1) Introduction :

En ce mois de Septembre 2012, les observations satellitaires ont fait état d'un nouveau record minimal de l'extension de la glace de mer en Arctique, le précédent ayant été atteint en 2006..
Les médias, peu soucieux d'investigation, en ont fait leurs gros titres et la plupart en ont tiré des conclusions quelque peu hâtives. Certains, parmi les plus connus de la presse écrite, ont assuré leurs lecteurs qu'il s'agissait-là d'une "preuve" définitive du caractère anthropique du réchauffement climatique, outrepassant très largement ce que les observations objectives permettent de conclure. D'autres - parfois les mêmes - n'ont pas hésité à affirmer à leurs lecteurs/auditeurs qu'il s'agissait là d'un minimum "historique" alors que, faute de moyens d'observations, on ne sait que très peu de choses sur l'extension des mers glacées polaires, avant les années 80, c'est à dire avant 32 ans. Doit-on comprendre que, pour ces auteurs, "l'Histoire" n'a commencé qu'en 1979 ?
D'autant plius que l'on sait que l'océan arctique était libre de glace, il y a quelques 5 à 10000 ans, lors du maximum de l'holocène et que de nombreux récits des navigateurs et de scientifiques du siècle dernier et du précédent (voir, par exemple, cette communication officielle citée par Lindzen) nous affirment à certaines époques que l'Arctique fondait de manière alarmante... pour se reconstituer dans les décennies suivantes.

De fait, le caractère exceptionnel de ce qui s'est passé en Arctique cette année, durant la période de fonte où la glace arctique est la plus fragile, n'a pas échappé aux observateurs attentifs qui suivent, jour après jour, les évolutions des couvertures glacées et les conditions météorologiques qui règnent au pôle Nord. Cependant, il a fallu attendre que la NASA, elle-même, publie dans la deuxième quinzaine de Septembre, plusieurs communiqués, images et vidéo à l'appui, montrant ce qui s'était réellement passé et qui permet d'expliquer la disparition brutale d'une fraction considérable de la glace arctique en Août 2012, conduisant ainsi au record de cette année.

Comme à l'accoutumé, la presse et les médias francophones n'ont, par la suite, donné aucun écho à ces explications, pourtant aussi claires que spectaculaires, de la NASA et ceci malgré un communiqué de presse de l'Agence Reuters intitulé "La NASA déclare que le cyclone sur l'Arctique a joué un "rôle déterminant" dans la fonte record".
Tout comme, ces mêmes médias n'ont guère informé leur public que, pendant cette même période, l'extension de la glace de banquise Antarctique s'acheminait, elle, vers son record d'extension (maximale) depuis que nous avons accès à une vision d'ensemble de l'état des mers glacées du globe, c'est à dire depuis une trentaine d'année.

Voici donc, abondamment illustrée par des documents officiels et une animation réalisée à partir des données officielles par l'auteur de ce site, l'histoire du minimum 2012 de l'extension de la glace de la mer Arctique, et, comme la terre a deux pôles, nous n'oublierons pas de mentionner le record maximal de l'extension de la glace de mer antarctique qui vient également d'être battu ces jours-ci.

En guise de rappel et d'introduction, voici ci-contre, une image réalisée par le NSIDC (le National Snow and Ice Data Center US).

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Elle nous montre :
-Dans la partie supérieure, une vue cartographique de l'état de la surface glacée (en blanc) autour du pôle Nord, c'est à dire dans la mer arctique. Comme on le voit, durant chaque hiver boréal, avec un maximum d'extension qui culmine au mois de Mars, la glace envahit la quasi-totalité du bassin arctique. Durant le printemps et l'été boréal, la glace de mer arctique fond progressivement, jusqu'à atteindre son extension minimale vers le 15-20 Septembre.

