Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

Libya
© Reuters
La France est aux prises avec une guerre secrète en Libye, en violation flagrante de toutes les lois internationales. Mais informer sur ce crime est un délit ! Bienvenue dans le monde orwellien de l'État français.

Une information du quotidien français Le Monde vient, cette semaine, de soulever un peu le couvercle qui pèse sur les opérations clandestines en train de se dérouler dans ce pays d'Afrique du Nord. Elle a révélé que des forces spéciales françaises étaient engagées dans des missions secrètes, consistant à faciliter des frappes aériennes contre « le groupe terroriste État Islamique ».

Selon Le Monde, la mission a été autorisée par le président François Hollande. Les forces spéciales ont été déployées en vue d'une « action discrète » pour préparer les frappes contre des cibles islamiques.

Aussitôt, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s'est abattu sur le journal comme une tonne de briques, arguant du fait qu'il peut avoir « compromis» la sécurité de l'État.

La chaîne d'information d'État, France 24, a cité un porte-parole de Le Drian, qui a déclaré : « Quand des opérations secrètes ont lieu, ce qui compte, c'est qu'elles ne soient pas révélées, dans l'intérêt des hommes et des opérations ».

Ou, pour dire les choses avec plus d'exactitude : quand des violations illégales et criminelles de la souveraineté d'un autre pays et des lois internationales sont en cours, ce qui compte, c'est qu'elles ne soient pas révélées au public. Sinon, les auteurs de ces crimes risquent d'être pris pour ce qu'ils sont : les agents criminels d'un état-voyou. Pas étonnant que Monsieur Le Drian ait été photographié avec un air moins amène que d'habitude.

Les retombées pourraient s'avérer sérieuses pour Le Monde ou pour tout autre organe de presse qui reprendrait l'information. Le gouvernement français dit qu'il est en train d'enquêter pour savoir s'il y a eu fuite d'éléments relevant du « secret défense », les infractions en cette matière pouvant valoir à leurs auteurs jusqu'à 3 mois de prison ferme et des amendes allant jusqu'à 45.000 € (50.000 $).

Soyons clairs. Des agents et des forces d'élite français, appartenant aux services secrets de l'État (DGSE), sont présents en Libye et y coordonnent des frappes aériennes contre des cibles jihadistes, rapporte Le Monde. Cependant, informer sur ce viol des lois parrainé par l'État est potentiellement « un délit », d'après ceux qui sont responsables du délit bien plus grand de violation de la souveraineté d'un pays.

L'intention de dissuader par voie d'intimidation toute forme de journalisme indépendant est ici indiscutable. « Le gouvernement commet des crimes. Vous n'en parlez pas ! » est apparemment le mot d'ordre.

Le Monde n'est pas le seul organe de presse à traiter d'une nouvelle escalade occidentale de la guerre en Libye. La semaine dernière, le New York Times a révélé que des forces spéciales américaines, britanniques, françaises et italiennes étaient engagées dans des opérations en Libye. Faut-il rappeler que ces forces combinées n'ont aucun mandat légal pour intervenir ? Il n'y a aucun mandat d'aucune sorte de l'ONU les autorisant, et il n'y a aucune autorité digne de ce nom en Libye pour les approuver. Ceci n'est que du brigandage absolu à vaste échelle.

Depuis que les USA et d'autres forces de l'OTAN ont massivement bombardé la Libye pendant sept mois en 2011, provoquant la mort de 30.000 Libyens et le renversement du gouvernement de Muammar al-Kadhafi, suivi de son meurtre par des jihadistes au service de l'OTAN, le pays est dans un état de chaos indescriptible, déchiré par toutes sortes de milices en conflit.

Toute autorité centrale qui aurait pu exister en Libye a été pulvérisée par l'OTAN. Le gouvernement français, principalement sous l'ex-président Sarkozy, porte une énorme responsabilité pour avoir transformé une Libye jadis prospère en un état abjectement démembré.

Depuis lors, les Américains et leurs alliés occidentaux ont eu la faculté de bombarder la Libye à volonté. En novembre, une frappe aérienne US a tué un commandant de l'État Islamique, Abou Nabil, dans l'est du pays. La semaine dernière, une autre frappe aérienne US a touché un prétendu camp d'entraînement de l'IS à Sabathra, à l'ouest de Tripoli, tuant plus de 40 personnes.

