Des experts et des politiques s'insurgent contre les manoeuvres de l'OMS. Les « traités pandémiques » pourraient faire du directeur de l'OMS le maître du monde.

Tedros Ghebreyesus
Tedros Ghebreyesus, l’homme qui voudrait à tout moment pouvoir déclarer une crise sanitaire de sa propre initiative
Une révolution est en cours dans les coulisses feutrées de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les quelques 300 amendements qui concernent le Règlement Sanitaire International et un futur traité pandémique, s'ils sont adoptés en mai prochain, conféreraient à l'OMS un pouvoir absolu en cas de déclaration d'urgence sanitaire par son directeur.

« Un outil juridique contraignant»

Les 6 au 10 novembre et 4 au 6 décembre derniers se sont tenues à Genève plusieurs réunions préparatoires des pays membres de l'OMS en vue de la 77e assemblée générale de l'organisation qui aura lieu en mai 2024.

Lors de la séance introductive, la délégation du Mexique, s'exprimant au nom de la région « Amériques », dont les États-Unis, le Canada et le Brésil, a mis fin à des spéculations en confirmant l'aspect juridiquement contraignant des futurs outils à disposition de l'OMS (dès la minute 39) :
« D'une façon générale, nous pensons que cette nouvelle structure et le texte proposé est conforme à l'idée que nous nous faisons d'un outil juridiquement contraignant que nous pourrions adopter en mai 2024. (...) Ce ne sera pas seulement un texte de bonnes intentions ».
« Ces réformes changeront la nature de l'OMS »

Selon James Roguski, un expert des réformes de l'OMS, le comité de l'OMS chargé d'évaluer les propositions du groupe de travail sur la révision du règlement sanitaire international a clairement affirmé dans un rapport (page 26) daté de février 2023 que les propositions en cours allaient complètement changer la nature de l'organisation. Celle-ci n'émettait jusque-là que des recommandations non contraignantes.

Il est également question de nouvelles contraintes financières pour les États membres puisque les réformes prévoient l'alimentation d'un fonds permanent pour la recherche et la veille pandémique, argent dont les bénéficiaires seront les différents acteurs du complexe sanitaire.

Ces déclarations mettent à mal celle du directeur même de l'OMS. En mars 2023, Tedros Ghebreyesus affirmait l'inverse dans un communiqué dénonçant de fausses informations circulant sur les réseaux sociaux :
« L'affirmation selon laquelle l'accord cédera du pouvoir à l'OMS est tout simplement fausse. C'est une fake news. Aucun pays ne cédera de souveraineté à l'OMS ».
Des négociations sans voix critiques

James Roguski décrit ainsi l'état d'esprit qui entoure ces négociations et le manque flagrant de diversité des opinions représentées :
« Les membres des délégations sont persuadés que les vaccins Covid sont une bonne chose, ils n'ont jamais été en contact avec des informations critiques. Leur seul but est de faire en sorte qu'à l'avenir, chaque pays reçoive sa part de doses et que la logistique soit centralisée par le directeur général, pour que chaque humain puisse être vacciné ».
Quid des prises d'influence illégitimes ?

S'exprimant dans un documentaire diffusé sur France24 concernant le business autour de la malaria, German Velasquez, un ancien directeur à l'OMS, ne mâche pas ses mots :
« Il y a exactement 25 ans, plus de 50% du budget de l'OMS venait des contributions publiques obligatoires des pays membres de l'OMS. Aujourd'hui, ces contributions publiques obligatoires ne représentent plus que 18 à 20%. Les acteurs privés, comme la Fondation Bill et Melinda Gates, ont pris le contrôle de l'organisation ».
Les 80% de contributions volontaires se partagent entre privé et public mais sont affectées de manière orientée par les donateurs. Ceux-ci influencent grandement les projets menés par l'organisation.

Ceci expliquerait-il pourquoi aucun des amendements proposés ne traite justement de la question brûlante des conflits d'intérêts ? Ce manquement est d'autant plus troublant à une époque où l'industrie pharmaceutique cumule les amendes records, à l'instar du groupe Pfizer condamné régulièrement pour ses pratiques illégales et trompeuses.

