Commentaire : En cette période de fin d'année où les raisons pour déprimer sont légions, il pourrait s'avérer salvateur de retrouver un peu le sourire et une certaine distance critique quant aux affres de notre société moderne, deux domaines dans lesquels le regretté Coluche s'était particulièrement illustré de son temps. Alors justement, imaginez si l'artiste revenait en 2024, après les crises politiques économiques et sociales que nous traversons depuis les 30 dernières années ? C'est le pari que prend la BD intitulée Coluche est de retour, celui de faire revenir l'humoriste à notre époque pour que le lecteur puisse se délecter de son esprit taquin et retrouver l'espace d'un instant « celui qui ouvre sa gueule et dit la Vérité » !


Coluche BD
© Le Cherche Midi - France Soir« Coluche est de retour » de Jérôme Vatrigan et Terreur Graphique.
Jacques Bainville, le grand historien de l'Action française avait, paraît-il, coutume de dire, en évoquant notre histoire nationale : « Tout a toujours très mal marché. » Si l'on suit et prolonge l'idée de l'auteur d'une de nos plus belles Histoires de France, nous serions donc passés d'un bordel sacré (avant 1789) à un sacré bordel. Sauf que jamais sans doute, le bordel n'a été aussi total.

Dieu lui-même n'y retrouve pas ses petits. D'ailleurs, son fils aîné, Jésus, se crucifie devant des écrans plats, la manette d'une console de jeu dans les mains.

Ainsi débute l'album Coluche est de retour (Le Cherche Midi, Jérôme Vatrigan, très en forme, au scénario, Terreur Graphique tenant crayons et pinceaux... ou palette graphique).

Car la voilà l'idée de génie qui germe du royaume des cieux. Faire redescendre le grand Michel Colucci sur le plancher des vaches (ou des veaux, pour nos lecteurs gaullistes). Qui en effet symbolise mieux l'humour hexagonal et un certain esprit français que l'homme au tee-shirt jaune et à la salopette rayée ? Qui, comme lui, est capable de réunir aussi bien les derniers gauchistes que les anars de droite, le chef d'entreprise et l'OS, le débatteur ou médecin de plateau et l'antivax, bref, de faire consensus dans un pays très peu porté sur la chose (relire, au besoin, La Guerre des Gaules de César, un peu plus austère que la BD dont il est ici question).

Ainsi donc, l'Enfoiré du Canal historique repointe son nez rouge du côté d'Opio, dans une France post Gilets jaunes et post Covid. Le Coq gaulois déchante sérieux, et toujours les deux pieds dans la m... Notre clown, éberlué et suffoquant, traverse une manif' de déclassés rêvant de dire tchao aux pantins, retombe sur des patrons de bar plus beaufs encore qu'à la grande époque de Cabu et d'Hara Kiri, et découvre les ravages, mais aussi certains avantages, d'une technologie et de réseaux de plus en plus envahissants. Un moyen comme un autre pour tous leur "re-foutre au cul". Cette fois, sans être candidat à des érections plus que jamais pestilentielles, Coluche n'appellera plus seulement les chômeurs, les crasseux, les alcooliques, les pédés, les noirs ou les arabes, mais les écolos, les racisés, les végans ou les influenceurs.

S'agit, mon bon monsieur, de vivre avec son temps... aussi désespérant et abrutissant soit-il.

Coluche est de retour : pour les amateurs de gaudriole à l'esprit taquin, un parfait petit cadeau de dernière minute à glisser dans la hotte du vieux barbu finlandais ou sous le sapin, avant la dinde, la traditionnelle engueulade familiale sur la vie politique et les marrons. Glacés ou au beurre noir.

Le tome 2 bientôt, chez tous les bons marchands de (L)BD ? Gardons l'œil ouvert !

Coluche est de retour, Le Cherche-Midi éditeur, 2023. 60 pages, 16,90 euros.

[Article publié le 21 décembre 2023]