À la suite de cette dernière frappe, le soi-disant « gouvernement d'union nationale » de Libye, basé à Tunis, que les puissances occidentales ont tenté de bricoler, a lui-même condamné cette action comme violation de la souveraineté libyenne.

Les puissances de l'OTAN ont détruit de fond en comble la souveraineté libyenne, et pourtant, même la coquille vide de semblant de gouvernement soutenu par l'occident élève des objections devant leur nouvelle ingérence militaire.

C'est orwellien au-delà de toute expression ! Un état bombardé, un état détruit, un chaos jihadiste, et revoilà l'Occident bombardant des prétendus groupes terroristes, pour soi-disant combattre les forces qu'il a lui-même installées dans un état-fantôme où il n'y a aucune autorité nationale pour s'y opposer, parce que l'OTAN a oblitéré toute espèce d'autorité, et quand un organe de presse informe sur cette dernière contorsion en criminalité d'État, on le menace d'une enquête pour « compromission de secret-défense ».

Il n'y a aucune autre manière de qualifier ceci. La France, avec ses complices occidentaux entraînés par les États-Unis, s'enfonce dans un fascisme sans nuance. Le brigandage est la norme. Bombarder des pays est devenu un droit divin pré-établi. Et si quelqu'un a la témérité d'en parler, les poursuites se déchaînent.

Mais pourquoi nous en étonner ? La France a embrassé le fascisme il y a 75 ans, quand l'État de Vichy est devenu le collaborateur de l'Allemagne nazie et de son programme génocidaire. Des dizaines de milliers de citoyens français ont été alors fourrés dans des trains, par leur gouvernement français, pour aller se faire exterminer dans des camps de la mort fascistes.

Aujourd'hui, sous le prétexte de « combattre le terrorisme » - un terrorisme que Paris a fomenté en Libye et en Syrie - les autorités françaises imposent un état d'urgence à leurs citoyens. Le président français François Hollande et son strident Premier ministre Valls déclarent que « la France est en guerre » contre le groupe terroriste État Islamique - un réseau que la France a contribué à créer en toute illégalité pour qu'il renverse les gouvernements de la Libye et de la Syrie.

Les « pouvoirs spéciaux » que s'est adjugé l'État français ont permis que des milliers de foyers français soient pillés sans mandat au cours des derniers mois, suite aux attaques terroristes de Paris le 13 novembre. Les gouvernants français se donnent à eux-mêmes des pouvoirs fascistes contre des citoyens français, à propos d'un retour de flamme terroriste - retour de flamme dont ils sont eux-mêmes largement responsables, par le brigandage international auquel ils se livrent pour commencer.

Et voilà que les sponsors du terrorisme qui a assassiné la Libye se donnent aujourd'hui carte blanche pour retourner en Libye, au prétexte de « lutter contre le terrorisme » - ils retournent y marauder et la rebombarder avec des forces spéciales.

Prenons un peu de recul et voyons la chose pour ce qu'elle est. Nous sommes ici dans le brigandage gratuit, le fascisme et la perdition. Ceux-là mêmes qui, au gouvernement, devraient être tenus pour responsables et poursuivis pour crimes internationaux, se permettent de commettre davantage encore de ces crimes sous leur propre règle auto-référente. Et quand le public devrait savoir tout cela, pour qu'il ne le sache pas, les voyous au pouvoir vomissent leurs fallacieuses invocations auto-justifiantes à la « sécurité nationale » et menacent d'emprisonner les « violateurs ».

Les prétentions françaises à la « liberté de parole » et aux « droits de l'homme » sont si gonflées de vent. Ah, si gonflées ! En attendant, l'histoire méprisable de la bien réelle participation à des crimes fascistes est si négligée. Ah, si négligée ! Et jetée aux oubliettes. Mais nous devrions savoir pourquoi il en est ainsi. Parce que la même classe dominante française est une fois de plus en train d'embrasser les ombres viles du passé.

Orwell, bienvenue - encore ! [ En français dans le texte. NdT.]