Ce livre de psychologie a pour sous-titre « Décoder les mystères de la personnalité ». Samuel Barondes est également l'auteur de Cellular dynamics of the neuron [Dynamiques cellulaires du neurone], Neuronal recognition [Reconnaissance neuronale], Molecules and mental illness [Les molécules et la maladie mentale], Mood genes [Les gènes de l'humeur], etc. Ce qui est intéressant est la façon dont il relie la personnalité à la génétique et aux neurosciences.

Le livre s'organise autour d'une méthode de catégorisation des personnalités, qui se base sur une étude des mots employés (à partir du dictionnaire). Avec cette étude linguistique et des tests statistiques, cinq principaux traits apparaissent :

1/ Extraversion vs Introversion
Haut : Ouvert, audacieux, bavard, énergique, assuré
Bas : En retrait, timide, silencieux, réservé, craintif

2/ Amabilité vs Antipathie
Haut : Chaleureux, gentil, coopératif, confiant, généreux
Bas : Froid, méchant, peu coopératif, avare

3/ Consciencieux vs Désinhibition
Haut : Fiable, esprit pratique, travailleur, organisé, prudent
Bas : Peu fiable, peu d'esprit pratique, paresseux, négligent, désorganisé

4/ Névrotisme vs Stabilité émotionnelle
Haut : Tendu, instable, mécontent, irritable, inquiet
Bas : Détendu, stable, content, imperturbable, tranquille

5/ Ouverture vs Renfermement
Haut : Imaginatif, curieux, songeur, créatif, sophistiqué
Bas : Peu imaginatif, peu curieux, peu songeur, peu créatif, peu sophistiqué
  • L'extraversion est la tendance à rechercher activement les autres,
  • L'amabilité est la tendance à être altruiste, coopératif, et accommodant,
  • Le caractère consciencieux est la tendance à contrôler les pulsions et poursuivre tenacement des buts,
  • Le névrotisme est la tendance à avoir des sentiments négatifs, surtout en réaction de menaces sociales perçues,
  • L'ouverture est la tendance à être imaginatif et apprécier la nouveauté et la diversité.
  • Samuel Barondes donne une description détaillée de chaque aspect, ainsi que des modèles de comportements négatifs qui leur sont associés. Les cinq aspects principaux de Samuel Barondes correspondent à des aspects majeurs de la personnalité.

    Barondes parle ensuite en détail des « patterns négatifs » : antisocial, évitant, borderline, compulsif, dépendant, histrionique, narcissique, paranoïde, schizoïde, et schizotypique. Il reprend alors les définitions classiques de la psychologie, du DSM, etc.

    Je continue avec les passages qui m'ont intéressés :

    P. 41 ― La différence entre le narcissisme et la psychopathie : le narcissisme cherche le regard des autres tandis que le psychopathe est indifférent au regard des autres.
    « Il est incroyablement facile de ne pas les remarquer. Une raison pour laquelle nous sommes aussi aveugles est que la plupart d'entre nous trouveraient difficile à croire que de telles personnes existent. De plus, [les psychopathes] tendent à tromper les autres de façon si désinvolte - même s'ils sont pris en flagrant délit - que nous excluons sans cesse les faits qui prouvent qu'ils nous trompent. Robert Hare, un expert de la psychopathie, se rappelle comment lui, aussi, a été mystifié. »
    P. 65Hérédité des traits de personnalité : étude de vrais jumeaux ayant grandis dans des milieux différents : caractère similaire malgré l'influence de l'environnement.

    P. 66 ― Nous avons un nombre de gènes total de 20 000 environ. Malgré si peu de gènes, diverses combinaisons travaillent ensemble pour contrôler les fonctions biologiques et psychologiques. De plus, l'action de chaque gène et protéine peut influencer l'action de beaucoup d'autres. C'est avec la régulation de l'expression des gènes dans chaque cellule qu'on explique que 20 000 gènes seulement peuvent donner lieu à une telle complexité. Nos différences héréditaires viennent de variantes de gènes, des modifications des séquences des bases = des modifications structurelles de l'ADN, qui découlent de mutations aléatoires. De multiples variantes de gènes entrent en compte dans certains traits de personnalité.

    P. 68 ― Expérience de John DeFries : sélection des souris les plus aventurières et les souris les plus craintives, sur 30 générations. Résultat stupéfiant d'obtention de souris très aventurières ou très craintives. Conclusion : un trait de personnalité ne dépend cependant pas d'UN gène mais d'une myriade de variantes de gènes qui fonctionnent ensemble.

