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La Saharasie, par James DeMeo

Deleuze-Guattari font appel à l'anthropologie dans le 13e plateau, pour comprendre le fonctionnement de la machine despotique. Je vais approfondir cette question en croisant différentes informations, et en commentant la thèse de James DeMeo, très influencée par Wilhelm Reich, « Les origines et la diffusion du patrisme en Saharasie, autour de 4000 avant notre ère »

Dans l'Anti-Oedipe, l'appareil de pouvoir est apparu « adulte », et recouvre une dynamique du désir, un système de subjectivation. La présence de l'Urstaat donne la possibilité au fantasme de se transformer en délire, ce qui implique l'émergence de formes de violence extrêmes, destinées à détruire radicalement tout ce qui fait obstacle à l'emprise paranoïaque du pouvoir. C'est une démarche de prédation, qui suppose un déséquilibre interne, une peur sous-jacente envers la « vie » qui doit donc être contrôlée, captée, divisée, et surtout homogénéisée. D'où l'impossibilité pour l'Etat de « boucler sa structure », d'aspirer tous les flux de l'univers, ce qui reviendrait à tuer la vie elle-même. Reprenant certains éléments de l'Anti-Oedipe, Jameson évoque également cette crainte dans L'inconscient politique en 1983. Dans son ouvrage il souligne que l'expression des inégalités se décèle dans les productions artistiques.

Cet Urstaat qui s'épanouit sous une forme de plus en plus pure (= despotique) dans les sociétés agraires du Néolithique a pour caractéristique
extrait film « Les révoltés de l’île du diable »
Le système despotique dans le film « Les révoltés de l’île du diable »
un assujettissement de la population au sein d'un territoire donné, à la fois par un pôle « souverain » d'un « Dieu Lieur » pétrifiant, et un pôle « législatif » organisant la vie collective au sein de ce système « clôt », figé, un système fondamentalement « contre la vie », opposé en permanence aux « flux décodés » qui le mettent en péril. Deleuze oppose fréquemment le nomadisme et le sédentarisme, qui sont bien plus que des modes de vie, étant donné que la pensée est affectée par l'espace. Lorsque l'espace est fermé, il devient « strié », il emprisonne à la fois le corps, au sein de frontières, et l'être, au sein d'un durcissement de sa pensée, une perte des facultés créatrices. On retrouve aujourd'hui ces idées étayées par les neurosciences validant la « plasticité cérébrale » du cerveau, ainsi qu'en psychologie avec le livre de Timothy D. Wilson, « Strangers to Ourselves: Discovering the Adaptative Unconscious » (publié en 2002).

Cover book Timothy D.Wislon - Social Psychology
Une étude de psychologie sociale de Timothy D. Wilson
Le concept d'Urstaat résulte d'une réflexion sur le caractère « matérialiste » ou « idéaliste » de l'Etat. Il semble que ces deux aspects s'élaborent dans ce type de société qui se détache du mode « chasseur-cueilleur » qu'avait connu l'humanité pendant 100 000 ans pendant le Paléolithique - du moins, si l'on s'appuie sur le dogme de l'archéologie officielle.

Ainsi, on peut supposer l'existence de deux « types de société » correspondant à deux « types d'orientation » psychologique, un type de société valorisant l'échange et dévalorisant les structures de pouvoir répressives, et un type de société valorisant la hiérarchie et l'exploitation, une exploitation dont la forme aigüe pourrait être le capitalisme. Certains auteurs, comme Eisler en 1987 dans « The Chalice and the Blade » notent la distinction entre les cultes féminins liés à la nature, et les cultes masculins toujours liés à la guerre.

