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Après une intense présence sur le site Agoravox, notamment en 2007, j'ai fait le choix de cesser d'écrire des articles. D'une part par manque de temps et profusion des contenus sur Agoravox mais aussi - et surtout - d'autre part afin de pouvoir prendre du recul sur l'ensemble d'un quinquennat. Je me permets donc de revenir, dans cette tribune libre, vous faire part de mon sentiment.

Avant les élections de 2007, j'avais écrit de nombreux articles mettant en garde sur les risques de ce candidat de la droite dure et libérale. Plus encore j'avais analysé point par point l'ensemble de ses défaillances au ministère de l'intérieur, avec comme point d'orgue les émeutes de 2005, mais aussi au ministère de l'économie et même plus encore dans ses propres contradictions.

Promettant mots et merveilles, le tout dans un parti féodalisé au candidat unique, Sarkozy avait promis d'aller chercher la croissance avec les dents, le plein emploi, la sécurité pour tous etc.. cristallisés dans le « travailler plus pour gagner plus ».

Outre le fait que derrière ce slogan qui ne promet rien de neuf et surtout aurait dû être démonté par une opposition digne de ce nom, nous avons tous pu constater qu'en 2007 ce n'est pas la droite qui a gagné mais plus la gauche qui a failli. Une candidate faible dans le fond, faible de le discours et les propositions, des tensions internes évidentes et plus largement un effacement du fond au profit de la forme « active » de Nicolas Sarkozy.

Mais tout cela vous le savez et on le sait déjà. En revanche ce que l'on ne sait pas, c'est le résultat des élections de 2012. Et c'est précisément là le problème.

En effet, depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a commis une quantité d'erreurs et de provocations si indignes de la république qu'en théorie le rejet aurait dû à lui seul l'évincer du pouvoir. Il y a bien évidemment eu le Fouquet's, le Yacht de Bolloré, mais aussi la première loi (la loi TEPA avec le package fiscal), mais il y a aussi eu la RGPP (suppression d'1 fonctionnaire sur 2 partant à la retraite et politique du « chiffre » dans la fonction publique), la réforme de la carte judiciaire ou de la carte scolaire, le bras de fer avec les cheminots ou même encore la momification des syndicats mis à l'écart des décisions. L'état de grâce présidentiel prenant fin avec la déroute du XV de France face à l'Angleterre là où le président avait fait le choix de promouvoir B.Laporte (impliqué dans plusieurs affaires sulfureuses) futur ministre des sports

En 2008, il y a eu la première déroute électorale : des élections locales très largement acquise à la gauche, notamment dans toutes les grandes villes hors Marseille et Bordeaux (hors EPCI/CU). Idem avec plus d'inerties pour les conseils généraux. Alors même que la crise allait poindre le bout de son nez, Sarkozy était sur le point de proposer le crédit « subprimes » au Français afin qu'ils puissent devenir « une France de propriétaires ». Les Américains eu-mêmes n'en reviennent d'ailleurs toujours pas de la gueule de bois qui accompagne ce type de promesse... Cela n'empêche pas Sarkozy de priver l'état de 3G€ par an avec une baisse de la TVA sur la restauration pour faire plaisir aux restaurateurs-électeurs. Cette même année, nous avions eu l'épisode de la grippe A (H1N1) avec le douleureux épisode à près de 2G€ de vaccins commandés par R.Bachelot qui doivent aujourd'hui pourrir quelque-part dans un entrepôt. Nous avions ,sur le volet diplomatique, après l'épisode des infirmières bulgares, eu l'immense honneur de redonner de la crédibilité à des tyrans. Les visites de Khadafi et de Bachar El Assad sur notre sol furent d'aussi grandes décisions que l'histoire fut prompt à nous rappeler que c'eût été surtout de graves erreurs diplomatiques. Mais que ferait-on pour vendre quelques rafales de l'ami Dassaut...

Afin de maintenir les Français dans la peur, la crise allait s'imposer d'elle même. D'une crise financière outre-atlantique, issue des dérives intrinsèques des pires excès du capitalisme, cette crise bancaire (privée) a été joyeusement confiée et acceptée par les états, notamment Européen. Dans la satisfaction la plus intégrale, là où toute personne lucide aurait EXIGEE des contre-parties aux banques, l'Europe a pris les dettes pour couvrir les banques « too big to fail ». L'Europe, déjà fragilisée par 10 ans de croissance molle, a transformée la crise financière en crise économique, le tout dans un satisfecit commun piloté par la très conservatrice chancelière A.Merkel et son fidèle acolyte français dans le couple sacralisé « Merkozy ». L'action de Sarkozy se résumant au désormais célèbre discours de Toulon qui aura été, sans aucun doute, celui où tout aura été dit pour que tout l'inverse soit fait.

En 2009, la crise financière est devenue économique. Hausse des licenciements, hausse du chômage, récession... Partout en Europe, du rouge. Parfois même du rouge vif là où les énarques et autres économistes puisaient leurs exemples (l'Irlande et le RU entre autres).