-Dans la partie inférieure de l'image, une vue cartographique de l'état de la surface glacée (en blanc) autour du pôle Sud, c'est à dire de la mer antarctique. Comme on le voit, durant chaque été austral, un minimum d'extension se produit au mois de Mars pendant lequel la banquise glacée ne recouvre qu'une faible fraction de le mer entourant le continent. Durant l'automne et l'hiver austral, la surface couverte par la banquise antarctique progresse jusqu'à atteindre son extension maximale vers la fin du mois de Septembre.
2) La glace de la mer arctique - L'ouragan du 4 au 10 août 2012 - Les observations

Le 18 Septembre, la NASA a fait paraître, sur son propre site, une vidéo très parlante accompagnée de ce titre et de ce bref commentaire :
Un cyclone sur l'Arctique démembre la glace de mer

Une puissante tempête a ravagé la couverture glacée de la mer arctique en Août 2012. Cette vidéo montre la force et la direction des vents et leur impacts sur la glace. Les vecteurs rouges représentent les vents les plus forts et les vecteurs bleus les vents plus faibles.
Le 19 Septembre, Le Goddard Institue de la NASA affichait cette même vidéo sur son "NASA explorer" Youtube (ci-dessous) mais en l'accompagnant, cette fois-ci, d'un texte un peu plus détaillé.
NASA Explorer (vidéo du cyclone qui a fragmenté la glace de mer arctique, au début du mois d'août):

Traduction du commentaire de la NASA :
"Observez comment les vents du puissant cyclone Arctique ont brisé la couverture glacée en voie d'amincissement de l'Océan Arctique au début du mois d'août 2012. La tempête a probablement contribué à la diminution de la calotte glaciaire jusqu'à son extension la plus faible des trois dernières décennies.
La calotte glacée de l'Océan Arctique a probablement atteint son extension estivale minimale en battant un nouveau record du minimum le 16 Sept, ainsi que l'a rapporté le NSIDC (National Snow and Ice Data Center) de l'Université du Colorado à Boulder. L'analyse des données satellites par le NASA et le NSIDC (supporté par la NASA) a montré que l'extension de la mer de glace a rétréci jusqu'à 1,32 millions de miles carrés (3,41 millions de kilomètres carrés), soit 293.000 miles carrés de moins que l'extension minimale record des données satellitaires, établi à la mi-Septembre 2007[...]

Cette année, le cyclone s'est formé au large des côtes de l'Alaska et s'est déplacé le 5 Août vers le centre de l'océan arctique où il a malaxé la couverture amincie de glace pendant plusieurs jours.
La tempête a arraché un grand morceau de la mer de glace au Nord de la mer de Chukchi et l'a repoussé vers le Sud dans les eaux plus chaudes qui l'ont complètement fondu. La tempête a aussi fragmenté de vastes étendues de glace en petits morceaux qui présentent une tendance à fondre plus facilement."
De fait, les effets d'un cyclone très puissant et de longue durée comme celui qui a ravagé une grande partie de la calotte polaire sont multiples. D'une part et comme l'écrit la NASA, un gros morceau de banquise de la mer de Chukchi a été désolidarisé de la banquise et poussé par les vents tourbillonnants vers les eaux plus chaudes que l'on trouve au Sud où il a fondu rapidement. D'autre part, comme cela est expliqué par les spécialistes des régions polaires, la très basse pression (965 mb) qui régnait au centre du cyclone arctique a provoqué (exactement comme lors de la tempête Xynthia en Vendée) une hausse importante et localisée de la mer ainsi que des vents et des courants marins très puissants. Cet "upwelling" a provoqué la remontée des eaux plus chaudes qui règnent en dessous de la surface, contribuant encore à l'accélération de la fonte de la glace fragmentée. Enfin, et comme le précise la NASA, la fonte est d'autant plus rapide que la fragmentation est plus importante. La fonte s'effectue par la surface exposée et non pas par le coeur. Ainsi, un morceau de glace compact résistera plus longtemps à la fonte qu'un même morceau fragmenté.

Cependant, afin de mieux visualiser la concomitance de l'ouragan du début du mois d'août avec la disparition d'une fraction importante de la glace de la mer arctique, j'ai réalisé une animation (compuserve gif) en juxtaposant les images obtenues à partir de deux sources :
1- L'image de l'extension de la glace de la mer arctique vue, jour après jour, par le National Ice Center (collaboration NOAA, Coast Guards et US Navy) sur laquelle sont représentées, en rouge, la partie recouverte par au moins 80% de glace et, en jaune, la partie recouverte par de la glace de teneur inférieure à 80%. La zone bleue est dépourvue de glace. (Exemple d'image du Nat. Ice Center, ci-dessous à gauche)
2 - Dans un encart en haut à gauche des images du National Ice Center, j'ai inséré le diagramme des vents qui ont affecté la mer Arctique durant la même période, jour après jour, tel que rapporté par le Naval Research Lab US.