    P. 74 ― Inconvénients des traits de personnalité pour la sélection naturelle : chaque trait de personnalité est lié à une adaptation à l'environnement.

    P.79 ― Du développement cérébral : après la naissance, les neurones s'agencent en réseaux qui sont les fondements des comportements. Les neurones construisent des liens entre eux, les dendrites courtes pour recevoir des signaux, les axones longs pour en envoyer n'importe où dans le cerveau. (Dendrite + axone = synapse). Une synapse est activée quand un neurotransmetteur passe, comme la sérotonine ou la dopamine. Différents types de transmissions synaptiques existent selon les neurotransmetteurs chimiques utilisés. Chaque neurone produit un type de neurotransmetteur et a ses types de récepteurs. Chaque neurone a sa « localisation spatiale » et sa « signature chimique » (récepteurs et neurotransmetteurs).

    Durant l'enfance, le cerveau se construit, surtout l'amygdale, où il y a des circuits complexes pour intégrer les émotions : joie, satisfaction, peur, désespoir, etc. Les contrôles neuronaux de ces émotions sont ensuite progressivement mis en place durant les dizaines d'années qui suivent = formation d'une personnalité.

    La maturation des circuits s'effectue par le renforcement de certaines connexions synaptiques et l'élimination des autres. Un de ces cas de « remodelage » s'effectue dans l'hypothalamus. Un groupe de neurones dans l'hypothalamus s'occupe du comportement sexuel, chez les femmes les circuits mâles disparaissent dans le cerveau du fœtus, chez les hommes les circuits femelles disparaissent. Aussi, les circuits cérébraux peuvent être modifiés par la substance graisseuse qui entoure progressivement les axones : la myéline. Celle-ci agit comme un isolant pour faciliter la vitesse de transmission des signaux électriques
    « Comprendre la construction de nature progressive du cerveau explique pourquoi il est difficile de retourner en arrière et faire des changements dans les circuits du cerveau et dans les aspects de la personnalité que ces circuits contrôlent. Une fois que les neurones ont pris leurs places, ils sont bien installés. Une fois qu'ils ont établi des connections utiles, ces connections tendent à être préservées. Bien qu'il y ait toujours une capacité résiduelle de changement, il faut beaucoup de travail pour remodeler les structures qui sont construites par un programme de développement qui se déroule sur plus de deux décennies. Même notre capacité humaine extraordinaire à apprendre de nouvelles choses peut ne pas relever le défi de modifier les patterns qui sont posés de cette manière. Cela est vrai non seulement pour les patterns fortement influencés par les gènes. C'est également vrai pour les patterns qui furent formés par notre environnement personnel durant les phases de développement du cerveau appelées périodes critiques. » (p.82)
    P.82-83Les périodes critiques :
    « Une période critique est une fenêtre de temps durant laquelle certains circuits cérébraux sont ouverts aux informations essentielles de l'environnement. L'arrivée de ces informations forme les circuits de façon durable. Une fois que cette formation est accomplie, la fenêtre se referme.
    L'exemple le plus célèbre d'une période critique nous vient de Konrad Lorenz, qui a étudié le comportement d'oisillons d'oies. Lorenz a découvert que chaque oisillon porte une attention particulière à la première créature en mouvement qu'il voit juste après l'éclosion - d'habitude, sa mère. Cette information est immédiatement imprimée dans son cerveau, ce qui l'amène à suivre sa mère à la queue-leu-leu. Mais si la mère oie est remplacée durant l'éclosion et remplacée par une autre créature qui bouge - comme Lorenz lui-même - les oisillons impriment alors son image de lui. Le résultat se voit sur les images qui montrent le scientifique suivi de petits oisillons.
    [un autre exemple connu avec les oisillons qui doivent avoir écouté très tôt le chant d'un mâle pour pouvoir le reproduire eux même plus tard]
    « Pour les humains, un exemple notable est l'apprentissage de la parole, qui se développe durant une période critique de plus d'une décennie. Durant cette période, l'enfant apprend non seulement sa langue natale, mais aussi les accents des personnes qui vivent autour de lui. Après la fermeture de cette période critique, il devient très difficile de parler dans une autre langue natale. C'est pourquoi des immigrants comme Henry Kissinger, qui a appris l'anglais dans son adolescence, parlent avec un accent étranger. (....)
    « Bien que les chercheurs aient étudiés ces périodes critiques du développement du cerveau depuis longtemps, nous avons toujours peu d'informations sur leur nombre et les façons dont elles se referment. Mais le message principal est clair : certains circuits cérébraux s'établissent à certains moments, et leurs propriétés tendent à durer. Un processus similaire semble à l'oeuvre dans le développement de nombreux aspects de nos personnalités. »
    P.87 ― Samuel Barondes cite une étude sur un groupe de 1 037 enfants en Nouvelle-Zélande, de la naissance à 26 ans. Une découverte : de nombreux enfants sont maltraités, 8 % de façon sévère, 28 % de façon probable, et seuls 64 % n'ont pas été maltraités. Idem aux USA : étude sur 8 667 enfants : 22 % abus sexuel durant l'enfance, 21 % maltraitance physique, 14 % témoin de violences envers leur mère.

