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C'est l'histoire d'un verre d'eau pas tout à fait plein. Tout dépend de quel point de vue l'on considère les résultats de l'enquête de l'UFC (Union fédérale des consommateurs)-Que Choisir sur la qualité de l'eau potable en France, présentée mardi 20 mars. Faut-il se réjouir du fait que "97,5% des Français ont accès tout au long de l'année à une eau de bonne qualité" ? Ou s'inquiéter pour les autres, ces 1 760 000 personnes qui reçoivent une eau non conforme ?

L'UFC-Que Choisir, qui s'est basée sur les résultats d'analyses publiés par le ministère de la santé, a pris le parti de considérer comme "non conforme" l'eau d'une commune dont au moins un quart des analyses effectuées en deux ans ont montré qu'elle se trouvait au-dessus des limites réglementaires pour un des six critères retenus : la qualité bactériologique, la teneur en aluminium (les sels d'aluminium sont utilisés pour rendre l'eau plus limpide), la radioactivité (d'origine naturelle), la présence de résidus de pesticides, le taux de nitrates, et la teneur en sélénium, élément présent dans la croûte terrestre que l'on retrouve dans l'eau issue des nappes phréatiques.

CONTRÔLES TROP PEU FRÉQUENTS

Premier constat, plutôt rassurant. "Quasiment aucune pollution n'est relevée dans les grandes villes ou les villes de taille moyenne", selon l'enquête. Les 2 747 communes où des dépassements de normes ont été relevés comptent en moyenne 500 habitants. L'étude met cela sur le compte de contrôles trop peu fréquents pour "assurer le suivi minimal requis". Quatre villes de plus de 20 000 habitants distribuent cependant une eau contenant trop de résidus de pesticides : Sens (Yonne), Lisieux (Calvados), Firminy (Loire) et Bourgoin-Jallieu (Isère).

L'étude confirme que l'agriculture est bien aujourd'hui la principale responsable de la pollution des eaux : 69% des cas relevés lui sont attribuables, 27% revenant à des défauts de traitement de l'eau et 4% à la radioactivité naturelle. René Lalement, de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), avoue ne pas être surpris : "Le problème vient de la récurrence de facteurs qui n'ont pas été traités depuis des années."

A eux seuls, les pesticides - et en particulier l'atrazine (désormais interdit mais qui persiste longtemps dans l'environnement) - sont responsables de 60% des cas de pollution d'origine agricole. Près de 700 000 personnes sont concernées, essentiellement dans le Bassin parisien, le Nord, la vallée du Rhône et le Sud-Ouest.

RÉFORMES DE L'EAU ET DES PRATIQUES AGRICOLES

Curieusement, la pollution de l'eau aux nitrates ne touche pas la Bretagne, où des mesures de protection ont été prises "sous la pression des associations et des consommateurs bretons", estime l'UFC-Que Choisir. Quant au sélénium, on en retrouve principalement dans les zones de fort prélèvement agricole, où il faut aller puiser dans les eaux souterraines.

"Il y a péril en la demeure si l'on poursuit un mode de production agricole, la monoculture intensive, qui récidive en permanence", prévient Alain Bazot, le président de l'association de consommateurs. L'étude relève que la baisse du volume de pesticides utilisés en France est compensée par le recours à des molécules plus puissantes et donc plus polluantes, et que le recul de l'utilisation des nitrates est très modéré.

Les auteurs regrettent que "bien qu'ils soient majoritairement à l'origine de ces pollutions, les agriculteurs ne financent pas le coût des impacts négatifs de leurs pratiques sur l'environnement" et que l'application de ce principe du "pollueur pas payeur" alourdisse de 6,6% à 11,8% la facture d'eau des consommateurs, qui doivent payer pour la "potabilisation".

L'UFC-Que Choisir appelle donc à une réforme de la politique de l'eau et à une réforme profonde des pratiques agricoles. "Il y a une fuite en avant, comme quand l'on préfère abandonner un captage pollué pour aller chercher d'autres ressources plutôt que de traiter la pollution à la source", note Alain Bazot. Des chiffres publiés en février par la direction générale de la santé viennent d'illustrer ce propos : sur 4 811 captages abandonnés entre 1998 et 2008 en France, 41% l'ont été en raison de la mauvaise qualité de l'eau.
Paris garde son réseau d'eau non potable
Le Conseil de Paris a décidé, lundi 19 mars, de maintenir le réseau d'eau non potable de la capitale en le reconfigurant. Héritage du XIXe siècle, ce réseau de 1 700 km, aussi long que le réseau d'eau potable, sert au nettoyage des rues, au curage des égouts et à l'alimentation des bassins des parcs parisiens. La question de son abandon était posée, car sa consommation n'a cessé de diminuer depuis 1950, pour se fixer à 50 millions de m3 par an. Certains des sept réservoirs d'eau non potable seront supprimés mais le réseau sera utilisé pour de nouveaux usages comme l'arrosage des trottoirs lors des canicules pour faire tomber la température.