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Ce compte-rendu du livre de Nina Teicholz The Big Fat Surprise est le plus difficile et exigeant que j'ai jamais écrit. Il est exigeant pour plusieurs raisons. D'abord, il est psychologiquement exigeant car je souhaite écrire un si bon compte-rendu qu'il incitera tout le monde à acheter immédiatement le livre et à le lire. Pourquoi ? Parce que je crois que c'est l'un des livres les plus importants jamais écrits sur la nutrition. Peut-être le plus important. Et je pense avoir la responsabilité d'inciter autant de monde que possible à se le procurer.

D'autre part, ce livre est rempli de tant d'informations précieuses que je n'ai pas pu me décider à choisir ce que j'allais mettre en avant. Un compte-rendu de livre présente toujours des extraits, mais il y a là une telle abondance de choix qu'il m'a fallu une éternité pour me décider.

Je peux vous dire catégoriquement qu'il n'y a pas assez de superlatifs - du moins dans mon vocabulaire - pour bien décrire à quel point ce livre est merveilleux et important. Mais je vais quand même essayer, car je crois vraiment que c'est un livre d'une aussi grande qualité.

J'ai rencontré Nina Teicholz il y a cinq ou six ans quand j'étais à New York. Elle m'a dit qu'elle s'était convertie d'un régime faible en graisse à un régime riche en graisse et qu'elle écrivait un livre. Nous n'avons pas discuté du livre qu'elle écrivait, donc je n'en savais rien. Nous sommes restés sporadiquement en contact par e-mail et avons échangé un ou deux articles scientifiques, mais c'est à peu près tout. Je n'avais pas entendu parler d'elle depuis quelques années, quand en septembre j'ai reçu un email inattendu où elle me disait que la première version de son livre était terminée. Elle me demandais si je pouvais le lire et lui donner mon feedback.

Je déteste ces demandes parce que de lire tout un manuscrit prend beaucoup de temps. Et s'il est mauvais, qu'allez-vous dire ? J'ai écrit un certain nombre de livres, et je sais tous les efforts qu'il faut faire pour en écrire un. Même un mauvais. Donc, je déteste être mis dans la position d'avoir à dire à quelqu'un, votre livre est raté.

Mais la demande de Nina arriva alors que je voyageais et j'avais du temps libre en avion, alors j'ai dit, bien sûr, envoyez-le moi.

Elle m'a envoyé un certain nombre de fichiers, certains en word, d'autres en pdf. Et elle ne m'a pas envoyé le livre entier, mais seulement la première moitié.

J'ai commencé à le lire et ai été absolument captivé. Au lieu de prendre du temps pour lire son manuscrit, je me suis mis à prendre plus de temps à lire son livre qu'à faire toutes les autres choses que je devais faire. Il était à ce point bon.

Alors que je finissais la partie qu'elle m'avait envoyée, je lui ai écrit pour avoir le reste - qu'elle m'a envoyé, et que j'ai dévoré avec voracité.

J'ai fait quelques suggestions - très peu - et nous avons continué à échanger un moment. Quelques mois plus tard, son éditeur m'a envoyé un exemplaire relié de ce qui était en gros son manuscrit imprimé. Il n'était pas encore mis en page comme pour la plupart des épreuves. J'ai lu cette version et ai pris beaucoup de notes. Voici un exemple typique de ce à quoi ressemblaient les pages de mon exemplaire. Vous voyez maintenant pourquoi il m'était si difficile de décider quels extraits j'allais choisir.

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Depuis lors, j'ai reçu les épreuves mises en page, que j'ai également lues. J'ai donc lu le livre trois fois. Tout ce que je vous demande est de le lire une fois. Je vous garantis que vous me remercierez de l'avoir fait.

