Commentaire : En période de crise, les mots ont tendance à perdre de leur signification. Ils sont galvaudés ; sens et usage, détournés. Ils ne correspondent plus à la réalité et servent les objectifs bien précis de personnes aux intérêts et intentions spécifiques. Un glissement sémantique subtil qui est bien loin d'être anodin : en utilisant un mot, une expression, dans un contexte nouveau, inhabituel, nous lui donnons un sens nouveau, inhabituel. Par la répétition incessante du procédé dans une situation donnée, de nouvelles croyances prennent racine ; l'on peut ainsi donner naissance à une nouvelle façon de penser, et celle-ci, pour toute artificielle et mensongère qu'elle soit, sert de base à l'élaboration d'une nouvelle réalité commune. Comme le souligne Philippe Vergnes, le locuteur, « par la langue qu'il parle, se fait - délibérément ou à son insu - le porteur d'une intention politique ou d'une idéologie ».
En l'occurrence, on peut constater que le rapport que l'Homme entretien avec son environnement est un désastre. Il ne considère ce qui l'entoure qu'à l'aune de la rentabilité, de l'efficacité ; et l'on nous a appris à trouver cela naturel. Une conception pathologique de notre rapport à l'univers qui nous pousserait à extorquer ce qui nous est naturellement donné. L'exemple qui concerne l'agriculture est particulièrement parlant. Si les modèles agricoles sont parfois remis en cause, avec la promotion de l'idée d'une autre agriculture plus respectueuse de l'environnement et de l'être humain ( et qui l'est réellement, avec l'agriculture biologique et/ou biodynamique ), on ne parlera jamais, encore et toujours, que d'économie rurale.
Et c'est effectivement de paradigme dont il est question ici. On pourra se contorsionner tant que l'on voudra, inventer les normes, les contraintes, les conditions, les conformités, se donner l'illusion que la caution financière, philosophique, nous donne un droit, en réalité, est-ce vraiment le cas ? Le problème de fond ne reste t-il pas le même ? Un rapport à sens unique avec l'univers qui nous entoure ?
Alors pour faire perdurer un système, qui est celui de la domination et, in fine, de la destruction du vivant, il faut travestir la réalité et contraindre à une réinterprétation de celle-ci, avec les mots par exemple. L'esprit « apaisé », la conscience détournée, le monde peut continuer à fonctionner comme il le faisait encore le jour précédent.
Le « développement durable » est une prétention à la vertu. Le mot « développement » utilisé dans ce sens est un mensonge.
Le mot « développer » signifie « croître », « progresser », « devenir plus complet, plus avancé ». Parmi ses synonymes, on trouve « évolution, déroulement, maturation, maturité », et parmi ses antonymes « détérioration, désintégration ». En voici un exemple d'usage concret tiré d'un dictionnaire : « Le théâtre a atteint l'apogée de son développement avec les pièces de Shakespeare ».
Mais voilà le problème : un enfant se développe et devient un adulte, une chenille se développe et devient un papillon, un cours d'eau endommagé par (disons) l'extraction minière pourrait, avec le temps, se redévelopper et redevenir un cours d'eau sain ; mais une prairie ne se « développe » pas en maisons en forme de boîtes, une baie ne se « développe » pas en port industriel, une forêt ne se « développe » pas en routes et clairières.
Le mot « tuer » fonctionne aussi bien.
Commentaire: Fort heureusement, de plus en plus de Français rejettent cette mascarade électorale.