Mecca
Ali Zaki a dû quitter l'Arabie Saoudite après avoir demandé l'aide d'un confrère néerlandais au sujet d'un cas mortel de pneumonie.

Celui-ci a identifié un flavivirus et Ali Zaki a rapidement mis à jour une liste de diffusion sur les maladies émergentes. Les autorités saoudiens sont furieuses car elles craignaient particulièrement que l'annonce ne souffle un vent de panique à l'approche du point culminant du pèlerinage de la Mecque.

Se faire renvoyer pour avoir bien fait son travail est déjà scandaleux, mais être en plus chassé de son pays et menacé... C'est pourtant ce qui est arrivé au virologue saoudien Ali Zaki pour avoir découvert un cas de maladie mortelle dans son pays et avoir partagé ses travaux avec des chercheurs étrangers.

Il faut dire que l'Arabie Saoudite a de quoi s'inquiéter des risques d'épidémies. C'est en effet à la Mecque que se déroule le pèlerinage du Hajj, le plus grand rassemblement humain au monde. Il culmine à trois millions de fidèles réunis au même moment. Ceux-ci viennent des quatre coins de la planète et passent leur séjour serrés les uns sur les autres. Bref, s'il y a une ville sur Terre à partir de laquelle une épidémie peut se propager rapidement, c'est bien ici.

Un lieu propice aux épidémies

Les autorités sont particulièrement vigilantes quant à la santé des pèlerins, mais elles craignent peut-être plus encore les mouvements de panique et une improbable désaffection pour le Hajj. On ne badine pas avec l'image de la ville sainte et il est encore moins question de voir une maladie porter son nom. Après tout, divers virus comme celui d'Ébola ont été nommés selon leur lieu de découverte.

Ali Zaki de l'hopital Soliman Fakeeh de Djeddah n'avait pourtant pas cela en tête quand il a partagé certaines de ses découvertes avec des chercheurs étrangers. Il avait en effet envoyé à un collègue néerlandais, Ron Fouchier, des échantillons issus d'un cas fatal et étrange de pneumonie, sans oublier d'en informer le ministère saoudien de la santé.

Un interrogatoire agressif

Ron Fouchier a découvert qu'il s'agissait d'un flavivirus, un genre qui provoque des maladies comme la dengue et la fièvre jaune. Le chercheur saoudien poste alors ces résultats sur ProMed, une liste de diffusion à propos des maladies émergentes. Un second cas, aussi en provenance d'Arabie Saoudite, est diagnostiqué dans la foulée par un hôpital britannique.

L'annonce enrage les autorités saoudiennes. « Une équipe d'enquêteurs du ministère saoudien de la santé est arrivée à l'hôpital pour m'interroger de façon agressive », a déploré Ali Zaki au New Scientist. Ils m'ont menacé pour ce que j'avais fait. Paniqué, il quitte son pays en catastrophe et se réfugie au Caire d'où il a été informé qu'il était renvoyé et qu'il ne valait mieux pas pour lui qu'il essaye de rentrer dans son propre pays.

La réponse des autorités

Ziad Memish du ministère de la santé a dénoncé le manque de précaution du chercheur et la panique que l'annonce aurait pu créer chez les pèlerins : « Nous n'avons été informés des inquiétudes au sujet du nouveau coronavirus (sic) sur ProMed qu'en septembre. Je pense qu'aucune autorité sanitaire au monde aurait trouvé cela acceptable, en particulier avec les préparations du point culminant du Hajj ». Celui-ci s'intensifie puis s'interrompt en effet pour l'Aïd al-Adha, une grande fête religieuse qui a débuté hier.