Nina Teicholz est mariée et mère de deux enfants à New York. Elle est journaliste d'investigation et chroniqueuse culinaire de métier. Quand elle avait déménagé à New York, elle suivait un régime faible en graisse, du style de la pyramide alimentaire de l'USDA. Sa vie a changé quand elle a commencé à écrire des critiques de restaurants. Elle mangeait tout ce que les chefs qu'elle examinait lui donnaient, ce qui était souvent du « pâté, toutes sortes de morceaux de bœuf préparés de toute les manières inimaginables, des sauces à la crème, des soupes de crème, du foie gras - tous les aliments qu'elle avait évité dans sa vie. »

Elle a mangé une énorme quantité d'aliments gras, et en dépit de ses inquiétudes, son taux de cholestérol n'a pas explosé. Mais en plus de cela, elle a perdu les cinq kilos dont elle avait du mal à se débarrasser.

Son rédacteur en chef au Gourmet lui a demandé de rédiger un article sur les gras trans. Cet article a fini par se transformer en contrat d'édition, et en recherches herculéennes pour documenter et rédiger The Big Fat Surprise (BFS). Elle narre l'histoire de comment nous, américains, qui mangions d'énormes quantités de graisses saturées (tout en ne souffrant pratiquement pas de maladies cardiaques) avons fini par manger désormais au restaurant des graisses qui, lorsque chauffées, libèrent une substance proche de la laque qui est si toxique qu'il faut la nettoyer en combinaison pour matières dangereuses.
Plus j'enquêtais, le plus je réalisais que nos recommandations alimentaires sur les graisses - l'ingrédient qui a obsédé nos autorités sanitaires au cours des 60 dernières années - semblent pas juste un peu erronées mais complètement fausses. Aucunes de nos croyances communes aujourd'hui sur les graisses en général et les graisses saturées en particulier ne sont, après un examen attentif, exactes.

Trouver la vérité est devenue, pour moi, une obsession dévorante pendant huit ans. J'ai lu des milliers d'articles scientifiques, participé à des conférences, appris les subtilités de la science de la nutrition, et interviewé à peu près tous les experts en nutrition vivant aux États-Unis, parfois plusieurs fois, en plus de dizaines d'autres à l'étranger. J'ai également interviewé des dizaines de cadres de l'entreprise alimentaire pour comprendre comment cette industrie géante influence la science de la nutrition. Les résultats ont été surprenants.

Une croyance populaire veut que l'industrie alimentaire axée sur le profit est à la racine de tous nos problèmes alimentaires, et qu'en quelque sorte les entreprises alimentaires sont responsables de la corruption les recommandations alimentaires pour les besoins de l'entreprise. Et c'est vrai, ce ne sont pas des anges. En fait, l'histoire des huiles végétales, y compris des acides gras trans, repose en partie sur la façon dont les entreprises alimentaires ont étouffé la science pour protéger un ingrédient essentiel à leur industrie.

Pourtant, j'ai découvert que dans l'ensemble, les erreurs de la science de la nutrition ne pouvaient pas être reportées sur les intérêts néfastes de l'agro-alimentaire. La source de nos conseils diététiques erronés était à certains égards plus inquiétante, car ils semblaient avoir été motivés par des experts de certaines de nos institutions les plus fiables œuvrant à ce qu'ils croyaient être le bien public.
Par mes propres recherches sur les hommes du paléolithique et leur régime alimentaire, je savais qu'ils se nourrissaient principalement de viande. Et la viande qu'ils mangeaient n'était pas ce que nous considérons aujourd'hui comme les morceaux de choix. Pas d'entrecôtes ni de filets, mais les viscères, la moelle, le cerveau, et la graisse - toutes les sources de graisses saturées étaient sans doute ce qu'il préférait. Je savais aussi qu'avant le début du 20ème siècle, les crises cardiaques étaient rares. Si rares, en fait, qu'elles étaient presque inexistantes. Les médecins pouvaient ne jamais en voir de toute leur carrière.

Ce que je ne savais pas, c'est que pendant cette période sans maladies cardiaques, les gens aux États-Unis privilégiaient les aliments d'origine animale et de graisses saturées. Même en Grande-Bretagne. En fait, les gens mangeaient plus de viande que maintenant. Mais aujourd'hui, les maladies cardiaques sont la principale cause de décès. (Jetez un œil à ces deux vieux articles (cliquez ici et ici) que Nina a référencés pour voir le changement).