En juin 2009, nouvelle déroute électorale masquée par le mode de scrutin Européen débile à un seul tour : avec 30% des voix, l'UMP acquiert une majorité au parlement Européen. En face, les verts mènent une belle campagne alors que le PS n'en fini plus de se déchirer suite au Congrès de Reims.

En 2010, à mi-mandat, l'état français touche le fond avec un déficit passant de -50G€/an en 2006 à -150G€ en 2010, soit un triplement. La dette explose pour s'approcher du PIB annuel du pays. Fort de ce constat peu glorieux, c'est le moment que choisi Sarkozy pour lancer une nouvelle réforme des retraites après celle de 1995 et celle de 2004 dont les rapports de la Cour des Comptes ont démontrées qu'elles ont coûté plus cher qu'elles n'ont rapportées du fait des mises en pré-retraites et des dispositifs de transition. Sacrifiant le soldat Woerth, lui même impliqué dans une embarrassante affaire « Bettencourt », Sarkozy fait passer en force cette réforme de la retraite à « 62 ans », générant en réalité l'un des systèmes les plus dur en Europe du fait du double couperet 62 ans et 41 ans + 3 mois pour le taux plein (67 ans en borne haute).

3 millions de grévistes recensés au plus fort des grèves, celles-ci durant plus de 2 mois.

Parallèlement, le gouvernement, face à l'ampleur de la crise, commence à revenir sur des dispositions « 2007 » : Intérêts d'emprunts, rabot des niches fiscales... mais cela reste timide puisque d'autre part on supprime la TP : ce que l'état gagne d'un côté, il le redonne de l'autre dans une logique inversée des consommateurs aux grosses entreprises.

Nouvelle élection, nouvelle déroute : les élections régionales confirment 21 régions sur 22 à la gauche, et même la Corse bascule. Ce qui fait en réalité, après élections, une série de 3 défaites.

Dans cette dynamique, l'année 2011 fut, sans aucun doute, la plus tragique, et donc la plus comique.

Sans aucun doute, l'incroyable capacité de la réalité à toujours vous revenir dans la figure, irrémédiablement. L'économie Européenne reste atone. Le chômage poursuit sa progression à près de 10% des actifs, sans parler des jeux statistiques et des effets à retardement comme le chômage partiel. En 3 ans, la France a détruit des emplois et perdu une grande partie de son industrie automobile. Alors même que tout le monde commence à espérer une reprise, l'été 2011 est marquée par les peurs sur les « défauts de paiement de la Grèce », défauts issus de la faible réaction de l'Europe et notamment de l'Allemagne pour couvrir la dette abyssale Grecque. Après 6 mois de palabre, de victoires « définitives » sur victoires « définitives », se met tant bien que mal un fond de stabilité Européen... le tout sous une austérité de plus dévastatrices et dont personne ne sait encore ce qu'elle va produire sur le long terme (générations sacrifiées bonjour !).

En France, pendant ce temps-là, on ferme les robinets : rabots fiscaux, nouvelles taxes, nouveau gel de l'indice des fonctionnaires etc... C'est l'époque des plans de rigueur. L'un chassant l'autre.

Pendant ce temps-là, fort de notre situation et ayant surtout loupé les révolutions arabes (MAM ayant préféré fournir des armes de répression plutôt que d'essayer de comprendre le vent de révolte qui se levait) Sarkozy envoie le soldat BHL et le fidèle Juppé en terres Lybiennes. L'ancien « ami » est devenu encombrant, d'autant qu'il massacre son peuple.

Contrairement à Bachar, Kadhafi ne dispose pas du soutien de l'Iran : c'est donc une proie facilement délogeable. Sarkozy va donc déloger Kadhafi, et tente de se refaire une virginité diplomatique.

Mais 2011 c'est aussi l'année historique où le Sénat va basculer à gauche. Avec un mode de scrutin d'un autre âge, totalement favorable à la droite, le sénat bascule tout de même à gauche. 4Ème déroute électorale. C'est aussi l'année où le champion de la gauche DSK, à force d'aller aux putes, se fait prendre la main dans le sac (ou ailleurs), laissant ainsi le champ libre au candidat venue droit de Corrèze : François Hollande.

Nous voilà donc en 2012 avec, j'en conviens, certains raccourcis. C'est vrai, j'ai occulté les erreurs historiques réalisées sur l'éducation nationale, la santé ou même encore les ministres transparents, le 1er ministre fantoche voire même les dérapages incontrôlés de Grenoble ou même encore les ministres mis en examen et condamnés (B.Hortefeux etc...), voire ceux qui sont depuis longtemps au FN mais n'osent s'en réclamer (C.Guéant).

J'ai aussi occulté les épisodes sur les allégements d'ISF, les volte-face sur l'Europe, les enfants à 35 par classe, et les profs qui ne sont plus formés... je m'en excuse.

