De petites lames de pierre taillée datant de 71.000 ans ont été découvertes dans une caverne sud-africaine par des archéologues, preuve selon eux des capacités mentales avancées des premiers hommes modernes. Si tous les chercheurs s'accordent sur le fait que nos ancêtres directs, les Homo sapiens, sont apparus en Afrique il y a plus de 100.000 ans, le débat reste ouvert pour savoir s'ils étaient déjà doués des mêmes capacités cognitives.

Certains estiment que ce n'était pas le cas, mettant en avant le fait que la plupart des outils de pierre taillée complexes découverts en Afrique ne remontent pas au-delà de 40.000 ans, hormis un bref épisode compris entre 65.000 et 60.000 ans. Mais de nouvelles preuves, bien plus anciennes, viennent d'être mises au jour par Kyle Brown, archéologue à l'Université sud-africaine du Cap, et son équipe, dans une caverne de Pinnacle Point, sur la côte méridionale d'Afrique du Sud. Il s'agit de petites lames de pierre taillée - des "microlithes" - préalablement durcie au feu, dont les plus vieilles ont été datées autour de 71.000 ans et les plus récentes 60.000 ans, selon l'étude publiée aujourd'hui dans la revue britannique Nature.

Les archéologues sud-africains estiment que ces lames servaient notamment de pointes de flèche ou de javelines lancées à l'aide de propulseurs, soulignant la grande complexité d'une telle technologie. Il fallait d'abord collecter les pierres appropriées sur des sites assez éloignés les uns des autres, transporter le bois de chauffage, contrôler la température du feu pour faire durcir les pierres, obtenir des éclats susceptibles d'être retravaillés, puis confectionner flèches et outils sur lesquels coller ces lames. "Ces opérations s'échelonnaient sans doute sur des jours et des semaines voire des mois, et elles étaient interrompues par la nécessité d'accomplir d'autres tâches plus urgentes", renchérit dans un commentaire séparé Sally McBrearty, anthropologue à l'Université du Connecticut.

Selon elle, la découverte de Kyle Brown et son équipe apporte la preuve que les hommes à l'origine de ces outils de pierre étaient capables de conserver en mémoire les étapes à suivre pour leur fabrication, et d'exécuter ces processus à la fois dans l'espace et le temps, une caractéristique essentielle "de l'esprit moderne".
"En outre, les données montrent que cette technologie microlithique a persisté à Pinnacle Point pendant plus de 10.000 ans, ce qui suggère que les détails des processus de fabrication ont été transmis d'un individu à un autre sur de nombreuses générations", ajoute Sally McBrearty.

L'efficacité des projectiles munis d'une tête en pierre taillée augmentait les chances de succès à la chasse, réduisait les risques de blessures et permettait à leurs utilisateurs de frapper d'éventuels ennemis à plus longue distance. "Cela aurait conféré un avantage important aux humains modernes qui quittaient l'Afrique et auraient rencontré des Néanderthaliens armés seulement d'épieux", notent les auteurs de l'étude.