J'avais été victime du mythe voulant que dans l'Amérique agraire d'avant les années 1900 tout le monde mangeait des céréales et des légumes et un peu de viande quand ils pouvaient en avoir. Nina se donne beaucoup de mal dans The Big Fat Surprise pour souligner que ce n'était pas le cas.

Non seulement les Américains d'origine européenne mangeaient principalement de la viande, mais aussi les Amérindiens.
Pendant ce temps entre 1898 et 1905, les Amérindiens du sud-ouest ont été observés par le médecin devenu anthropologue Aleš Hrdlička, qui a relaté ses observations dans un rapport de 460 pages du Smithsonian Institute. Les Amérindiens qu'il a rencontrés avaient un régime alimentaire principalement composé de viande, en général de viande de bison, et pourtant, comme Hrdlička l'a observé, ils semblaient avoir une santé spectaculaire et cela jusqu'à un âge avancé. Le nombre de centenaires parmi ces Amérindiens était, selon le Recensement de 1900 aux États-Unis, de 224 millions d'hommes et de 254 millions de femmes, par rapport aux seulement 3 millions d'hommes et 6 millions de femmes dans la population blanche. Bien que Hrdlička note que ces chiffres sont probablement un peu inexacts, il écrit « qu'aucune erreur ne peut expliquer l'extrême disproportion des centenaires observées ». Parmi les personnes âgées de plus de 90 ans qu'il a rencontrées, « aucune n'était démente ou dépendante. »

Hrdlička a également été frappé par l'absence complète de maladies chroniques dans l'ensemble de la population indienne étudiée. « Les maladies malignes », écrit-il, « si jamais elles existent - et il serait difficile à croire que ce n'est pas le cas - doivent être extrêmement rares ». On lui a parlé de « tumeurs » et il a vu plusieurs fibromes, mais n'est jamais tombé sur un cas évident de tumeur ou de cancer. Hrdlička écrit qu'il a vu que trois cas de maladies cardiovasculaires chez les plus de deux mille Amérindiens examinés, et « pas un seul cas prononcé » d'athérosclérose. Les varices étaient rares. Il n'a pas non plus observé d'appendicites, de péritonite, d'ulcère de l'estomac, ni aucune « maladie grave » du foie. Bien que nous ne pouvons pas en déduire que la consommation de viande était responsable de leur bonne santé et de leur longévité, il serait logique de conclure qu'une dépendance à l'égard de la viande ne compromet en aucune façon la santé. [C'est moi qui souligne]
Pour mettre en perspective ces chiffres du recensement, j'ai jeté un coup d'œil aux statistiques les plus récentes pour les centenaires. En 2012, aux États-Unis, le taux de centenaires par million d'habitants était de 173. Donc, même si comme Hrdlička le dit, le recensement de 1900 était un peu inexact, il est toujours étonnant qu'un groupe de mangeurs de bison, de gens primitifs, présentait autant de centenaires que nous aujourd'hui avec nos antibiotiques, l'eau propre sans parasites, et nos soins médicaux avancés.

Comment sommes nous passés d'une société consommant de la viande, du beurre et du lard, à la société d'aujourd'hui angoissée par les graisses, les crises cardiaques et constamment au régime ? La responsabilité incombe à un seul homme.

Ancel Benjamen Keys.

Ancel Keys est arrivé avec l'hypothèse « régime-cœur », et a catalysé à lui seul le mouvement qui nous a conduit là où nous sommes aujourd'hui. Et il l'a fait parce qu'il a laissé son monstrueux égo fouler le minimum d'intégrité scientifique qu'il avait.