Plus loin dans ce même documentaire, l'ancien directeur parle d'une réorientation inquiétante au sein même de l'industrie pharmaceutique, passée inaperçue du grand public :
« Pendant les 50 premières années de son existence, l'industrie pharmaceutique fabriquait des médicaments qui guérissaient des maladies. Depuis une vingtaine d'années, elle produit des médicaments qui traitent les maladies, peut-être parce que c'est plus rentable d'avoir un malade qui devient un client. L'objectif est d'abord le profit, avant l'intérêt public ».
À la lumière de ces informations, peut-on toujours considérer l'OMS comme une organisation internationale orientée vers le bien commun ? Selon les voix critiques, cette question est essentielle à élucider avant de lui donner plus de pouvoir.

Plus puissant que tous

L'assemblée générale de 2024 fera date dans l'histoire car les modifications proposées, si acceptées, donneront des super-pouvoirs à son directeur, un poste actuellement occupé par Tedros Ghebreyesus, lui-même un proche de l'industrie pharmaceutique et un ancien cadre de l'Alliance du Vaccin (GAVI) créée par Bill Gates et également située à Genève.

En l'état, les réformes de l'OMS, si acceptées, permettront à l'ancien ministre de la Santé d'Éthiopie de faire basculer toute la planète en état de crise, sans aucun droit de recours possible.

Le directeur de l'OMS, malgré le fait qu'il n'a reçu aucun mandat démocratique, deviendrait alors de facto plus puissant que tous les chefs d'États réunis.

Un précédent inquiétant avec la variole du singe...

On se souvient qu'en 2022, Tedros Ghebreyesus avait unilatéralement déclaré la variole du singe comme une « urgence de santé publique de portée internationale », contre l'avis même de son propre groupe d'experts au sein de l'OMS.

Suivant le bon sens, aucun pays membre de l'OMS n'avait suivi son appel à l'époque, mais sa seule déclaration avait ouvert les vannes de financements conséquents en faveur de l'industrie pharmaceutique.

... et la « maladie X »

maladie x
Une année avant l'apparition du SARS-CoV-2, en 2018, le grand public découvrait la « maladie X » grâce à un article du Telegraph.

Ce concept tiré du jargon militaire désigne « une maladie déclenchée par une mutation biologique, ou peut-être par un accident ou un attentat terroriste, qui prend le monde par surprise et se propage rapidement ». Une « inconnue connue ».

Cette menace semble encore plus présente que jamais en 2024 puisque ce 17 janvier, une session du Forum économique mondial, le fameux WEF, intitulée « Se préparer à la maladie X » met à l'affiche Tedros Ghebreyesus en compagnie du président du conseil d'administration d'AstraZeneca. En voici la description :
« Alors que l'Organisation mondiale de la Santé vient d'annoncer qu'une « maladie X » inconnue pourrait entraîner 20 fois plus de décès que la pandémie de coronavirus, quels sont les nouveaux efforts nécessaires pour préparer les systèmes de santé aux multiples défis qui les attendent ? »
Le journaliste italien à la retraite Maurizio Blondet a rédigé un billet à ce sujet sur son blog, dans lequel il rappelle qu'une grande épidémie ne se produit en général que tous les 100 à 150 ans et que ce serait la première fois dans l'histoire de l'humanité que deux événements de cette ampleur se produiraient consécutivement.

Le détail le plus troublant étant certainement la certitude que le taux de mortalité de cette future maladie inconnue imminente soit 20 fois plus élevé que pour le SARS-CoV-2.

Sachant qu'aujourd'hui la fuite de laboratoire (avec une tentative de dissimulation de preuves par la CIA) est l'origine la plus probable du virus du Covid selon le Département américain de l'énergie et le FBI, l'affaire a de quoi rappeler le scénario de certains films catastrophe.

Une définition très large de la notion de « crise »

Aujourd'hui, l'OMS édicte ses recommandations sur les urgences sanitaires uniquement dans le cadre de déclaration de crises sanitaires et dans le domaine de la santé.

Si les réformes proposées sont acceptées, les situations lors desquelles l'OMS aura un rôle d'autorité s'étendront aussi à d'autres domaines grâce à l'introduction du concept « One-Health » ou « Une seule santé ». Celui-ci recouvre aussi bien l'environnement que la santé animale, le climat et même la santé psychologique.

Le directeur de l'OMS pourra dans toutes ces situations, imaginées ou avérées, contraindre les États-membres à mettre en place les mesures qu'il dictera et qui impacteront tous les aspects de la société.

Liberté de la presse en danger

Des outils de censure sont également prévus pour que seules les informations « officielles » puissent circuler : les États devront prendre des mesures pour identifier et museler les citoyens, les lanceurs d'alerte et les journalistes qui diffuseraient des informations « fausses ou trompeuses » ou qui se livreraient à de la « désinformation ».