Le premier type de société a quant à lui été superbement décrit par Mircea Eliade
Le calice et l'épée Riane Eisler cover book
« L’espoir d’un monde plus humain fondé sur la réconciliation entre le calice, symbole de la puissance de la Mère, et l’épée, symbole du pouvoir du Père. Le premier essai qui interprète la civilisation occidentale en tenant compte de l’histoire des hommes ET des femmes. »
dans « L'Éternel Retour ». Cette société vivait selon les cycles et donc méconnaissait le « temps » tel que nous le percevons aujourd'hui, linéaire et « quantifiable ». Dans un article de Godlewski sur la société polynésienne, il remarquait que :
« Les Polynésiens ne sont jamais pressés. Le temps ne semble jouer aucun rôle. A la question - « Quel âge avez-vous ? » ils ne répondent pas toujours. Cela ne les regarde pas. Les heures passent inaperçues. On mange lorsque l'on a faim ; on danse, lorsqu'on en a envie; on dort, lorsque l'on a envie de dormir. Leur regard est profond et calme. Ils me disaient :
« Vous autres « popaa » - vous êtes bizarres. Lorsque vous êtes jeunes, vous pensez à ce qui va arriver demain. Lorsque vous êtes âgés, vous pensez à ce qu'était hier; et qui de vous pense à la vie présente ? »
Dans le célèbre discours « La fin de la vie et le début de la survivance » le chef amérindien Seattle s'adressait ainsi au président Grover Clevelend en 1854 :
« Nous savons que l'homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de Terre ressemble pour lui à la suivante, car c'est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la Terre ce dont il a besoin. La Terre n'est pas sa sœur, mais son ennemi, et lorsqu'il la conquise, il va plus loin. (...) Il traite sa mère la Terre, et son frère le Ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles blanches. Son appétit dévorera la Terre et ne laissera derrière lui qu'un désert. »
Ann Grifalconi cover book
Dans cette histoire d’Ann Grifalconi, les hommes vivent dans les maisons carrées et les femmes vivent dans les maisons rondes.
Une rupture historique semble être intervenue avec le messianisme du judéo-christianisme qui en soi reprend les aspects théologiques d'empires précédents comme l'Égypte, Sumer, Babylone. C'est à ce moment qu'apparaissent les concepts de « commencement » et de « fin » ou apocatastase. En archéologie, vers -15 000 on constate effectivement un réchauffement du climat qui correspond aux premiers villages de la région du Taurus où l'on retrouve des traces de céréales. Durant le natoufien, de -12 500 à -10 000 ans, ce mouvement de sédentarisation s'étend à tout le Croissant Fertile. C'est peu après que l'on observe les premières habitations rectangulaires, qui supposent une capacité de planification. Fait curieux, cette capacité était particulièrement développée chez les Néanderthal, qui n'ont que très peu développé de talents artistiques. On a également remarqué de nombreuses traces de violences sur des squelettes Néanderthal. Certains émettent l'hypothèse d'une influence Néanderthal négative sur les « Cro-Magnon ».

Quant aux changements d'habitations à la fin du Natoufien, la distinction entre habitations rondes et carrées est sans doute expliquée par Hehaka Sapa, un indien de la branche des Dakotas :
« Vous avez remarqué que toute chose faite par un indien est dans un cercle. Nos tipis étaient ronds comme des nids d'oiseaux et toujours disposés en cercle. Il en est ainsi parce que le pouvoir de l'Univers agit selon des cercles et que toute chose tend à être ronde. Dans l'ancien temps, lorsque nous étions un peuple fort et heureux, tout notre pouvoir venait du cercle sacré de la nation, tant qu'il ne fut pas brisé.

Tout ce que fait le pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu'ils ont la même religion que nous. Le soleil s'élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont ronds.