Voici ce qu'il s'est produit.
Dans une conférence de 1952 à Mt. Sinai à New York (plus tard publiée sous la forme d'un article qui a reçu énormément d'attention), Keys a officiellement présenté cette idée, qu'il a appelé son « hypothèse régime-coeur » [graisses dans l'alimentation -> augmentation du cholestérol dans le sang -> maladie du coeur]. Son graphique montrait une corrélation étroite entre la consommation de graisses et le taux de mortalité dû aux maladies cardiaques dans six pays.

C'était une courbe ascendante parfaite, comme la courbe de croissance d'un enfant. Le graphique de Keys suggérait que si vous prolongiez la courbe vers le bas jusqu'à zéro consommation de graisses, votre risque de maladie cardiaque disparaîtrait presque.

Cet exercice de « relier-les-points » en 1952 a été la graine qui est devenue aujourd'hui l'arbre géant de notre méfiance envers les graisses. Tous les maux qui ont été attribués à la graisse au cours des années - pas seulement les maladies cardiaques, mais aussi l'obésité, le cancer, le diabète, et plus - découlent de l'implantation de cette idée parmi les autorités de la nutrition par Ancel Keys et sa persévérance à la promouvoir. Maintenant, quand vous mangez une salade avec une poitrine de poulet maigre au déjeuner et prenez des pâtes plutôt qu'un bifteck au dîner, ces choix remontent à lui. L'influence de Keys sur le monde de la nutrition a été sans précédent.
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Keys a parcouru le monde pour promouvoir sa théorie des graisses-provoquent-les maladies cardiaques en utilisant ce fameux tableau de six pays. Cependant, lors d'une conférence à Genève, en Suisse, il s'est confronté à un scientifique sérieux qui était très sceptique.

Jacob Yerushalmy, fondateur du Département de Biostatistique à Berkeley, a compris que Keys avait sélectionné ses données, et que si toutes les données avaient été incluses, le graphique montrant la forte corrélation entre la consommation de graisse et les maladies cardiaques serait un tas de points éparpillés pêle-mêle sur la page.

Yerushalmy et son collègue Herman Hilleboe ont publié une réfutation cinglante du travail de Keys. Vous pouvez cliquer sur leur article, Fat in the Diet and Mortality from Heart Disease: A Methodologic Note, que j'ai mis dans ma Dropbox, afin que vous puissiez voir à quoi ressemble une vraie claque scientifique. Le lire me fait presque pitié pour Keys.

Comment Keys a-t-il répondu à cet article après sa parution ?

Nina a interviewé Henry Blackburn, l'associé de longue date de Keys, qui était là lorsque Keys a été mis au courant.

« Je me souviens de l'ambiance dans le laboratoire lorsque cette étude a été publiée, » a-t-il dit.

« L'ambiance... mauvaise ? » a demandé Nina.

« Mmmmmm, » a répondu Blackburn, qui fit une longue pause.

Le fait d'avoir été massacré par Yerushalmy et Hilleboe n'a fait que renforcer la détermination de Keys. Non pas d'aller de l'avant pour faire de la bonne science, mais d'aller de l'avant pour prouver son idée.

La réponse sceptique à son discours de Genève et l'article en résultant fut un moment humiliant mais important pour lui : Blackburn se souvient que « c'est le moment charnière de la vie de Keys ». Après la confrontation à Genève, « [Keys] en a eu marre d'être critiqué et a dit : « Je vais vous montrer les gars »... et il a conçu l'Etude des Sept Pays. »

Ce que Keys a fait, c'est de passer le reste de sa carrière à se vautrer dans le biais de confirmation. Au lieu de suivre la méthode scientifique et d'essayer de réfuter son hypothèse régime-cœur, il s'est donné la mission de chercher tout ce qui la confirmait. Et d'ignorer ou de minimiser les données contradictoires.

Les formidables pouvoirs persuasion de Keys et ses diplômes ont fait que petit à petit son hypothèse régime-cœur a été acceptée par tout le monde. Toute personne qui a osait être en désaccord était attaquée avec violence dans les pages de tout journal où apparaissait l'argument adverse.

