L'état d'urgence est prolongé et risque de l'être encore ... jusqu'aux élections de 2017 à moins que la nouvelle loi antiterroriste révisant la procédure pénale, qui devrait être votée en mars, satisfasse le pouvoir et ses flics. Néanmoins, l'état d'urgence ne sera plus exceptionnel mais une donnée inscrite dans notre constitution (1).
Un bilan transitoire de l'état d'urgence absolument « stupéfiant » Du 14 novembre au 22 janvier, il y a eu 3189 perquisitions administratives dont environ la moitié a eu lieu de nuit ; autre chiffre significatif traduisant l'activité des flics : 406 assignations à résidence. Ensuite, le pouvoir s'est gargarisé de chiffres qui pouvaient laisser à penser à l'efficacité de cet état d'urgence au regard de la lutte antiterroriste : 200 poursuites judiciaires engagées, 382 interpellations dont 332 gardes à vue, 541 armes saisies dont 41 de guerre, etc.
En fait, ces chiffres recouvrent dans leur immense majorité des délits liés au trafic voire la consommation personnelle de drogues (bien souvent du cannabis), à des vols ou recels, à des infractions à la législation des armes, etc.. Nos sécuritaires justifient ces chiffres et défendent ce bilan en avançant la porosité entre radicalisme, terrorisme et économie souterraine.
Or, il suffit de prendre connaissance du nombre d'infractions liées au terrorisme pour constater que cette argumentation ne tient pas une seconde : 25 infractions, seulement, liées au terrorisme ont été relevées dont 21 délits d'apologie du terrorisme (punis par la loi récente de 2014), apologie faite le plus souvent sur les réseaux sociaux. Il reste donc seulement 4 procédures pour terrorisme transmis au parquet antiterroriste de Paris, qui, s'il est surchargé de travail, ne l'est pas grâce à cet état d'urgence. On peut même avancer qu'il n'y avait pas besoin d'état d'urgence pour obtenir ces 4 procédures, l'application des dernières lois sécuritaires devait largement suffire.
A ce jour, une seule personne est inculpée pour terrorisme.Maintenant il est intéressant de constater que ces perquisitions ont été essentiellement menées dans les premières semaines avec une moyenne de 120 par 24 heures, alors que nous en sommes actuellement à moins de 20. D'autre part, la moitié des perquisitions a été menée sur la base d'informations fournies par les services de renseignement. Celles-ci furent effectuées de nuit avec l'appui des forces d'intervention qui n'ont pas hésité à casser, entre autres, les portes d'entrée ! L'autre moitié des perquisitions a été menée à l'instigation des flics, gendarmes sur des objectifs non prioritaires n'ayant rien à voir avec le djihadisme.
A ce propos, nous apprenons du 2ème rapport de la commission parlementaire de contrôle sur l'application de l'état d'urgence qu'une partie des perquisitions aurait été décidée après exploitation du FSPRT (Fichier de traitement des signalés pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste), un fichier secret, nouveau, créé en mars 2015 et recensant les personnes signalées pour radicalisation. Il ne s'agit donc plus du fameux fichier « S » (voir CA 256) qui a disparu des radars.
Concernant maintenant les contestations en justice des assignations à résidence, les juges administratifs ont prononcé 6 suspensions, une suspension partielle et une annulation. A noter que
17 assignations à résidence contestées en justice administrative ont été abrogées par le ministre de l'Intérieur à la dernière minute avant la décision du tribunal ; l'État ayant eu peur de se faire désavouer. 15 affaires ont été portées devant le Conseil d'État et pour la première fois depuis la proclamation de l'état d'urgence, le Conseil d'État a décidé, le 22 janvier, de suspendre une assignation à résidence et a condamné l'État à verser 1500 euros à la personne concernée dans une affaire rocambolesque digne des pieds nickelés. Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, s'en est félicité en déclarant que c'était la preuve que nous étions toujours dans un État de droit (administratif ?)...
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