Même les saisons forment un grand cercle dans leur changements et reviennent toujours là où elles étaient. La vie de l'homme est dans un cercle de l'enfance jusqu'à l'enfance, et ainsi en est-il pour chaque chose où l'énergie se meut. »
A ce propos, l'historienne Laura Knight-Jadczyk évoque dans « L'histoire secrète du monde » de « possibles polarités antagonistes dans les civilisations anciennes » :
LKJ cover book TSHW
© Editions Pilule Rouge
« Je me suis efforcée d'identifier ces polarités en faisant une classification en deux groupes : le groupe des triangles et le groupe des cercles. Globalement, la majorité des peuples de « triangles » se trouvent dans l'hémisphère sud, où se trouvent les cultures ayant bâti des pyramides et objets manufacturés se rapportant à ces cultures. Leur art est primitif et stylistiquement rigide. Dans l'hémisphère nord, nous voyons des peuples qui dessinent des cercles, des spirales, érigent des mégalithes, produisent les œuvres d'art de Chauvet et de nombreuses autres cavernes. Il y a une différence manifeste entre les perceptions et les réponses à l'environnement entre les deux tendances et groupes. Bien sûr, il y a des zones où il y a manifestement eu un mélange des deux cultures et des styles, et clairement des constructions idéologiques communes. Mais globalement, il y a une nette différence. »
La notion de « surtravail » se remarque alors dans les sociétés qui se servent d'une « caste» de scribes pour noter les stocks, les productions artisanales, les victoires militaires, etc. C'est aussi durant cette période qu'apparaissent les premiers « plans de ville ». Il en a été découvert sur les sites anatoliens en particulier.
Le Mythe végétarien cover book
Le Mythe végétarien
Ce type de civilisation qui s'étendra par la suite un peu partout autour de la Méditerranée et ailleurs, comme en Chine avec la culture d'Erlitou, signifie un changement de paradigme global, que d'ailleurs les textes les plus anciens attribuent à l'arrivée de Dieux qui ont apporté l'agriculture, l'écriture, etc, mais qui considéraient l'homme comme du bétail. L'agriculture est révélatrice de ce changement de paradigme, comme l'explique très bien Lierre Keith dans son livre « The Vegetarian Myth » (publié en 2009), qui liste tous les effets destructeurs de l'agriculture sur l'environnement.

Ce changement global s'est sans aucun doute accompagné d'un changement idéologique. Ces processus machiniques marqués, à l'origine du « surtravail » et du « surproduit », s'accompagnent de complexes de pouvoirs sectorisés qui se sont appropriés tous les domaines de la vie. L'appareil de capture despotique autrefois « anticipé-conjuré » par les sociétés primitives se développe, un peu comme un cancer, en « paralysant », c'est-à-dire en tuant et en s'accaparant la vie, autour d'un centre « vertical » et tout un ensemble de machines concentrées autour d'un pouvoir double, à la fois lieur et législateur.

Nous passons ainsi en quelque sorte d'un système « ouvert » à un système « fermé », ce qui d'un point de vue psychologique, est très révélateur. Wilhelm
Le Meurtre du Christ - Wilhelm Reich cover book
Reich parle de « cuirasse » comme séparation égotique qui empêche la circulation de l'énergie et forme une « stagnation » donnant lieu à une individualité traversée de tensions et d'anxiété. Plusieurs auteurs se penchent sur le lien entre ce type de personnalité et la société, dont en particulier Bob Altemeyer dans « The Authoritarians » et Andrew Lobaczewski dans « Ponérologie politique ; étude de la genèse du mal appliqué à des fins politiques ».

La violence étatique est en quelque sorte le socle de ce nouveau paradigme qui semble né au Néolithique mais qui est en soi l'expression d'une « orientation » des masses vers l'individualité plutôt que le collectif. Ce développement du narcissisme est intimement lié à la subjectivation et à son ensemble de mécanismes psychologiques tels que le déni et la projection, ou encore le transfert étudié par Jung. Clastres note qu'alors, dans ces conditions, le « temps devient histoire ».

A l'opposé, on trouve chez Platon et chez les taoïstes une critique de l'Etat et de sa dimension historique, ainsi qu'une nostalgie des origines, lorsque les hommes vivaient en harmonie avec la nature.
James DeMeo
© InconnuJames DeMeo
Il est remarquable qu'on trouve spécifiquement chez les taoïstes la pratique de l'abstention des céréales, pour prévenir la corruption des corps comme des esprits (cf. Jean Levi). Il y a aussi dans le Tchouang-tseu d'innombrables passages où il est dit qu'il vaut mieux une absence totale de gouvernement plutôt qu'un gouvernement, aussi bon soit-il. Dans le taoïsme, la morale est toujours perçue comme un symptôme négatif, car si les hommes vivaient selon le Tao ils n'auraient pas besoin de morale et serait naturellement justes.