En raison de ses capacités de promotion ininterrompue, Keys n'hésitait pas à piétiner ses détracteurs, et dans ses annus mirabilis en 1961, il remporta trois grandes victoires. Il fit la couverture du Time, il embarqua l'American Heart Association (AHA) dans sa doctrine anti-graisse, et il convainquit le National Institutes of Health (NIH). Les victoires sur l'AHA et le NIH étaient particulièrement importantes. L'AHA était une énorme agence de lobbying et le NIH était la principale source de financement. Avec ces deux agences de son côté, Keys pouvait à la fois promouvoir ses idées anti-graisse aux médecins et au public et pouvait obtenir les fonds nécessaires pour faire des études confirmant son biais.

A cause de ce rouleau compresseur « régime-cœur », les américains ont commencé à limiter leur consommation de graisses, et à s'assurer que la graisse qu'ils consommaient était polyinsaturée.

Cela a posé un énorme problème à l'industrie agro-alimentaire. Les graisses saturées ont certaines propriétés de cuisson qui sont difficiles à reproduire avec des acides gras polyinsaturés. Mais l'industrie agro-alimentaire avait déjà développé les graisses trans, donc ils les ont utilisées. Les graisses trans existaient déjà depuis un demi-siècle, donc elles étaient disponibles. Donc ils s'en sont servis. Presque tous les aliments transformés contenaient désormais des graisses trans plutôt que des graisses saturées. A cette époque, les graisses trans ne s'appelaient pas comme ça. Ils les appelaient graisses polyinsaturés. Et tout le monde pensait que c'étaient des aliments bons pour la santé.

Le triomphe final de Keys a été quand le gouvernement des États-Unis lui-même a cédé à l'hypothèse régime-cœur.

Un non-scientifique du nom de Nick Mottern finit par écrire le rapport final qui est sorti de Washington et qui recommandait un régime dans lequel les graisses en général étaient réduites. Les graisses saturées ne devaient alors constituer plus que 10% des calories et la dose recommandée de glucides était de 55-60%. C'était un énorme changement par rapport aux années où l'on mangeait du lard et où la plupart des médecins ne voyaient jamais de crise cardiaque.

Le public était un peu incrédule, comme d'habitude avec les rapports du gouvernement. Mais l'industrie de l'agro-alimentaire ne voyait pas les choses ainsi. Elle était ravie.
La promotion des aliments à base de glucides, comme les céréales, le pain, les crackers et les chips, était exactement le genre de conseils diététique favorisés par les grandes entreprises alimentaires, puisque c'étaient les produits vendus. Recommander les huiles polyinsaturés plutôt que les graisses saturées les a également bien servi parce que ces huiles sont un ingrédient majeur de leurs biscuits et crackers et était le principal ingrédient de leurs margarines et matières grasses. Le rapport de Mottern, dont l'orientation était pro-glucides et anti-graisses animales, satisfaisait parfaitement les fabricants de produits alimentaires.
Au début, l'AHA et les cardiologues étaient les seuls groupes de médecins à croire au régime alimentaire faible en graisses. Bien bien vite, ils sont tous tombés comme des dominos. L'un des derniers bastions était les pédiatres. Les enfants n'ont pas de maladies cardiaques, alors pourquoi devraient-ils réduire les graisses, boire du lait écrémé, etc ? Mais ils finirent bientôt par rentrer dans le rang.

Dans l'une des descriptions les plus inquiétantes de BFS, Nina évoque les études réalisées par des chercheurs britanniques sur des enfants africains. Ils ont fait suivre à des enfants gambiens un régime pauvre en graisses après le sevrage (la plupart de leurs calories d'origine lipidique venaient de graisses polyinsaturées, de noix ou d'huiles végétales) et les ont comparés à des enfants anglais dont les calories venaient principalement de lait entier et de viande. Les deux groupes de bambins recevaient le même nombre de calories, mais à trois ans, les bébés gambiens pesaient 75% de moins que d'habitude, selon les courbes de croissance standard, tandis que les bébés anglais grandissaient normalement, et pesaient en moyenne 3 kilos et demi de plus que les Gambiens.

