Obama & Romney face to face
© InconnuLe dernier face à face entre Obama et Romney

Nucléaire iranien, bourbier afghan, guerre civile syrienne, crise libyenne,... Le programme du dernier débat, consacré à la politique étrangère, s'annonce très chargé. Sur ce terrain, Obama "commandant en chef" part clairement favori face à Romney, novice dans ce domaine. Mais les rivaux ont tous deux des pièges à éviter...

A quinze jours d'un scrutin qui s'annonce très serré, Obama et Romney s'affrontent une dernière fois dans un débat consacré exclusivement à la politique extérieure. Traditionnellement, c'est un sujet moins important pour les électeurs américains que les questions économiques mais un dérapage sur ce terrain instable pourrait faire la différence dans les urnes cette année. Ce troisième et dernier débat est organisé à Boca Raton, en Floride, un état particulièrement courtisé dans l'élection. Il sera articulé autour de cinq thématiques : le rôle des États-Unis dans le monde, la guerre qui s'éternise en Afghanistan, la menace nucléaire iranienne, la montée en puissance de la Chine ainsi qu'un large volet consacré au Moyen-Orient et au "nouveau visage" du terrorisme international.
People burning US Flag
© InconnuLa politique étrangère des États-Unis: un domaine toujours sensible

Obama largement favori

Dans le domaine des affaires étrangères, le président en exercice possède un avantage certain sur son rival républicain. Après un mandat à la tête du pays, Obama jouera assurément la carte du "commandant en chef" face à un Mitt Romney relativement inexpérimenté en la matière. Fin de la guerre en Irak, soutien à la coalition en Libye, traque d'Al-Qaïda et bien évidement l'exécution de Ben Laden,... Le premier mandat d'Obama en la matière est assez impressionnant. A l'inverse, Romney n'a aucun "fait d'arme" à mettre en avant et il se trouve aujourd'hui en position de faiblesse sur ce terrain, comme Obama en 2008 face à McCain, le "héros du Vietnam". S'il part favori, le candidat démocrate n'est pas non plus totalement à l'abri et il devra s'efforcer d'esquiver plusieurs pièges...

Obama as Chief Commander
© InconnuObama dans le rôle du commandant en chef (US Coast Guard photo-Petty Officer 1st Class David B. Mosley)
Benghazi : un aveu d'échec

L'attaque du consulat de Benghazi le 11 septembre dernier, durant laquelle sont décédés quatre Américains dont l'ambassadeur Christopher Stevens, reviendra assurément sur le tapis. Pour le camp républicain, c'est la dernière preuve que la "méthode Obama de la main-tendue" n'a pas fonctionné. Comme l'a précisé Paul Ryan, le candidat à la vice-présidence, lors d'une interview dans le Wisconsin: "Nous voyons sous nos yeux se désagréger la politique étrangère de l'administration Obama".

Sur le dossier Benghazi, la Maison Blanche peut être mise en faute. Elle n'a pas suffisamment pris les menaces envers le consulat américain au sérieux et n'a pas assuré la sécurité de son personnel. De plus, elle n'a pas toujours été très claire sur les raisons de l'attaque. Dans un premier temps, l'attentat soigneusement orchestré avait été présenté à tort comme une réaction de manifestants, suite à la diffusion du film islamophobe "l'innocence des musulmans".

En outre, Barack Obama s'est rendu à une soirée de collecte de fonds pour sa campagne, dès le lendemain de la tragédie. Pas terrible comme image présidentielle. Lors du second débat, Romney n'avait pas manqué de critiquer la façon dont la Maison Blanche avait réagi face à la menace mais Obama avait plutôt bien défendu sa position, en déclarant assumer ses responsabilités de commandant en chef. Ce qui devait être l'arme secrète de Romney s'était finalement retournée contre lui. Mais il y a fort à parier que le candidat républicain revienne à la charge ce soir...

Catch from video Obama
© InconnuSecond débat présidentiel: Obama et Romney s'étripent sur Benghazi (vidéo 5'16)

Le dossier iranien

Un autre sujet potentiellement explosif pour la Maison Blanche est la nucléarisation de l'Iran. Israël, l'allié éternel des États-Unis, accentue la pression sur le sujet et l'éventualité de frappes ciblées sur les installations nucléaires iraniennes devient de plus en plus crédible. Le sujet est d'autant plus brûlant suite à l'article polémique publié ce week-end par le New York Times. Dans ses colonnes, le quotidien américain a affirmé que la Maison Blanche avait trouvé un accord avec le gouvernement iranien et qu'ils allaient entamer des négociations bilatérales sur le programme nucléaire de Téhéran après l'élection...

Des allégations immédiatement démenties par le gouvernement américain ainsi que par le chef de la diplomatie iranienne mais qui vont encore jeter de l'huile sur le feu alors que l'administration démocrate aimerait laisser ce dossier au frigo. Dans le même ordre d'idée, l'instabilité en Syrie en Libye, au Liban ou ailleurs ne fait pas du tout les affaires d'Obama. Si des états au Proche ou au Moyen-Orient s'embrassent dans les jours à venir, cela pourrait influencer le cours de l'élection. C'est ce que les experts en politique américaine surnomment les "surprises d'octobre"...