3 - De manière à observer la différence entre la fonte exceptionnelle qui s'est produite en 2012 et la fonte "normale" de la glace arctique durant cette même période, j'ai juxtaposé les images du National Ice Center pour l'année 2011, date pour date.
Voici l'animation. Il suffit de regarder. Cette animation fonctionne en boucle. Chaque image dure environ 3 secondes. La durée totale d'un cycle est d'environ une minute.

Il faut observer l'impact considérable que le cyclone arctique a eu sur l'état de la glace qu'il a littéralement dévastée du 4 au 9 Août avec une intensité maximale le 7 Août comme cela se voit très bien dans les images ci-dessous. Il faut aussi observer la rapidité de la fonte exceptionnelle de cette année en comparaison avec la fonte progressive de l'année 2011 (et des précédentes) en cette période de l'année. Les comportements sont radicalement différents.

Comme on le constate, un ouragan particulièrement intense s'est installée au dessus de la partie 120E-120W à partir du 4 Août. Les ouragans sont rares mais non exceptionnels dans cette région du monde (environ 8 fois, dit-on, durant toute l'ère satellitaire) mais celui de cette fin d'été a été remarquable aussi bien par par son intensité que par sa persistance (environ 6 jours). Comme le note la NASA, cet ouragan a pulvérisé une grande partie de la (relativement) mince couche de glace (épaisseur d'environ de 1m) qui recouvre, à cette époque de l'année, les mers de Chukchi, le mer de l'Est Sibérien, la mer de Laptev et la mer de Beaufort, comme on peut le voir sur l'animation suivante qui visualise la variation de l'épaisseur de la glace arctique (échelle à droite), jour après jour, telle que donnée par le Naval Research Lab US. Vous trouverez dans cette URL, l'index des fichiers du NRL disponibles et mis à jour.

J'ai tronqué cette très longue animation (qui fonctionne en boucle et couvre normalement l'année toute entière) pour la faire démarrer à partir du 1er Août 2012 comme dans les animations précédentes. Cette animation se prolonge jusqu'en cette fin Septembre où l'on voit très nettement le regel progresser.

La date est indiquée en haut à gauche. 20120801 se lit le 1er Août 2012. Les anglophones inversent l'ordre des mois et des jours par rapport aux francophones.

On aperçoit notamment la chute brutale et la disparition de l'épaisseur de la glace dans la zone de la mer de Chukchi (à proximité du détroit de Béring), consécutives à la survenue du cyclone du début du mois d'août. A noter que lorsque le cyclone est arrivé au dessus de l'Arctique, l'épaisseur de la glace de mer était de l'ordre de 1m (zone bleue) dans les régions qui ont été disloquées.

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On observe également que la mer arctique possède un noyau de plusieurs mètres d'épaisseur (zones rouges, orangse et jaunes), très résistant et très visible sur cette image du NRL.

On peut toujours spéculer, comme le font certains, en se demandant quel aurait été l'effet d'un cyclone de cette violence sur l'Arctique au cours du siècle dernier. A vrai dire, on ne le sait pas exactement, car on ne mesure l'épaisseur de la glace arctique, dans son ensemble, que depuis quelques années seulement. Il est cependant certain que l'épaisseur de la calotte glaciaire du pôle Nord s'est notablement réduite depuis les années 70-80.
Mais comment s'en étonner puisque la décennie 1970-1980 était notoirement froide, et faisait suite au refroidissement 1945-1970 qui faisait craindre la survenue d'un nouveau petit âge glaciaire à l'époque ?

Que nous disent les autres relevés satellitaires, à propos de cet événement ?