Nina écrit :
En tant que mère américaine, il m'a été difficile de lire cette étude sans courir immédiatement voir la teneur en matière grasse de mes propres aliments de « sevrage précoce » - ce qui m'a plutôt inquiété. Alors que la bouillie de riz, le premier aliment solide donné aux nourrissons gambiens, apportait 5% d'énergie sous forme de graisse, un pot de riz complet d'Earth's Best (une marque bio) qu'une mère américaine pourrait donner à son bébé contient zéro grammes de graisse. Plus tard, alors que les bébés gambiens mangeaient du riz avec de la sauce d'arachide, à 18% de graisse, un enfant américain aurait à peine 1% de graisse avec un pot de « dîner à la dinde et aux légumes » d'Earth's Best, qui semble tout à fait sain (c'est l'une des seules options de dîner avec de la viande). Les données du gouvernement montrent que durant les dernières décennies, les enfants américains ont réduit leur consommation de matières grasses, y compris de graisses saturées.
Si l'on se fie aux résultats des études sur les enfants gambiens, les enfants américains suivant un régime alimentaire pauvre en graisse pourraient être confrontés plus tard à des problèmes de santé. Déjà, dans les pays qui n'ont pas bêtement encouragé à réduire la consommation de graisses chez les enfants, ceux-ci sont plus grands que les enfants américains.

C'est juste l'une des nombreuses vérités révélées dans BFS qui m'ont mis très en colère . Croyez-moi, ça ne s'arrête pas là, loin de là. C'est pourquoi il est si important que ce livre méticuleusement documenté atteigne un large public. C'est seulement alors que certaines modifications pourront être faites et que les générations futures seront épargnées de l'idiotie du « pauvre en graisses ».

Comme pour toutes les choses qui provoquent une gêne récurrente, les gens ont commencé à en avoir marre du régime pauvre en graisses. Et ils ont cherché quelque chose de nouveau. Comme un régime avec peut-être un peu plus de matières grasses. Et qui est venu à leur secours ? Nul autre que notre vieil ami Ancel Keys.

Pendant les années où Keys avait promulgué son hypothèse régime-cœur, il avait voyagé de par le monde et passait beaucoup de temps en Italie dans sa propriété somptueuse qu'il avait construite avec vue sur la mer au sud de Naples (Je me suis toujours demandé comment il pouvait se permettre un tel endroit avec le salaire d'un universitaire, mais je suppose que c'est une autre histoire). Quand il était en Italie et d'autres pays riverains de la Méditerranée, Keys prenait des notes sur ce qui, dans l'alimentation de ces gens, rejoignait ses propres idées sur l'alimentation, et il a plus ou moins réduit tous ces différents régimes en un seul. Et il publia une étude sur le régime alimentaire de Crète qui jeta les bases de ce qui est devenu le Régime Méditerranéen avec un R majuscule, à ne pas confondre avec le régime méditerranéen avec r minuscule qui renvoie à ce que les différents peuples en question mangent réellement.

En 1975, Keys a réédité son livre de cuisine de 1959, Eat Well and Stay Well the Mediterranean Way, qui était essentiellement une reformulation de son régime alimentaire pauvre en graisses qu'il faisait passer pour « méditerranéen ». C'était la première fois que le Régime Méditerranéen avec un grand R est entré dans le jargon. Keys était plus ou moins à la retraite à ce moment-là, donc d'autres scientifiques italiens et grecs ont pris le relais.