    On a découvert un lien entre la maltraitance et le développement des personnalités antisociales. Mais les variations sont importantes : à cause des différences génétiques qui font qu'un enfant va dans un sens ou dans un autre [gène MAOA].

    P.90 ― Etude sur l'influence de l'environnement sur l'expression des gènes : expérience de Michael Meaney sur les rats.

    P.92 ― Etude du processus des changements épigénétiques sur des vrais jumeaux : méthylation, effet sur la personnalité.

    P.93 ― Changements à l'adolescence dus aux hormones estrogène ou testostérone qui activent les neurones ayant des récepteurs pour cela = changements comportementaux. Mais il y a d'autres variations génétiques qui se mettent en place à l'adolescence = les capacités cognitives se développent.

    Le QI d'enfants adoptés se rapproche de celui des parents biologiques durant l'adolescence. L'hérédité des capacités cognitives de jumeaux augmente selon l'âge : 41 % à 7 ans, 55 % à 12 ans, 66 % à 17 ans.

    P.94 ― Le remodelage du cerveau du cortex préfrontal s'opère durant l'adolescence et après. Le cortex préfrontal peut se relier à l'amygdale de différentes façons.

    P.95 ― Les structures cérébrales se stabilisent vers 25 ans, bien que la myélination continue légèrement pendant 10 ans. Changements après 40 ans : signes d'usure normale plutôt que remodelage de développement additionnel.

    L'apprentissage continue néanmoins à l'âge adulte par des changements microscopiques dans la structure et fonction des synapses. La personnalité se construit principalement avant 20 ans, se stabilise à 30, et continue un peu à se stabiliser à 50. Ce n'est pas seulement à cause de la fermeture de la fenêtre temporelle, mais aussi à cause de l'uniformité croissante de l'environnement social du jeune adulte.

    L'environnement social produit une stabilité cérébrale car on se comporte comme on l'a prévu. De même, il produit une stabilité cérébrale car il fait qu'on se comporte comme les autres le prévoient. Ainsi, sont liés : stabilisation de l'environnement = stabilisation de la personnalité = création du caractère et du sentiment d'identité.

    P.103 sqq ― Description du « programme » d'amélioration de la personnalité de Benjamin Franklin. Benjamin Franklin s'était fixé une liste de qualités à acquérir : tempérance, silence, ordre, résolution, frugalité, travail, sincérité, justice, modération, propreté, tranquillité, chasteté, humilité. Ce programme est suivi et reproduit sous diverses formes actuellement, repris par certains auteurs...

    P.130 sqq ― Comment on se créé une histoire personnelle à partir d'éléments qui ont formé sa personnalité. C'est la création d'un « sens » à sa vie , avec des valeurs et un but, = création d'une logique et d'une orientation cohérente. Exemples avec Oprah et Steve Jobs : foi en le fait que les évènements de sa vie forment une construction sensée.

    Principes qui guident notre vie : voir l'étude de Dan McAdams sur les histoires personnelles des gens.
    Dan McAdams dit que ces principes deviennent de plus en plus fixes au fil du temps. Bien qu'il reste une flexibilité, pour l'adaptation selon les circonstances, les incohérences demandent à être réconciliées avec la maturation de notre histoire. Le fondement de nos mythes personnels peut être énoncé en des phrases simples que nous nous disons - et disons aux autres - sur ce que nous sommes.

    p.141 ― Quatre façons problématiques par lesquelles on se perçoit : « je suis spécial », « j'ai raison », « je suis vulnérable », et « je suis détaché ».
  • « je suis spécial » = correspond à antisocial, histrionique ou narcissique
  • « j'ai raison » = correspond à paranoïde ou compulsif
  • « je suis vulnérable » = correspond à évitant, borderline ou dépendant
  • « je suis détaché » = correspond à schizoïde ou schizotypique
  • PP.151-230 ― Notes de fin, références et index.