C'est pour cette même raison que James DeMeo parle de « patrisme » pour ces sociétés qui sont régies par des codes moraux et des impératifs comportementaux. L'élément d'information sur lequel se concentre James DeMeo est l'association des sociétés patristes à un climat de sécheresse, extrêmement rude, où les ressources alimentaires viennent à manquer. James DeMeo s'aide ensuite des recherches de Wilhelm Reich sur le maintien des comportements patristes (cuirassés, violents) après un trauma initial. James DeMeo :
« A travers une analyse systématique des données anthropologiques sur 1 170 cultures de niveaux de subsistance, nous avons corrélé et développé des modèles géographiques globaux des institutions sociales de comportements patristes, cuirassés, violents, traumatisants, douloureux et répressifs qui empêchent les liens mère-enfant et homme-femme. Lorsque les données sur le comportement ont été cartographiées, nous avons découvert que la ceinture désertique hyperaride entourant l'Afrique du Nord, le Proche-Orient et l'Asie Centrale, que j'appelle Saharasie, possède la plus grande étendue territoriale des institutions sociales et des comportements patristes les plus extrêmes sur Terre. Nous avons découvert que les régions les plus éloignées de Saharasie, en Océanie et dans le Nouveau-Monde, possèdent les comportements les plus matristes, non cuirassés et doux qui soutiennent et protègent les liens mère-enfant et homme femme. »
Saharasie map
© Inconnu
James DeMeo souligne que ces sociétés patristes se sont développées après une période ancienne matriste dans le monde entier, relativement paisible, où la guerre, la domination masculine et l'agression destructrice étaient soit absentes soit à des niveaux particulièrement bas. James DeMeo note :
« Et qui plus est, il a été possible de déterminer les deux périodes et régions exactes sur Terre où la culture humaine a transformé pour la première fois des conditions paisibles, démocratiques, égalitaires, en conditions violentes, despotiques, guerrières. »
Deleuze explique ce bouleversement dans les notions de limite et de seuil. La limite inclut la répétition d'actes participant à des cycles, et qui ne mettent jamais fin à ce mouvement rythmique. Par ailleurs, il n'existe pas de concept de « travail » dans ces sociétés qui connaissent la « limite », mais il existe une « activité à variation continue ». Le seuil, quant à lui, est associé à une rupture brutale de l'énergie de cette « danse », de ce mouvement rythmique qui est redirigé vers l'autorité responsable de cette rupture.

La stratégie du choc cover book
La possibilité d'utiliser des « ruptures » pour manipuler les foules est connue depuis longtemps et étudiée par Naomi Klein dans son livre « La stratégie du choc : La montée d'un capitalisme du désastre ». Ces ruptures ont pour but d'imposer la « terreur » et donc une malléabilité psychologique, une programmation des consciences au profit des maîtres « magiciens ». C'est la même « terreur » qui réapparait lors de « l'anxiété orgastique », une notion développée par Reich. La terreur est « sentie comme une perte totale de l'équilibre psychique, une peur de dissolution. » Plus récemment, les travaux de Peter A. Levine sur le trauma sont venues confirmer ces découvertes. Pour Reich :
« Le fait qu'un individu ait été assujetti toute sa vie, qu'il ait développé tous les moyens possibles pour maintenir un contrôle de soi, ne lui permet pas d'accepter le libre flux de la vie avec aisance et confort. »
Il est donc ici question d'une dissociation structurelle de la personnalité, qui s'exprime en politique par l'attitude autoritariste. La personnalité autoritariste cherche constamment à intégrer les faits au moule de ses croyances. C'est un mode de pensée hautement subjectif. Un discours schizoïde est par exemple :

« La nature humaine est si mauvaise que dans la société l'ordre ne peut être maintenu que par un pouvoir fort établi par des individus hautement qualifiés, au nom d'une idée supérieure. »

