L'auteur américain Ray Bradbury (1920-2012) est un autodidacte passionné de lecture, et tout particulièrement de récits de science-fiction. Il s'adonne aussi à l'écriture (il publiera sa première nouvelle Script à l'âge de 17 ans dans une revue spécialisée). Plusieurs événements le marquent profondément, comme la destruction de la Bibliothèque d'Alexandrie, les livres incendiés par les nazis durant la seconde guerre mondiale, la répression menée en Russie contre les écrivains et les poètes, ainsi que l'ingérence de son gouvernement dans les affaires des créateurs et artistes au début de la guerre froide. Il fait partie aussi de cette époque qui verra la télévision entrer dans les familles et monopoliser l'attention du public sans lui donner le temps de la réflexion.
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Ces éléments inspireront l'auteur lors de l'écriture de ce roman qui fut publié en 1953 aux Etats-Unis d'Amérique chez Ballantine Books et en France en 1955 aux éditions Denoël.

Un titre énigmatique pour un récit qui l'est également

Le titre fait référence à la température en degrés Fahrenheit avec laquelle un livre - donc le papier qui le compose - s'enflamme et se consume de lui-même.

451 degrés Fahrenheit équivaut à 232,8 degrés Celsius.

« Fahrenheit 451 » est un roman d'anticipation et de science-fiction dystopique qui nous emmène dans un monde où les livres et donc tout ce qui tourne autour des livres, à savoir la curiosité, l'imagination, la remise en question sont strictement interdits. Les gens passent leur temps devant des écrans ou télécrans muraux qui leur renvoient ce qu'ils doivent penser, aimer, désirer. Le protagoniste, Montag, est l'un des pompiers chargés de brûler les livres que certains conservent malgré les interdits. Jusqu'au jour où il se pose des questions et découvre les bienfaits et atouts de la littérature. Il entre alors en résistance et devient un paria recherché par les instances policières. Mais au même moment, une guerre s'annonce, sans que cela ne semble inquiéter les masses....

Plusieurs façons de brûler les livres

Dans la préface du roman, rédigée par Jacques Chambon (l'un des traducteurs francophones), il est fait mention de l'impérialisme des médias, du grand décervelage auquel procèdent la publicité, les jeux, les feuilletons, les « informations » télévisées.
« Car, comme le dit d'ailleurs Bradbury, « il y a plus d'une façon de brûler un livre », l'une d'elles, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation »
Cette réflexion est plus que jamais d'actualité de nos jours où les messages publicitaires, les vidéos, podcasts et autres multiples (dés)informations et messages véhiculés par internet ont pris le relais de la télévision pour amplifier l'impérialisme des médias et du contenu qu'ils transmettent à nos yeux et à nos oreilles.

Le chef des pompiers, tout en mettant Montag en garde, lui recommande :
« Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de « faits », qu'ils se sentent gavés, mais absolument « brillants » côté information. Ils auront alors l'impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du surplace. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C'est la porte ouverte à la mélancolie ».
L'importance de la lecture à l'heure actuelle

Le 23 avril, nous fêtions la journée mondiale des livres. Pourquoi le fait de lire apporte-t-il une valeur non négligeable à notre vie ?

Souvent, j'entends les gens dire : « Pas le temps de lire, pas le temps de me poser cinq minutes pour parcourir calmement les lignes d'un ouvrage littéraire ». Ce sentiment, nous le connaissons tous un jour ou l'autre. La lecture exige un effort de concentration et de retrait. Il est souvent plus simple de laisser déverser dans les vannes de son esprit ce qui coule aisément de son écran.

Lire implique de se retirer de la vie quotidienne et de son stress et requiert avant tout une position de calme. Le contenu d'un ouvrage nous parvient ensuite lentement au rythme du mouvement de nos yeux de gauche à droite, avec une attitude de pleine conscience et/ou de concentration vis-à-vis du contenu de l'ouvrage, en laissant de côté tous les tracas du quotidien qui pourraient nous distraire.
« Est-ce que les livres peuvent nous aider ? [...] Un, comme j'ai dit, la qualité de l'information. Deux : le loisir de l'assimiler. Et trois : le droit d'accomplir les actions fondées sur ce que nous apprend l'interaction des deux autres éléments »
Nous plongeons dans la lecture, comme dans une eau fraîche regorgeant de couleurs et de nouveautés, riche en aventures et en réminiscences. Ce que nous voyons alors dépasse les confins de notre imagination et nous pousse à réfléchir au-delà des mots transmis par le roman. Nous pouvons décortiquer cette réflexion dans cet espace-temps de lecture qui est en repos pour ensuite nous en servir dans notre réalité en mouvement.

Lire oui, mais surtout lire bien
« Que signifie le mot qualité ? Pour moi, ça veut dire texture. Ce livre a des pores. Il a des traits. Vous pouvez le regarder au microscope. Sous le verre, vous trouverez la vie en son infini foisonnement. Plus il y a de pores, plus il y a de détails directement empruntés à la vie par centimètre carré de papier, plus vous êtes dans la « littérature ». C'est du moins ma définition. Donner des détails. Des détails pris sur le vif. Les bons écrivains touchent souvent la vie du doigt. Les médiocres ne font que l'effleurer. »
Le professeur Faber montre ici à Montag l'importance de la bonne littérature, celle qui creuse dans les tréfonds de la vie et en retire son essence.

Prévoyez un temps pour la lecture

En ces temps de confinement, prévoyez un temps, ne serait-ce qu'une petite heure, pour la lecture. Choisissez vos livres en fonction de vos envies et besoins du moment. Choisissez-les en connaissance de cause. Le bénéfice que vous en retirerez ne sera pas perdu.
« Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégoûts de la vie » a dit Montesquieu
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