Le diagramme représentant l'évolution de l'étendue de la surface glacée de l'Arctique donné par le DMI (l'Institut Météorologique Danois) tel qu'on peut le retrouver dans la page de "indicateurs", est particulièrement parlant. Je me suis contenté de le surcharger avec les indications en couleur.
Le graphique ci-contre montre clairement la chute brutale de l'étendue de la surface glacée du début à la fin de l'activité cyclonique telle qu'on a pu la voir dans l'animation précédente. De même, et ainsi que c'est souvent le cas en physique lorsque l'on s'écarte brutalement des conditions d'équilibre et que l'on y retourne via une oscillation amortie, on perçoit aussi le "rebond" de la surface glacée que l'on peut aussi voir sur les images du National Ice Center reportées dans l'animation précédente.

Suite à ce "rebond" qui apporte une indication sur l'inertie du système, la surface glacée semble adopter un régime assez proche de celui des années précédentes, bien qu'avec une étendue notablement plus faible que ces dernières.

Spéculations et observations :

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On peut se demander quelle aurait pu être l'évolution de la mer glacée arctique si ce cyclone dévastateur n'avait pas séjourné au dessus de l'Arctique au début du mois d'Août. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit là que d'une spéculation. Nul de ne peut reconstituer le passé. Néanmoins compte-tenu de la soudaineté de cet événement cyclonique et de sa durée bien définie, on peut avancer une estimation de ce qu'aurait pu être la fonte "normale" ' c'est à dire une fonte qui aurait été semblable à celle des années précédentes en l'absence de ce cyclone destructeur.

Ainsi peut-on être tenté de raccorder les deux portions du graphe précédent, avant et après le cyclone bien délimité, en prolongeant la partie avant-cyclone par la partie après-cyclone, les deux parties étant reliées par des pointillés tracés dans le prolongement des deux portions, comme cela se serait sans doute passé lors d'une fonte "normale" analogue à celle des années précédentes et comme je l'ai fait sur le graphique ci-contre.

Autrement dit, si ce raisonnement est correct, on peut avancer que l'ouragan du 4-9 août a provoqué la disparition d'une quantité de glace au moins égale à celle qui sépare le minimum de 2007 de celui de 2012. Autrement dit encore, il est possible, sinon probable, que sans le cyclone du début du mois d'août , le record établi en 2007 aurait été approché mais sans doute pas battu.

Que peut-on dire du regel ?

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Dans le même ordre d'idée, et toujours en spéculant, on peut se dire que les dégâts provoqués par le cyclone qui ont conduit à une fonte accélérée ont plus ou moins durablement modifié l'état d'équilibre de la couverture glacée. Compte tenu du fait que les conditions environnementales (océans et température de l'air) ne sont pas notablement différentes de celles des années précédentes, il est probable que le retour au régime de fonte normale, suivi du regel, se fera plus rapidement que lors des années précédentes. C'est l'idée assez générale du "rebond" évoquée plus haut que l'on percevait sur le graphique DMI et sur les images du National Ice Center. D'autre part, il est, du point de vue thermodynamique moins coûteux de regeler une surface fragmentée plutôt qu'une glace fondue en mer libre, ce qui devrait logiquement conduire à un regel un peu plus rapide.

A ce propos, voici ce que nous montre l'Institut Météorologique Danois en ce 30 Septembre 2012 :
Comme on peut l'observer, le regel apparaît comme anticipé de quelques jours par rapport à celui qui a eu lieu lors des années précédentes. Il est possible que, sauf tempête inopinée, la courbe de l'extension de glace 2012 recoupe celle de 2007 dans quelques jours. Dès lors, les effets destructeurs du cyclone des 4-9 Août seront parfaitement localisés et apparents sur ces graphiques.
Mais, je le répète, ce ne sont que là que des hypothèses, des spéculations.

3) La banquise antarctique en 2012 :

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A l'opposé de celle de l'Arctique, la glace de mer qui entoure le continent Antarctique passe, en fin Septembre, par son extension maximale.

L'évolution temporelle de l'extension de la banquise antarctique, durant une partie de l'année 2012, est représentée en bleu sur le graphique suivant (National Snow and Ice Center US : NSIDC) daté au 29 Sept. 2012.

Le trait noir épais indique la moyenne de référence de l'étendue de la banquise entre les années 1979 à 2000.

