Développer un gros cerveau coûte très cher à l'organisme. C'est ce que démontre une étude récente basée sur des guppys, des poissons capables de compter. Le développement de la taille du cerveau a rendu les poissons plus intelligents mais a entraîné une réduction de la taille de leurs intestins et de la reproduction.

Qu'est-ce qui détermine la taille du cerveau et l'intelligence ? Voilà une question qui a soulevé de grands débats. Dans les années 1990, une théorie dite des « tissus coûteux » (expensive-tissue theory en anglais) avait déchaîné les biologistes. Cette théorie exprime l'idée qu'il existerait un compromis entre la taille du cerveau et celle des autres organes. Le cerveau de l'Homme est particulièrement grand par rapport à sa taille. Et même s'il ne représente que 2 % de la masse totale, il consomme 20 % de l'énergie disponible.

Certains biologistes postulent que nos ancêtres auraient commencé à développer leur cerveau lorsqu'ils ont opté pour un régime alimentaire plus digeste. En utilisant moins d'énergie pour la digestion, leur organisme pouvait en dédier plus au cerveau. Comme l'Homme, proportionnellement à sa taille, a un cerveau plus gros que le singe, il fournirait donc encore plus d'énergie à sa tête qu'aux autres parties de son corps. Mais est-ce pour cette raison qu'il développe de meilleures capacités cognitives ?

Une équipe de recherche suédoise a récemment montré que chez les guppys (Poecilia reticulata), augmenter la tailler du cerveau coûte cher car il faut alors compenser en sacrifiant un autre organe. Toutefois, un cerveau plus gros offre de bien meilleures capacités d'apprentissage et de mémoire. Cette étude est ainsi la première preuve expérimentale que la taille du cerveau par rapport au corps est déterminante dans le développement de l'intelligence.

Le guppy a une meilleure mémoire avec un cerveau plus gros

L'étude a été réalisée sur 48 guppys et publiée dans le journal Current Biology. Ces poissons sont plus malins qu'on pourrait le croire : ils sont capables d'apprendre à compter ! Des chercheurs de l'université d'Uppsala en Suède ont donc utilisé leurs compétences numériques pour déterminer si la taille du cerveau influe ou non sur l'intelligence. Ils ont d'abord sélectionné artificiellement des poissons qui ont développé un cerveau plus grand que la moyenne, puis les ont amenés à se reproduire pour amplifier la différence.

Les guppys avec davantage de matière grise (jusqu'à 9,3 % de plus que la moyenne) ont nettement mieux réussi les exercices : ils sont parvenus à reconnaître le nombre de symboles géométriques dessinés sur une porte pour atteindre la nourriture située derrière.

Mais l'intelligence a un prix. Chez ces guppys aux têtes bien pleines, la taille des intestins est largement réduite, de 20 % chez les mâles contre 8 % chez les femelles. En outre, la reproduction a fortement été modifiée. Les femelles ont eu 19 % de petits en moins que la moyenne.

Qui, de l'œuf ou de la poule...

Si les résultats de cette étude soutiennent clairement l'hypothèse des « tissus coûteux », l'équipe suédoise n'a pas réussi à identifier le mécanisme génétique qui entre en jeu. La question de l'œuf et de la poule est toujours prédominante : avoir de petites entrailles entraîne-t-il le développement du cerveau ? Ou bien le développement du cerveau induit-il de petites entrailles ?

Il faut garder à l'esprit que l'étude est basée sur un système sélectif artificiel mis en place en laboratoire. Il n'y avait donc sur les animaux aucune pression liée à l'environnement extérieur, telle que la présence de prédateurs, la nécessité de trouver de la nourriture ou encore la compétition entre les différents individus pour la reproduction. Rien de semblable au milieu naturel donc, ce qui rend la réflexion plus intense encore. Cependant, cette étude montre que le changement de la taille du cerveau serait le point de départ de la transition évolutive.

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