standards de concert avec l'industrie.)