Le tireté représente l'évolution de l'étendue de la banquise en 2011.

Les données chiffrées de La NOAA (en format Excel .csv) nous indiquent que le précédent record d'extension qui datait du mois de Septembre 2006 a été excédé pendant plusieurs jours (en particulier durant les 264ème à 270èmes jours de l'année avec un maximum absolu, qui est le nouveau record égal à 19,45418 millions de km2.
(Voir un graphique tiré de données de la NOAA, par exemple ici)

Il est également vrai que la température moyenne de la surface des mers (HadSST)de l'hémisphère Sud s'est légèrement refroidie (près d'un dixième de degré) au cours des 15 dernières années, ce qui explique peut-être cela.

Ainsi, en cette année 2012, exactement à l'opposé de celle de l'Arctique, l'étendue de la banquise Antarctique a battu son record absolu d'éxtension maximale... "De tous les temps" écriraient certains, mais, en réalité, plus modestement, depuis les 32 dernières années pour lesquelles nous disposons des mesures satellitaires fiables.

Mais que nous disent les modèles informatiques du GIEC au sujet de l'Antarctique ?

Concernant l'évolution de la banquise antarctique en cette fin Septembre 2012, on n'aurait, sans doute, aucun mal à trouver un "expert" qui affirmerait que ces observations sont "cohérentes avec les modèles et avec ce que nous attendons"... Ce serait contraire à la vérité selon un article tout récent publié sur ce sujet dans une revue scientifique avérée par des spécialistes de l'Antarctique.
En réalité, les modèles les plus récents et les plus sophistiqués, en particulier ceux du CMIP5 (Couple models Intercomparison Project 5) sur lesquels s'appuira le prochain rapport AR5 du GIEC, trouvent des évolutions contraires (c'est à dire des diminutions) à celles des observations.

C'est ainsi que des participants du British Antarctic Survey à Cambridge (UK) ont tout récemment publié un article qui compare les prédictions/prévisions/scénarios des modèles CMIP5 avec la réalité objective. Leurs conclusions, mentionnées dans le résumé, sont sans appel.
Journal of Climate 2012 ; doi: http://dx.doi.org/10.1175/JCLI-D-12-00068.1

An Initial Assessment of Antarctic Sea Ice Extent in the CMIP5 Models

"Une première estimation de l'étendue de la banquise antarctique dans les modèles CMIP5."

John Turner, Tom Bracegirdle, Tony Phillips, Gareth J. Marshall, and J. Scott Hosking
British Antarctic Survey, National Environment Research Council, Cambridge, UK

Le résumé de cet article paru dans le Journal of Climate (une publication bien connue de l'AMS, l'American Meteorological Society) est très explicite à ce sujet. Le voici :

Résumé : Nous examinons les tendances et le cycle annuel de l'extension de la glace antarctique (SIE) (NdT : Sea ice extent) pour 18 modèles couplés du CMIP5 qui ont fonctionné avec le forçage historique depuis les années 1850 à 2005. Un grand nombre de modèles ont un cycle d'extension de la glace de mer (SIE) qui diffère notablement de celui qui est observé depuis les 30 dernières années. La majorité des modèles présentent une extension de la glace de mer (SIE) au minimum de Février trop faible, tandis que plusieurs des modèles présentent des extensions qui sont moindres que les deux tiers de ce qui est observé lors du maximum de Septembre. En opposition avec les observations satellitaires qui montrent une petite augmentation de l'extension (SIE), l'extension moyenne de la glace de mer donnée par les modèles pour la période 1979-2005 montre une décroissance lors de chaque mois [...] Les modèles présentent de très grandes différences de l'extension de la glace Antarctique (SIE) durant la période 1860-2005. La plupart des réalisations des modèles de contrôle présentent des tendance statistiquement significatives de la SIE durant la durée totale de leur excursion et tous les modèles présentent une tendance à la décroissance depuis la dernière moitié du XIXème siècle. La tendance négative de l'extension de la glace de mer dans la plupart des modèles qui vont de 1979 à 2005 est le prolongement d'un déclin précédent ce qui suggère que les processus responsables de l'augmentation observée durant les trente dernières années ne sont pas simulés correctement.
Autrement dit, et contrairement à ce qui est affirmé ici où là, les modèles du GIEC prévoient une diminution de l'extension de la glace de mer antarctique alors que les observations objectives montrent exactement le contraire. Dans ces conditions, la conclusion des auteurs qui écrivent que les "processus responsables de l'augmentation observée durant les trente dernières années ne sont pas simulées correctement" est un pur euphémisme spécifique au langage scientifique.

