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© Jekesai Njikizana
Connie Garandemo, une pauvre paysanne, ne mange pas tous les jours à sa faim depuis que la sécheresse s'est abattue sur le Zimbabwe, jadis grenier à blé de l'Afrique australe, réduisant sa récolte à trois petits seaux de céréales.

"Nous ne mangeons que deux repas par jour, une fois le matin, puis le soir", se désole cette mère de deux enfants de la région de Buhera (sud-est).
La famille cultive une petite parcelle dans le village de Garisanai.

Mais en raison de l'irrégularité des pluies l'an dernier, la récolte de la famille s'est réduite à trois seaux d'un petit grain connu localement sous le nom de runinga, qui ressemble au sésame.

Les Garandemo ont été forcés de troquer trois dindes, sur les six qu'ils avaient, contre six sacs de maïs, raconte-t-elle.
Au moins 1,6 millions de Zimbabwéens vont avoir besoin d'une aide alimentaire cette saison, selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies au Zimbabwe.

Les experts expliquent la disette par l'irrégularité des précipitations et des périodes de sécheresse, un accès insuffisant aux semences et aux engrais, une réduction de la superficie ensemencée, de mauvaises pratiques agricoles et une insuffisante diversification des cultures.

Riches de terres fertiles, le Zimbabwe a souffert de la réforme agraire du début des années 2000, qui a fait plonger la production agricole: la plupart des exploitations appartenant aux fermiers blancs ont été saisies et attribuées à des Noirs sans terre qui n'avaient en général ni les compétences ni les moyens pour les grandes cultures, et n'ont reçu que peu de soutien du gouvernement.

Les autorités zimbabwéennes, quant à elles, blâment les conséquences des changements climatiques.

Le petit déjeuner de la famille Garandemo se résume à des papayes mûres, bouillies et salées. Pour le dîner, du sadza, une bouillie de maïs épaisse, servie avec des légumes bouillis, feuilles de citrouille ou kale, un chou vert populaire au Zimbabwe.

"Je suis sous antirétroviraux et il me faudrait au moins trois repas par jour", soupire cette paysanne de 43 ans.

Aux pires moments, la famille n'a pu s'offrir qu'un seul repas par jour, et les enfants ont dû rater l'école, souligne Connie.

Kennedy, le mari, fait des petits boulots aux alentours et se fait payer en grain ou en vêtements usagés.

"Lui aussi vit avec le VIH, mais il n'a pas d'autre choix que de s'en aller pendant parfois des semaines pour chercher du travail, pour qu'on puisse manger", dit sa femme.

Le chef du village Jaison Zinanga explique que la pénurie alimentaire est désormais un phénomène récurrent dans la région, et que ses sujets viennent souvent mendier de la nourriture, alors qu'il a lui-même du mal à nourrir sa propre famille.

"Des gens viennent me demander de la nourriture. J'aide quand je peux. Parfois, je les emmène chez le conseiller local ou le chef supérieur pour leur demander de trouver des donateurs".

"La situation est grave. Les puits sont à sec, si bien que les gens ne peuvent pas faire pousser leur propre nourriture."

Certaines organisations humanitaires ont creusé des puits, mais il y en a peu, et ils sont loin.

La disette touche de vastes étendues au sud-sud-est et au nord du pays.

Sa gravité a poussé le Programme alimentaire mondial (PAM) à débuter ses distributions aux régions défavorisées plus tôt que d'habitude.

"Ces dernières années, le programme (de distribution de l'aide) a débuté en octobre et s'est poursuivi jusqu'en mars. Cette année, en raison de l'aggravation de la situation, nous allons commencer plus tôt en septembre", a indiqué la porte-parole du PAM Victoria Cavanagh.

"Nous avons l'intention de répondre aux besoins croissants de la population grâce à une distribution alimentaire en nature et des transferts d'argent dans les zones touchées", dit-elle.

Dès juin, des envoyés de l'agence onusienne avaient constaté "des greniers vides, des ventes d'animaux par désespoir et la réduction du nombre de repas pris chaque jour", y voyant "une situation désastreuse".

Mais il manque près de 90 millions de dollars au PAM, près des trois quarts de la somme nécessaire pour venir en aide aux Zimbabwéens qui auront faim d'ici mars 2013. "Nous discutons toujours avec nos donateurs", a précisé Mme Cavanagh.