Commentaire : C'est qu'il convient maintenant de s'exciter pour accélérer le processus concernant la ratification du traité, avant la fin 2016. Obama, d'un côté, qui sait le ttip en danger s'il n'est pas signé avant la fin de son mandat, avec de potentiels successeurs comme Clinton ou Trump, qui ne sont pas favorables à ces accords commerciaux. De l'autre côté, une Merkel tout aussi empressée, qui sait nous talocher des arguments-béton, de ceux dont les politiciens ont le secret et qu'ils savent nous assener avec tout l'aplomb pathologique qu'il convient :
« Je vais m'engager pour que, pendant le temps qu'il reste à Obama, nous arrivions à dégager les grandes lignes d'un accord, parce que, comme on dit, ce qui est fait est fait ».
Quelques-unes des conséquences engendrées par le pacte TAFTA :

tafta
© Inconnu
Des documents portant sur le TAFTA ( Traité de libre-échange transatlantique) ont fuité. Ceux-ci mentionnent la place qu'auraient les firmes américaines dans les décisions prises dans le futur par les instances européennes. C'est ce qu'a révélé l'organisation Corporate Europe Observatory (CEO), qui dénonce régulièrement l'influence des lobbies dans les échanges commerciaux.

Le traité de libre-échange transatlantique (ou TAFTA) est actuellement en cours de négociation entre l'Union Européenne et les États-Unis. Son but est de faciliter les échanges commerciaux des deux côtés de l'Atlantique. L'abaissement des tarifs douaniers permettrait aux entreprises américaines d'exporter plus facilement sur le continent européen, et vice-versa. Un marché représentant près de la moitié du PIB mondial est concerné.

Mme Pola Cebulak, chargée de cours au sein de l'Université de Genève nous explique quel est le processus légal et politique par lequel passera l'accord, et l'influence des acteurs privés aux États-Unis :

« Ce n'est pas si différent des procédures législatives normales aux États-Unis, dans lesquelles il est habituel d'avoir un rôle important des acteurs privés dans le processus de gouvernance ; beaucoup plus que dans l'Union Européenne. C'est ce qui est controversé de notre côté de l'Atlantique ; dans ces négociations, il y a plus de controverses de notre côté que de celui américain : cette influence plus ouverte des entreprises et des acteurs privés est plus courante aux États-Unis. »

N'y a-t-il pas collusion entre droit européen et droit des affaires américain ?

« Juridiquement c'est possible de construire l'accord de façon non-contraire au droit européen, car ces consultations se font avant que toute loi puisse être passée. Dans les leaks, les autorités européennes devront consulter celles américaines avant de passer un nouveau règlement. (...) Il y a un contexte institutionnel qui force à une coopération et à l'échange d'informations; cela influencera la prise de décisions, même si on pourrait dire que le poids économique de nos échanges commerciaux avec les États-Unis le fait déjà : les autorités européennes prennent déjà en compte leurs standards avec ceux américains dans le cadre des accords d'import-export. Maintenant ce sera juste plus institutionnalisé. »

Cet accord n'est pas sans ses détracteurs :

En effet, une grande partie de la population européenne s'inquiète de l'introduction sur les marchés européens de produits chimiques (pesticides et herbicides, comme le glyphosate) potentiellement dangereux pour la santé. Des sociétés comme Monsanto sont actuellement dénoncées comme exportant déjà ce type de produits. Enfin, le fait est que beau nombre des négociations sont faites sans la moindre information apportée en publique, dans un secret quasi absolu, ce qui rejoint les critiques reprochant au traité un manque de respect pour la démocratie et une opacité suspecte.

En cas d'acceptation par le parlement Européen, et les États membres, quelles seraient les conséquences dans la vie de tous les jours? M. Paul Zurkinden, secrétaire national du Mouvement Républicain et Citoyen, nous répond :
« On ne connait pas le vrai contenu du traité transatlantique, puisque c'est négocié dans le plus grand secret, même les parlementaires ont un accès très restreint aux documents de négociations ; le traité porte sur l'ensemble des normes, sociales, économiques, du travail, ou écologiques, qui seraient revus à la baisse afin de faciliter le commerce au niveau européen et américain. C'est donc un réel recul social au profit des revenus des acteurs multinationaux. »
De plus, cet accord aurait pour conséquence l'alignement des produits européens avec ceux américains, ce qui ajouterait une concurrence difficile à contrer pour les produits locaux dont les coûts de production sont trop élevés. Seules les sociétés ayant le plus large accès y gagneraient, donc les multinationales. Les sociétés européennes pourront certes en théorie exporter sans tarifs douaniers, mais les modalités légales imposées à l'Europe seront tellement complexes, qu'il sera impossible pour une entreprise ou un état européen de faire valoir leurs droits, si ceux-ci vont à l'encontre des intérêts de multinationales américaines.

C'est ce que nous confirme M. Zurkinden :
« Le poids des sociétés américaines est très important et pose de gros risques pour la démocratie en Europe ; le document fuité montre comment la coopération facilitera l'influence des États-Unis et des groupes d'intérêts économiques, cela même avant qu'une proposition de loi puisse être formulée au niveau européen. Il s'agit de tuer le problème démocratique dans l'œuf, puisque la Commission aura compétence de décider des domaines dans lesquels la coopération sera plus forte, laissant le Parlement Européen et les états de côté. Des groupes d'intérêts pourront émettre des propositions à l'agenda de la Commission, et d'influencer les normes qui existent au niveau européen. (...) c'est un nouvel exemple du monstre technocratique qu'est devenue l'union Européenne, avec plus de poids aux multinationales et aux États-Unis.
On a donc un paradoxe : la Commission a pour mandat de représenter l'intérêt général européen, mais répond en fait à des intérêts particuliers. Ceci affaiblit les institutions démocratiques. Des autorités étrangères participeraient à l'élaboration de nos lois. C'est le même mécanisme que celui des tribunaux d'arbitrage : ces tribunaux et le TAFTA empêchent des lois d'entrer en vigueur si elles y contreviennent, avant même qu'elles soient discutées. »

Le processus de décision au sein de l'Union Européenne serait altéré et devrait passer par l'aval des sociétés les plus impliquées, ce qui impliquerait la mainmise du secteur économique sur celui politique. Selon le document fuité par l'organisation CEO, seules les sociétés américaines de grandes tailles auront un avantage comparatif et pèseront dans la balance d'intérêts, face aux droits des consommateurs, face à la santé publique et à l'environnement. Toujours est-il que le Parlement européen et les gouvernements des États européens devront donner leur approbation pour la mise en œuvre du traité.

Paul Zurkinden :
« L'Union Européenne est à la croisée des chemins ; il nous faut nous libérer de tous ces intérêts particuliers qui contreviennent à toute coopération, puisqu'on met en concurrence des états avec des entreprises qui feront des lois. Il y a actuellement 20 000 lobbyistes présents à Bruxelles qui ont dépensé 250 Millions d'Euros en 2015. L'Europe doit choisir ce qu'elle veut: soit subir la mondialisation en institutionnalisant une relation de subordination avec les États-Unis, soit choisir la voie d'une Europe puissante et indépendante qui défendrait ses intérêts dans le respect des nations. »
Les USA sont donc sur le point d'acheter l'Europe. Le rêve de Jean Monnet et Robert Schuman cède le pas au cauchemar d'Aldous Huxley.