En résumé et quelle qu'en soient les causes, les observations montrent que, depuis que l'on dispose de données fiables, c'est à dire depuis 1980, la superficie de la glace Arctique diminue (durant l'été boréal), tandis que la superficie de la glace de mer Antarctique augmente (durant l'hiver Austral), à peu près, à la même époque de l'année. Pour les lecteurs familiers de ce site, ceci évoque immanquablement un phénomène qui j'ai mentionné à plusieurs reprise dans cette même (longue) page : La "bascule polaire".

4) Quelques rappels complémentaires sur la "bascule polaire", le "polar seesaw" en anglais :

J'ai évoqué cette question dans le cours de plusieurs billets précédents auxquels le lecteur intéressé pourra se référer. En particulier :
08 Juillet 2010 : La bascule polaire
18 Juillet 2010 : la Péninsule Ouest de l'Antarctique.
09 Mai 2011 : La ola et les oscillations climatiques

A titre d'illustration de ce phénomène qui mobilise l'attention de plusieurs groupes de chercheurs (Tsonis, Chylek et al, etc.), voici un graphe qui figure dans le premier rapport complet du GIEC (le FAR, le first assessment report, 1990), à la page 224 :

Ce graphique en deux parties montre l'évolution de l'anomalie (c'est à dire par rapport à une valeur moyenne de référence dépendante du temps), de 1973 à 1990 (date du rapport FAR) des extensions de la glace de mer pour
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l'hémisphère Nord (c'est à dire essentiellement l'Arctique)
D'après les données détenues à l'époque par la NOOA US. Même si on imagine les difficultés qu'on devait éprouver, à cette époque, pour obtenir des données fiables pour l'ensemble des bassins, il est assez apparent que les anomalies des extensions des glaces de mer des deux pôles ont varié en opposition de phase, en accord avec les observations de la "bascule polaire". A cette époque, le GIEC n'en a tiré aucune conclusion ni invité à aucune direction de recherche dans ce sens.

Toujours à titre de rappel et d'illustration, on peut se remémorer le graphe ci-contre qui est tiré d'un article de Petr Chylek, Chris K. Folland, Glen Lesins, et Manvendra K. Dubey :

Bascule bi-polaire du vingtième siècle des températures de surface de l'Arctique et de l'Antarctique.
"Twentieth century bipolar seesaw of the Arctic and Antarctic surface air temperatures"
GEOPHYSICAL RESEARCH LETTERS, VOL. 37, L08703, doi:10.1029/2010GL042793, 2010 (publié le 22 Avril 2010).
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Légende de la figure :

"Figure 2. (a) Séries temporelles de température corrigées
de l'Arctique (en bleu )
de l'Antarctique (en rouge ).
Les données sont lissées avec une moyenne glissante sur une durée de 11 ans (lignes fines) et de 17 ans (lignes épaisses).
"(b) Les valeurs annuelles de indice de l'AMO [d'après Parker et al., 2007] (ligne fine) et la moyenne glissante sur 17 ans (ligne épaisse)."
Selon P. Chylek et al, la bascule polaire (c'est à dire le fait que les anomalies de fonte et de regel des pôles Nord et Sud soient en opposition de phase) serait liée à l'Oscillation Multidécennale Atlantique (AMO) comme on le voit sur le graphe suivant tiré d'un article plus ancien de P. Chylek et al, commenté dans ce billet. Ce graphe montre une superposition de la température en Arctique depuis 1910, avec l'indice AMO selon deux sources (NOAA et Parker).
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A l'évidence, la mer glacée Arctique est dans une période de fonte. Alors ou en sommes-nous actuellement pour ce qui est de l'évolution de l'AMO ?