Ceci est bien entendu contraire aux principes de nombreuses constitutions qui mettent en avant le droit d'être informé et la liberté d'expression.

Opacité des négociations

Bien que les discussions en plénière soient disponibles au public, de nombreux documents et réunions qui jalonnent les négociations ne sont pas accessibles, freinant ainsi le démarrage d'un véritable débat démocratique dans les 190 pays concernés par ces réformes.

Le manque de transparence est ressenti par les délégations elles-mêmes. Lors de la séance d'ouverture du 6 novembre dernier, nous apprenions par la délégation du Mexique qu'une partie des négociations se sont déroulées lors de « réunions informelles très constructives » (dès la minute 41).

Cette même délégation a sollicité les délégués pour qu'à l'avenir, vu leur importance, ces échanges informels soient... formalisés, « pour plus de transparence et éviter que certaines délégations trop restreintes soient exclues de ces discussions importantes ».

Délais raccourcis

Des réformes inquiétantes, il y en a déjà eu en 2022, comme le relevait le parlementaire anglais Mark Francois lors d'une intervention à la chambre des Lords le 18 décembre :
« Parmi les cinq amendements au Règlement sanitaire international (RSI) proposés fin mai 2022 - et qui devraient être acceptés tacitement 24 mois plus tard en l'absence d'opposition - il y en a un qui est particulièrement problématique. Il s'agit de la modification de l'article 59, dans lequel le temps disponible pour s'opposer à un amendement passe de 18 à 10 mois ».
Selon le député, ceci diminuera la possibilité pour les élus de rejeter de futures modifications du RSI par les voies démocratiques usuelles.

James Roguski affirme que ces amendements de 2022 n'ont pas été adoptés de manière réglementaire. Ceux-ci auraient dû être soumis aux délégations 4 mois avant le vote.
« Le 28 mai 2022, les délégations des USA, du Royaume-Uni et de plusieurs pays de l'Union européenne avaient déposé leur paquet de treize amendements devant l'assemblée de l'OMS pour votation en certifiant que ces amendements avaient été présentés lors de la plénière précédente. Or, on ne retrouve aucune trace de ces amendements dans les enregistrements de ces sessions. Douze parlementaires européens ont réagi le 28 novembre 2023 par une lettre à l'OMS demandant de prouver qu'un vote valable avait bien eu lieu. Sans quoi ces amendements pourraient être légalement invalidés ».
Le risque que ce même scénario se reproduise en 2024 pour forcer l'adoption des 300 amendements sans respecter ce délai de dépôt est bien réel, ajoute l'expert.

En principe, les textes définitifs doivent être communiqués aux parties impliquées quatre mois avant le vote à l'Assemblée générale de la santé, en l'occurrence avant le 27 janvier 2024. Ce délai est nécessaire pour que les pays membres puissent réaliser une analyse juridique des réformes proposées.

L'expert rappelle aussi qu'à l'origine, ce sont les États-Unis qui voulaient faire passer de dix-huit à six mois le délai d'opposition des États membres. Une demande pour le moins impromptue à l'aube de réformes majeures, mais qui s'explique peut-être par la volonté de l'administration Biden de mettre sous toit ces réformes, avant la fin du mandat présidentiel en cours, fin 2024.

Référendum populaire en Suisse ?

L'article 141 de la Constitution suisse prévoit que « les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en œuvre exige l'adoption de lois fédérales » soient soumis à un référendum facultatif.

Dans une analyse des enjeux du nouveau « traité pandémique » et des modifications du Règlement sanitaire international prévus pour 2024, l'avocat suisse Me Henri Gendre et le Dr Philippe Vallat, expert en santé publique, ont relevé l'existence d'un risque réel que ces accords soient acceptés sans aucun débat démocratique. Ce serait notamment le cas si les autorités venaient à considérer ces amendements comme des changements mineurs d'un traité existant.

Contactée à ce sujet, la Chancellerie fédérale nous a renvoyé vers l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), dont l'essentiel de la réponse est reproduite en fin d'article. En résumé, l'OFSP décrit le processus en détail, mais sans pouvoir déterminer en l'état si oui ou non le peuple suisse sera amené à se prononcer sur l'adoption de ces réformes.

