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(Québec) La fermeture de la seule centrale nucléaire du Québec fait partie du train de mesures entré en gare avec l'élection du Parti québécois (PQ). Le nouveau gouvernement vient donc renverser la vapeur de son prédécesseur, qui s'était engagé à rénover Gentilly-2. Chaque parti avance ses arguments économiques, environnementaux, sécuritaires. Mais qu'en est-il réellement, en dehors du choc des politiciens? Il semble que les experts sont tout aussi partagés.

Pour Michel Duguay, rénover Gentilly, «ce serait de la folie, de la démence, du point de vue financier». Ni plus ni moins. M. Duguay a beau être un farouche opposant à la réfection de la centrale québécoise, il sait de quoi il parle : il a obtenu un doctorat en physique nucléaire à la prestigieuse université Yale avant de devenir professeur au département de génie électrique de l'Université Laval.

Selon lui, en tenant compte de la moyenne des dépassements de coûts dans les projets de réfection du genre au Canada et aux États-Unis, rénover Gentilly pourrait coûter plus de 5 milliards $. Il faut à cela ajouter les coûts de démantèlement puisqu'il faudra inévitablement y arriver, un jour ou l'autre. Il cite aussi les rapports des économistes Jean-Thomas Bernard et Claude Garcia pour soutenir que, en considérant le problème de la gestion des déchets, chaque kilowattheure produit par une centrale Gentilly rénovée coûterait 12 ¢ ou plus, alors qu'Hydro-Québec exporte actuellement à un tarif de 5¢. Pour rentabiliser une réfection, il faudrait amortir les coûts sur une période de production plus longue, mais, selon lui, à la lumière d'expériences similaires en Ontario, Gentilly «ne durera pas 15 ans».

L'accident après le tremblement de terre au Japon a provoqué une remise en question dans le monde. Les Nippons, les Belges et les Allemands veulent se sortir progressivement du nucléaire. «Le vent a tourné», dit M. Duguay, qui comprend mal pourquoi le Québec tient à garder son unique réacteur.

M. Duguay s'inquiète aussi d'un rapport de la CCSN sur les risques sismiques. Un expert expliquait que dans l'éventualité d'une secousse de 6,2, «le coeur va fondre» à la centrale jumelle de Pointe Lepreau. Et la probabilité d'un tremblement de terre de 7,0 existe dans la région de Bécancour. Malheureusement, ajoute M. Duguay, il est techniquement impossible de changer quoi que ce soit pour améliorer la sécurité à cet égard, même en reconstruisant le coeur.

En effet, il souligne qu'en cas de réfection, il faudra réutiliser la même technologie que dans les années 70. Les ingénieurs ontariens ont bien essayé d'apporter des améliorations au CANDU lors d'une réfection à la centrale Bruce, mais sans succès. Et cette technologie, poursuit l'expert, a le vilain défaut d'être un peu lente à réagir si un tuyau éclate dans le réacteur, ce qui est arrivé en 1983 à la centrale de Pickering. Une seconde de trop et les tuyaux pourraient fondre littéralement.