L'histoire de ces scientifiques, qui à l'aide des fausses données de Keys sur la Crète (ce qui est en soi une histoire incroyable), se sont alliés pour former l'équivalent d'un cabinet de relations publiques de l'industrie de l'huile d'olive, séduisant des dizaines de scientifiques américains et d'auteurs en gastronomie, est l'une des parties les plus fascinantes de BFS. C'était une combinaison parfaite. Les scientifiques et auteurs en gastronomie étaient réceptifs et allaient passer du temps sur la côte méditerranéenne, buvant du vin et mangeant cette nourriture. Ces voyages tous frais payés étaient en apparence des conférences médicales, mais en réalité, c'étaient des stratagèmes de marketing. Les auteurs en gastronomie et les journalistes cherchaient quelque chose de nouveau et d'excitant à écrire. Les masses, fatiguées de leur nourriture pauvre en graisses et sans saveur, étaient prêtes à rajouter des graisses à leur régime alimentaire, même si c'était sous la forme d'huile d'olive. Et l'industrie de l'huile d'olive était plus que prête à rendre service. Et à financer.

Une poignée de chercheurs ont commencé à étudier la diète méditerranéenne, mais il n'existait pas de Régime Méditerranéen. Il y a beaucoup de peuples autour de la Méditerranée, et autant de régimes différents, mais aucun unique Régime Méditerranéen. Chaque groupe de recherche a donc essentiellement fabriqué sa propre idée du Régime Méditerranéen pour l'étudier.

Vous serez surpris - c'est peu dire - d'apprendre non seulement les structures de ces différents Régimes Méditerranéens, mais aussi le résultat des études.

On m'accoste toujours lors de fêtes ou d'autres événements avec des questions sur l'alimentation. Quand j'explique ce que je fais, je ne peux pas vous dire combien de personnes me disent qu'elles suivent un Régime Méditerranéen ou que leur médecin leur a dit de suivre un Régime Méditerranéen. Même les médecins croient que le Régime Méditerranéen est un régime qui a fait ses preuves au regard de la recherche scientifique.

Si seulement ils savaient.

Depuis que le gouvernement a opté pour le régime pauvre en graisses, la santé de la population est devenue catastrophique. Nous sommes au milieu d'une épidémie d'obésité qui fait passer l'ancienne star de la télé Jackie Gleason, surnommé Fat Man, pour un type normal. Pire encore, nous sommes en plein dans une épidémie de diabète qui menace de nous ruiner si elle n'est pas inversée.

Et pendant tout ce temps, la population ingurgitait environ 8 milliards de kilos d'huile de soja (en 2001), qui était en grande partie partiellement hydrogénée. Bien sûr, les graisses partiellement hydrogénées sont les gras trans, mais peu de gens les connaissaient jusqu'à récemment. Exactement ce que souhaitait l'industrie agro-alimentaire.

En s'occupant soigneusement des scientifiques et du financement de leurs recherches, l'industrie agro-alimentaire avait réussi à occulter au public les effets délétères des acides gras trans. C'est important car, comme l'écrit Nina, les gras trans « sont le pilier de l'industrie agro-alimentaire ».

Ils avaient peur très tôt des producteurs malaisiens d'huiles tropicales naturellement saturées, qui auraient facilement occupé le marché des graisses trans si le public avait été informé. Mais l'Association Américaine du Soja (ASA) n'allait pas laisser cela se produire, et ils ont donc attaqué sur les huiles tropicales, les qualifiant de graisses saturées dangereuses. Bien sûr, c'étaient des graisses saturées, mais dangereuses, elles ne l'étaient certainement pas.

L'une des personnes que Nina a interrogées, David Drake, un cadre supérieur de l'ASA, raconte comment l'un de leurs gens du marketing a inventé le terme d' »arbre à lard » pour les huiles tropicales. Drôle et intelligent. Mais dévastateur pour les huiles tropicales.

Malgré le travail et l'indignation de quelques scientifiques qui restaient marginalisés par l'industrie agro-alimentaire, les graisses trans ont continué à être acceptées inconsciemment par tout le monde. Les masses pensaient manger des graisses polyinsaturées et l'industrie agro-alimentaire les a maintenues dans l'obscurité. Pendant combien de temps ?
...depuis le jour où les huiles hydrogénées ont été introduites sous la forme du Crisco en 1911, et ce jusqu'en 2005, près d'un siècle plus tard, pas une seule grande conférence scientifique n'a été consacrée aux gras trans.
C'est vraiment hallucinant.