Obama nuclear & Iran
© InconnuLa nucléarisation de l'Iran : un dossier problématique pour l'administration démocrate
Romney l'apprenti faucon

En ce qui concerne la politique extérieure, Romney promet de "restaurer la grandeur des États-Unis", malheureusement sans détailler la façon dont il compte s'y prendre. Afin de séduire sa base conservatrice, le candidat républicain a promis d'encore augmenter le budget (déjà colossal) alloué à la défense nationale et de défendre une ligne dure face "aux ennemis de l'Amérique" (la liste n'est pas exhaustive).

Dans ses discours de campagne, Romney n'hésite jamais à s'en prendre à la Chine, principale rivale économique des États-Unis. Durant le second débat, il a notamment promis que "Dès son premier jour à la Maison Blanche, il s'attaquerait à l'empire du milieu qui manipule les devises en sa faveur". La dévaluation du Yuan par rapport au dollar favorise les exportations chinoises sur le sol américain.

En ce qui concerne la Russie, Romney défend également la stratégie du "Big stick" et semble encore coincé à l'époque de la guerre froide où l'URSS était l'ennemi N°1 des États-Unis. Il a notamment déclaré "Le pays qui nous contrecarre sans cesse à l'ONU c'est la Russie. Elle reste notre adversaire géopolitique et je pense qu'il est clair qu'elle continue à mener une politique contraire aux intérêts de notre pays... ".

Romney talking
© InconnuRomney passe en mode "faucon" pour l'élection
(voir l'article sur ce sujet > Obama 007: Opération micro brûlant)

Diplomate amateur

Afin de combler son manque d'expérience dans le domaine des affaires étrangères, le candidat républicain a entamé en juin dernier une "tournée internationale", avec des escales au Royaume-Uni, en Israël ainsi qu'en Pologne. Malheureusement pour lui, ce voyage qui devait assoir sa crédibilité internationale n'a été qu'une succession de gaffes diplomatiques. De passage à Londres pour les JO, il critique la façon dont ses hôtes ont organisé l'évènement. (voir l'article à ce sujet > Les jeux olympolitiques de Romney)

En Israël, Romney a notamment déclaré que "Les Palestiniens veulent détruire l'état hébreu et n'ont pas envie de négocier la paix" avant d'expliquer que s'ils s'en sortent moins bien économiquement, c'est à cause de différences culturelles... Lors de sa dernière étape en Pologne, il s'est simplement contenté de critiquer la Russie, qu'il a encore qualifié d'ennemi géopolitique N°1 des États-Unis. Voilà le tour de force diplomatique dont Romney s'est montré capable en moins d'une semaine !

Romney in Jerasulem
© InconnuRomney en campagne à Jérusalem
Soutien indéfectible à Israël

S'il n'a pas d'expérience sur la scène internationale, Mitt Romney peut cependant compter sur un allié de poids, le Premier-ministre israélien Benyamin Netanyahou. Les deux hommes se connaissent depuis les années 70, époque à laquelle ils ont travaillé ensemble au sein du "Bain Consulting Group". Fort de cette relation privilégiée, Romney n'a de cesse de se présenter comme le "candidat le plus pro-Israël", dans l'espoir de conquérir les votes des électeurs d'origine juive. Un groupe électoral qui pourrait faire la différence dans un état disputé comme la Floride.

Le candidat républicain a également annoncé "qu'il soutiendrait l'état hébreu en toute circonstance", ce qui fait clairement référence à une intervention de l'armée de l'air israélienne en Iran. S'engouffrant dans la brèche, Romney essaye d'utiliser la crise iranienne à son avantage en s'attaquant à la stratégie d'Obama qui n'a pas fonctionné. S'il ne précise pas, encore une fois, comment il compte s'y prendre une fois en poste, il a néanmoins déclaré "L'Iran est quatre années plus proche d'une bombe nucléaire"...

Map for possible routes for Israeli attacks on iranian nuclear program
© InconnuDes frappes aériennes sur le sol iranien: un scénario de plus en plus crédible
La géopolitique : un terrain miné

En période électorale, il faut toujours à prendre avec des pincettes les déclarations des candidats en matière de politique étrangère. Que ce soit des propos va-t-en-guerre ou des promesses de paix, il y a peu de chance qu'ils les mettent à exécution une fois en poste à la Maison Blanche. S'il remporte le scrutin, Romney adoucira certainement ses propos vis-à-vis de la Chine et de la Russie, qui restent à bien des égards des partenaires majeurs des États-Unis. Il n'est plus à un changement idéologique près...

Les effets d'annonces ne durent que le temps de la campagne et rien ne permet aujourd'hui de conclure que le candidat républicain adoptera finalement une ligne plus modérée ou plus dure que l'administration actuelle. Personne ne s'attendait à ce que le pacifiste George W. Bush qui appelait en 2000 à "établir des coalitions avec nos alliés Arabes pour apporter la paix dans la région..." ne lance deux guerres dans la foulée de son élection.

George W Bush in 2000 (debat with Gore)
© InconnuGeorge W. Bush et ses espoirs de paix au Moyen-Orient (débat présidentiel face à Gore en 2000)
Et personne non plus ne s'attendait à ce que Obama, prix Nobel de la Paix 2009, ne devienne quelques années plus tard le champion de la guerre des drones. (voir l'article > Obama: le côté obscur) En matière de politique internationale, les promesses de campagne des candidats à la présidence américaine n'ont pas beaucoup d'importance. On peut toujours espérer le meilleur mais il faut surtout se préparer au pire.