Voici la situation de l'AMO selon l'ESRL de la NOAA (Graphique du Prof. Humlum à Climat4you):
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Indice annuel de l'Oscillation Multidécennale Atlantique (AMO) depuis 1856. La ligne fine indique une moyenne sur 3 mois et la ligne épaisse est lissée sur 11 mois. Dernière année indiquée 2011. Diagramme mis à jour le 3 Février 2012.
Comme on le voit, nous sommes actuellement sur un maximum de l'indice AMO ce qui, si le lien entre la bascule polaire est l'AMO se vérifie, devrait entraîner, dans un futur proche, un regel progressif de l'Arctique et une fonte, non moins progressive de l'Antarctique.
A noter que des corrélations entre l'AMO et des fontes et des regels ( notamment des glaciers alpins, groenlandais) ont déjà été signalées et étudiées.

Bien entendu, tout cela reste à suivre avec attention dans les années qui viennent.

5) Addendum : Problèmes de mesure de l'extension des mers glacées.

Il faut savoir que les observations satellites classiques fonctionnent avec des récepteurs Infrarouges passifs (SSMIS) qui détectent les différences d'intensité des flux IR émis par la mer libre et par la mer glacée. Ces derniers ont parfois du mal à percevoir les nuances lorsque les glaces sont assez fortement fragmentées comme cela a été le cas après le passage du cyclone, conduisant à une sous-estimation de la surface glacée. A l'opposé, Le National Ice Center utilise plusieurs autres méthodes complémentaires qui lui permette une meilleure précision. Ceci est indispensable quand on sait que le Nat. Ice Center fournit des produits destinés à sécuriser le navigation dans ces zones hostiles.
C'est aussi pour corriger ces défauts de perception des détecteurs passifs qu'ont été récemment mis aux points des analyses multi-détecteurs telles que le MASIE (Multisensor Analysed Sea Ice Extent).

A titre d'illustration, voici (à droite) comment les dispositifs satellites passifs comme ceux qui sont utilisés par la plupart des institutions qui figurent dans la page "indicateurs", ont perçu la situation de la glace le 9 août 2012, à comparer avec l'analyse de la situation (à gauche) donnée par le Nat. Ice Center, pour la même date. Les différences sont notables pour ne pas dire cruciales, notamment pour les navigateurs.
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Les détecteurs classique SSMIS indiquent des zones libres de glace dans des régions qui apparaissent sérieusement encombrées lors d'une analyse plus complète.

Dans l'image de droite, les couleurs magenta et pourpre indiquent une concentration de glace proche de 100%. Le jaune, le vert et le bleu pale indiquent des concentrations allant de 60 à 20%.

6) Résumé et conclusion :

-Il n'est pas douteux, au moins depuis que nous disposons de mesures fiables et complètes des extensions des mers de glace des deux pôles, c'est à dire depuis une trentaine d'année, que la surface de la banquise arctique diminue d'année en année et que la banquise antarctique augmente en proportion. Il est hasardeux d'en tirer des conclusions pour l'avenir sachant que de nombreux récits de navigateurs et de scientifiques (notamment Russes), quoique parcellaires, attestent de fontes similaires, suivies de regels, durant le siècle précédent et la fin du XIXème siècle. Il s'agit peut-être d'un phénomène cyclique avec une période qui excède sensiblement la faible durée de nos observations (Par exemple, résultant du cycle de 60 ans de l'AMO).

-La fonte de l'Arctique, en cette année 2012, résulte de la conjonction exceptionnelle d'une glace fragilisée avec un événement météorologique (un cyclone intense et durable) rare. En toute honnêteté, cette fonte exceptionnelle ne peut et ne doit pas servir d'argument pour ceux qui cultivent systématiquement l'alarmisme, comme cela s'est vu fréquemment dans les médias.

-On observe, une fois de plus, une anticorrélation entre les anomalies du pôle Sud et du pôle Nord. Les deux records d'extension (minimal et maximal) semblent avoir été battus en même temps. Cette conjonction résulte peut-être d'une coïncidence même si elle recoupe un grand nombre d'observations sur de plus longues durées sur lesquelles des chercheurs travaillent activement.

Là encore, "Wait and see". Nous le saurons bientôt.