Commentaire : La machine à abrutir qu'est l'Education nationale s'inquiète fortement ces derniers temps que certaines de ses ouailles osent utiliser leur esprit critique. Il est intéressant de remarquer qu'aujourd'hui le fait de penser est le « marche-pied de la radicalisation. » A quand des camps de rééducation pour les élèves ayant commis des « crimes de pensée » ?

Mardi 9 février pendant toute la journée, des enseignants, des chercheurs et la ministre de l'Éducation vont tenter de trouver des recettes pour lutter contre les théories du complot à l'école. C'est une première. Parmi les participants, il y aura Sophie Mazet, 35 ans. Professeur dynamique et inventive, comme il en existe dans tous les lycées de France d'ailleurs, elle a, avant les autres, pris conscience de l'ampleur du phénomène. Un jour de 2011, au milieu de son cours d'anglais, un de ses élèves explique que "les juifs étaient au courant du 11 septembre". Voire "avaient organisés les attentats". Effarée, elle interpelle ses élèves et constate que beaucoup "ont des doutes", "s'interrogent". Depuis ce jour-là, Sophie Mazet dispense dans son établissement de Seine-Saint-Denis des cours qu'elle a intitulés Manuel d'autodéfense intellectuel (éditions Robert Laffont).

Apprivoiser la rhétorique complotiste

Aux élèves volontaires (ce cours est hors programme), elle tente de leur apprendre à se repérer dans le magma, l'océan d'informations sur Internet. Elle leur propose d'apprendre à identifier des sources. Qui propage ces théories ? Petit à petit, elle met à jour les vieilles ficelles des théories du complot. Elle décortique les argumentaires pseudo-scientifiques. En fin de séance, elle propose à ses élèves de "créer leur théorie du complot, en se mettant seul ou en groupe". "Ils utilisent la rhétorique complotiste telle qu'on l'a décortiquée ensemble pour créer leur théorie qui est souvent assez drôle, parfaitement délirante. C'est une façon d'apprivoiser cette rhétorique. cela aide à démystifier vraiment les théories du complot", poursuit-elle.

Démystifier, patiemment démonter. Sophie Mazet ne fait pas de miracle. "Je ne convainc pas les plus endurcis", admet-elle. Elle évite que les élèves "qui ont des doutes" basculent dans les théories du complot. Ce travail, qu'elle même depuis cinq ans, lui semblait indispensable.

Ce "manuel d'autodéfense intellectuel" pourrait devenir un des outils pédagogique à disposition des enseignants. Avec d'autres professeurs qui ont pris des initiatives, Sophie Mazet a été invitée par l'Éducation nationale à expliquer sa démarche. Honnêtement, personne ne sait exactement "ce qu'il faut faire". Mais tout monde sait ce qu'il ne faut surtout pas faire. Imposer un "cours de désintoxication" et expliquer que "les théories du complot disent n'importe quoi", c'est la meilleure façon de conforter les élèves dans leurs convictions complotistes. À savoir que l'école et les profs sont dans le système, comme les élus et les médias.

Ce qui est préconisé, c'est de donner des armes pédagogiques aux enseignants de toutes les disciplines pour qu'ils puissent répondre aux questions des élèves qui les interpellent sur ce qu'ils ont lu sur Internet. Le sociologue Gérald Bronner, spécialiste des croyances collectives, appelle à "une révolution pédagogique" qui soit à la hauteur du big bang qu'a provoqué l'Internet sur le marché de l'information.

"Un défi civique"

Les théories du complot sont le "marche-pied de la radicalisation". On a mis trop de temps à s'en rendre compte, mais le colloque montre que "les pouvoirs publics ont maintenant pris conscience de l'ampleur du problème", se satisfait Rudy Reichstadt, responsable de l'Observatoire du conspirationnisme. Il va ouvrir le colloque en expliquant que désormais "une partie de l'opinion publique est en désaccord avec la réalité communément admise et se trouve donc en rupture avec une autre fraction de la société française".

Il faut reconnaître qu'avant les attentats de janvier 2015, le plus souvent, les théories du complot étaient perçues comme farfelues, presque distrayantes. Elles sont désormais "un défi civique" pour l'Éducation Nationale mais aussi pour nous tous.