L'OFSP admet que « le calendrier est très ambitieux et les sujets abordés dans ce processus sont cruciaux » et juge « difficile d'estimer sur un résultat qui sera disponible en mai 2024 ». Ce ne sera qu'une fois les textes finalisés et adoptés par l'Assemblée mondiale de la Santé (AMS) qu'il sera possible de déterminer quel sera le processus d'adoption en Suisse.

Contestations

Alors que de nombreuses pétitions pour arrêter les réformes de l'OMS circulent sur Internet, comme celle de l'ONG CitizenGo qui a récolté presque un demi-million de paraphes, certains politiciens ont déjà pris les devants.

Robert Fico, 1er ministre slovaque
Robert Fico, 1er ministre slovaque
Le Premier ministre slovaque Robert Fico a déjà déclaré vouloir rejeter les deux instruments de l'OMS, estimant que les politiques Covid ont violé les droits humains fondamentaux et que les traités constituent une atteinte à la souveraineté des États.

En Suisse, le Conseil national de droite Franz Grüter a interpellé le Conseil fédéral en septembre 2023. Les autorités fédérales ont affirmé en réponse que le respect des droits fondamentaux était garanti par la loi et la Constitution et que la voie juridique est un garde-fou suffisant contre toute mesure disproportionnée. Une position qui semble chancelante au regard du déroulement de l'expérience du Covid, où la justice n'aura été rapide que pour soutenir les décisions officielles. Les citoyens victimes du zèle des autorités n'ont pu faire que partiellement valoir leurs droits légitimes, souvent au terme de procédures légales longues et coûteuses, trouvant leur issue bien après la fin de la crise, sans compensation pour les dégâts causés.

En Estonie, 11 parlementaires du Parti populaire conservateur ont écrit fin novembre également une lettre à l'OMS pour critiquer et appeler à rejeter les réformes en cours.

La gauche, habituée pourtant à dénoncer l'influence des lobbys sur la marche du monde, est étonnement absente du front des critiques.

Affaire à suivre.

Réponse complète de l'OFSP concernant le processus d'adoption pour la Suisse

Le processus de négociations pour l'Accord de l'OMS sur les pandémies est en cours de négociations et les commissions parlementaires sont actuellement informées du processus conformément à l'article 152 al. 2 LPArl. Les négociations sont en effet prévues pour l'instant jusqu'en mai 2024, toutefois le calendrier est très ambitieux et les sujets abordés dans ce processus sont cruciaux. Par conséquent, il est difficile d'estimer si un résultat sera disponible en mai 2024.

Ensuite, ce n'est qu'une fois que les négociations seront terminées et que le texte sera finalisé, qu'il sera possible de connaître précisément les droits et les obligations qui en découleraient. Le texte sera alors soumis à l'Assemblée mondiale de la Santé (AMS) de l'OMS pour adoption. Si le texte est adopté par l'AMS, alors il sera soumis aux processus nationaux en fonction de son contenu.

Il sera alors possible de déterminer si la compétence décisionnelle en la matière reviendra au Conseil fédéral ou au Parlement. Cette pratique régulière du Conseil fédéral, basée sur les dispositions déterminantes de la Constitution fédérale (art. 184, al. 1, Cst, art. 166, al. 2, Cst ; RS 101), de la loi sur le Parlement (art. 24 LParl ; RS 171.10) et de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (art. 7a LOGA ; RS 172.010) permet de déterminer si un nouveau traité international doit être soumis au Parlement pour approbation. Les processus d'approbations des traités internationaux sont prévus dans la Constitution suisse et dans la législation nationale et s'appliquent de la même manière aux nouveaux traités conclus dans le cadre de l'OMS que pour tous les autres traités multilatéraux que la Suisse a conclu dans le cadre des autres organisations internationales.

Le Conseil fédéral décidera notamment de l'ouverture d'éventuelles consultations publiques et de consultations des commissions parlementaires compétentes. Si le texte ne relève pas de la seule compétence du Conseil fédéral en application de l'article 7a LOGA, celui-ci donnera un mandat au département compétent pour l'élaboration d'un message de ratification au Parlement. Cela sera le cas si l'Accord sur les pandémies dépasserait les domaines prévus à l'article 80 de la Loi sur les épidémies (LEp ; RS 818.101).

Le message d'approbation et l'arrêté fédéral indiqueront si celui-ci est soumis au référendum facultatif. Il n'est pas possible de savoir avant de disposer du texte final si celui-ci remplit les critères de l'article 141 al. 1 let. d Cst.

Pour aller plus loin