La description que fait Nina du Waterloo des graisses trans est fascinante. Alors qu'elles étaient inconnues et omniprésentes, elles ont été identifiées, vilipendées et bannies en un temps record. C'est un véritable coup du sort. Pratiquement d'un jour à l'autre, elles ont disparues à cause de la science de pacotille qui a diabolisé les graisses saturées. Non pas que les graisses trans ne soient pas mauvaises, parce qu'elles ne le sont pas, mais il est ironique de constater qu'elles ont été dénoncées et tuées par le même genre de science de pacotille axée-sur-les-relations-publiques qui les avais popularisées. Je suppose que ce n'est que justice.

La partie la plus effrayante de The Big Fat Surprise vient ensuite. C'est le chapitre qu'il faut lire à tout prix. Il montre en détails ce qui a succédé aux graisses trans, et ce n'est pas joli. C'est un grand saut dans l'inconnu, et ces sauts se finissent souvent mal.

L'industrie agro-alimentaire se trouvait dans un terrible dilemme. Les gens lisaient les étiquettes, et les grandes masses mal informées pensaient encore que les graisses saturées sont mauvaises. Ils regardent donc l'étiquette des paquets pour voir le contenu de graisses saturées.
...toute hausse de ces graisses, même de 0,5 grammes, pouvait repousser les clients [de l'industrie agro-alimentaire].
C'est ce qu'a dit un cadre supérieur que Nina a interviewé.
Tout le monde est si sensible à la teneur en graisses saturées. C'est juste notre réalité de base.
Donc l'industrie agro-alimentaire ne pouvait pas utiliser les graisses saturées, même les huiles tropicales, et ne pouvait plus non plus utiliser les graisses trans, donc qu'allaient faire les fabricants d'aliments emballés ? Vous préféreriez ne pas le savoir, mais pour le bien de votre santé, vous feriez mieux de le lire pour le savoir.

Nina termine son livre par une réhabilitation des graisses saturées. Elle explique en détails pourquoi les graisses saturées ne sont pas tout simplement pas mauvaises, mais qu'en plus elles sont réellement bonnes. Et elles le sont. Faites-moi confiance. Après voir lu ce dernier chapitre, vous saurez pourquoi.

Si vous suivez un régime pauvre en glucides, mais que vous avez eu ce genre de doutes sur les graisses saturées, ce dernier chapitre est pour vous. Vous vous êtes peut-être demandé : et si tous les experts avaient raison ? Bon sang, je me le suis demandé moi-même. Je mange des tonnes de graisses saturées, donc je je parie littéralement avec ma vie que les graisses saturées ne sont pas dangereuses. Lire The Big Fat Surprise va vous soulager de vos angoisses. Il convertira les sceptiques les plus féroces, à moins qu'ils ne soient tellement embourbés dans leur idéologie qu'ils ne peuvent rien accepter. Mais tout comme nous, mangeurs de graisse, avons souffert de notre angoisse, ils vont maintenant souffrir de la leur.

Comme je l'écrivais au début, il n'y a pas assez de superlatifs pour décrire ce livre. Il va changer votre vie.

Je prédis que d'ici quelques années, l'une ou l'autre de ces choses arriveront après cet important ouvrage.

Soit Nina sera brûlée sur le bûcher. Soit nous allons tous cuire nos aliments avec du lard, du beurre, du suif de bœuf et de la graisse de canard, comme à l'époque où Ancel Keys n'était pas arrivé sur la scène. Nous mangerons comme à l'époque où les maladies cardiaques étaient des anomalies.

Achetez ce livre maintenant. Vous ne serez pas déçu. Donnez-le à chaque lipophobe que vous connaissez et qui est capable de lire. Il va changer bien des esprits.

Merci de m'avoir suivi dans ce très long compte-rendu. Si vous avez lu le livre, ou que vous allez le faire, n'hésitez pas à écrire votre propre avis dans la section des commentaires. J'ai hâte de les lire.