Non content d'avoir tout ce passif sur le dos, Nicolas Sarkozy nous offre le champagne final avec la TVA « sociale » qu'il promet de mettre en oeuvre à son arrivée au pouvoir, soit la garantie de perte de pouvoir d'achat pour les plus pauvres et surtout ceux qui n'ont pour seul revenu que des prestations (comme les retraités).

Bref, nous voilà aujourd'hui, fin mars 2012 à 1 mois de l'élection présidentielle.

Avec un tel passif, avec de telles erreurs, avec un tel bilan et de tels contre-sens permanents, je ne peux que, intellectuellement, me demander la chose suivante :

COMMENT ce président-candidat peut-il encore oser faire la morale aux français, et pire encore, COMMENT certains français peuvent-ils encore croire dans son action (je ne parle même pas du reste) ?

En clair, comment se fait-il qu'avec n'importe quel branquignolle étiqueté « de gauche », en proposant simplement des choses simples (justice sociale et fiscale, éducation, santé, réduction des dépenses et hausses des recettes etc...) ce « candidat » ne fasse pas 70% des voix ?

L'interrogation tient sa réponse à nouveau dans la faiblesse du candidat de gauche. Certes, pas aussi faible qu'en 2007 car mieux préparé, mieux structuré. Mais là encore, quel manque de percussion !

Après 17 ans de présidence de droite, 5 années de tragédie consacrée dans un bilan qui sera sans doute le pire de l'histoire de la Vème république, comment ne pas percuter de face le versatile Sarkozy dans toutes ses contradictions ? Comment ne rien proposer de clair et d'efficace à la frange d'électeur qui vote à droite sans même savoir pourquoi sur la couleur d'un costume où la rapidité d'élocution ?

Bref, comment peut-on encore, même si les médias sont loin d'être innocents dans cette affaire, avoir des sondages aussi proches entre les 2 principaux candidats ? Les Français sont-ils, définitivement dépourvus de mémoire des faits ? Sont-ils si pessimiste sur leur avenir et sur eux-mêmes qu'ils sont prêts à signer à nouveau pour un mandat de suicide collectif ?

J'irai même plus loin : suis-je né dans un pays où la population aime souffrir et ne sait pas reconnaître entre 2 candidats, non pas le meilleur, mais le moins pire, celui qui au moins aura le mérité d'être honnête et rationnel ? Je sais, nous aimons les « charismatiques », les égos. Nous aimons les flamboyants, ceux qui ont de la gueule. Le problème, c'est qu'après le coup d'éclat, il y a souvent la gueule de bois. On vient, après ces 5 années, de le voir très clairement, avec une explosion des inégalités en totale contradiction avec le modèle, certes imparfait, que nous avons mis tant de temps à construire.

Sommes-nous devenus aveugles au point d'en oublier l'essentiel : dans quelle société voulez-vous vivre ? Dans quelle société voulez-vous que vos enfants vivent ?

L'insécurité, le chômage et la peur du lendemain sont les résultantes de mauvais choix que nous faisons, seuls (ce n'est pas la faute des autres), parce que nous laissons nos côtés les plus sombres prendre le dessus. C'est tellement plus simple d'abuser et de dire ensuite que c'est la faute des autres. Somme toute, à la fin ; ce sont nos enfants qui paient, et indirectement, c'est nous qui payons.

S'il y a des forcenés, c'est aussi parce qu'on a laissé les communautarismes progresser et que l'état a cessé de défendre la laïcité dans les actes et les faits. S'il y a des suicides dans les entreprises, c'est aussi parce qu'on n'a jamais tapé sur les patrons voyous et les managements fous de DRH prédateurs. S'il y a autant de pauvres, c'est aussi parce que nous n'avons pas sur répartir les richesses plus équitablement. S'il y a autant de chômage, c'est parce que nous avons laissé partir nos techniques et savoir-faire à l'étranger sans nous préoccuper du lendemain il y a 15 ans.

En clair, ce n'est pas la faute des autres. Ce n'est d'ailleurs pas forcément des fautes. Mais en tout cas c'est de notre responsabilité.

Alors, et je vous le dis avec ma plus grande conviction personnelle, je crois qu'il est grand temps de regarder la réalité en face et de changer. Ce changement doit passer par l'exigence de nouvelles pratiques de l'exercice du pouvoir, par de nouvelles têtes, par de nouvelles idées et de nouveaux modèles (économie de l'environnement et du savoir par exemple).

En 2007 les français ont élu leur « côté obscur ».

En 2012, j'invite les français à faire un autre choix, pour nous permettre, enfin, de retrouver la voie du progrès, de l'égalité et de l'avenir. Et, sans angélisme ou naïveté, aussi, pour donner un grand coup de balais au sein d'institutions nationales depuis trop longtemps confisquées aux sphères du pouvoir et de l'argent.

En 2012, au regard des ces propos, donnons à la droite la leçon qu'elle mérite : une défaite franche et méritée, seule capable de mettre un terme à l'arrogance et au mépris qu'elle a infligé à une très large partie de la population depuis des années.