Lobaczewski explique que :
« Les schizoïdes et paranoïdes sont capables d'une désintégration limitée (c'est-à-dire à niveau unique) de leurs personnalité. Ce sont les individus actifs durant les premiers stades de la ponérogénèse. Ils créent des doctrines morales et politiques autoritaires, qui sont adoptées par les individus incapables de percevoir leur nature pathologique. »
illustration énergie corps
© Inconnu« L’énergie circule dans le corps de bas en haut et passe par sept anneaux formant la cuirasse musculaire : pelvien, abdominal, diaphragme, thoracique, cervical, oral, oculaire » (voir Source)
Andrew Bard Schmooker, dans un article très intéressant, parle de deux types de personnalités différemment constituées : les endo-squelettes et exo-squelettes moraux. Il rapporte la moralité et les structures morales externes - les lois, punissions, etc - à une manifestation de cette crainte ontologique des exo-squelettes. Il écrit :
« La moralité des exo-squelettes tend à dénigrer la nature humaine qu'elle cherche à contrôler. Cette moralité tend aussi à être plus répressive dans son approche du contrôle - investissant de grosses sommes dans un système pénitentiaire brutal (...) et construisant son approche globale autour d'un personnage hautement punitif - un Seigneur de l'Univers ».
Deleuze/Guattari détaillent justement cette « codification juridique de la violence », ce qui présuppose que la violence existe en premier lieu, de la même façon que les Tables de la Loi reçues par Moïse supposent l'existence du meurtre, du vol. D'ailleurs, les commandements sont des contraintes et non des conseils. Le caractère « illimité » de cette violence potentielle admet implicitement l'absence de toute « conscience » innée qui puisse modérer les actes immoraux. C'est comme si les hommes étaient en eux-mêmes vides de morale, mais s'agit-il de tous les hommes ou d'une minorité accédant au pouvoir ? La philosophie de Hobbes et Machiavel illustre bien « horreur de la situation ».

Ainsi, avec le 13e plateau, nous comprenons d'un point de vue anthropologique que la mise en place d'un système de capture impose une logique de Rente/Profit/Impot. La création de la monnaie en particulier permet le contrôle des échanges car son émission et distribution est automatiquement liée à un endettement de principe. Comme l'a montré le sinologue hongrois Étienne Balazs l'impôt est la forme originaire de la monnaie, qui a l'époque des Tang était déjà de la monnaie-papier. Deleuze/Gattuari mettent donc l'accent sur les processus machiniques et non les modes de production. Puisque l'État est dans une logique de prédation, les situations mêmes qu'il met en place induisent le renforcement de son pouvoir et la dévitalisation de son environnement. C'est la « raison d'être » de l'État, qui sans cette dynamique de concentration et de monopole, ne pourrait pas exister ! L'Etat est donc fondamentalement toujours le même durant l'Histoire. Cela explique l'actualité des mythes étudiés par Dumézil, ou encore la sagesse des épopées homériennes. L'État, quel qu'en soit son visage, se perpétue par des classes, souvent liées à des institutions répressives comme les mutilations corporelles. James DeMeo constate qu'elles,
« [...] sont aidées et défendues par l'individu moyen au sein d'une société donnée, irrespectueuse de leur douleur, de la réduction de leur plaisir ou des conséquences de la menace sur la vie, et sont considérées sans discernement comme étant « bonnes », comme étant des expériences « forgeant le caractère », comme étant une part de « tradition ». Néanmoins, à partir d'un tel complexe d'institutions sociales douloureuses et répressives, il est prouvé que les composants névrosés, psychotiques, auto destructifs et sadiques du comportement humain sont exprimés en surabondance soit de façon déguisée ou inconsciente, soit de manière criarde ou par des moyens évidents. »
illustration system cuirasse caractérielle
© InconnuLe Système de la Cuirasse Caractérielle
Pour James DeMeo, après avoir étudié l'expansion progressive du « saharasisme », au fil des migrations, colonisations et déplacements, il ne fait pas de doute,
« Les hypothèses basiques de départ de l'étude, c'est-à-dire la théorie économico-sexuelle du comportement humain, les schémas matriste-patristes et les liens causals entre la désertification et le patrisme ont été vérifiés et renforcés. »
Sans forcément rejoindre James DeMeo sur la question des conditions de vie et de la famine il y a 4 000 ans, j'adhère au sentiment de Deleuze/Guattari sur l'aspect psychologique latent qui permet l'émergence des structures de pouvoir. La cause originaire du déséquilibre n'est pas seulement extérieure. Elle comporte un aspect ontologique qui pourrait d'ailleurs varier selon les individus. Certains individus pathologiques sont comme l'a montré Lobaczewski des « agents de déséquilibre ».

Ces processus machiniques sont une possibilité d'un développement humain négatif, par exemple fasciste, mais qui à un niveau individuel est un choix, celui de suivre une voie « d'involution » destructrice ou d'y résister. Participer à un système de capture revient à entailler ou cisailler le Réel, car toute « machine » est « système de coupure ». On le voit dans l'essor de la « zombification » de la société. Seule l'unité intérieure comme extérieure est à même de renverser ce destin.