Une équipe internationale d'astronomes, dont un chercheur du LAB1 (CNRS/Université Bordeaux 1), a montré que les systèmes planétaires avec des étoiles binaires à grande séparation sont particulièrement sensibles aux perturbations violentes et favorisent l'éjection d'une ou de plusieurs planètes gazeuses (comme Jupiter et Saturne) dans l'espace interstellaire.

Ce résultat sera publié le 17 janvier dans la revue Nature.

ouleversement d'un système planétaire d'étoiles binaires à large séparation, sous l'effet de perturbations galactiques
© Nathan Kaib - Cnrs-InsuCe film montre deux simulations du bouleversement d'un système planétaire d'étoiles binaires à large séparation, sous l'effet de perturbations galactiques. A gauche, une vue de l'extérieur montrant l'orbite autour de notre système solaire d'une étoile binaire hypothétique de 0,1 masse solaire, avec une séparation initiale orbitale de 10 000 UA. A droite, une vue rapprochée des orbites de Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Lorsque l'orbite de la binaire devient excentrique, cela peut éventuellement exciter les orbites de planètes et Uranus et Neptune sont alors éjectées du système solaire.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont réalisé plus de 3000 simulations numériques de l'évolution orbitale de ces systèmes, qui représentent environ un système stellaire sur dix. Ils ont démontré que les orbites d'étoiles binaires dont la séparation dépasse environ 1000 UA2 changent dans le temps à cause de perturbations externes au système telles que la gravitation des autres étoiles dans la Galaxie. Le changement comprend une augmentation de l'excentricité du système binaire, ce qui conduit à diminuer la distance minimale entre les deux étoiles. Dans des phases de très haute excentricité, la binaire stimule des instabilités dans les systèmes planétaires. Cela peut avoir des conséquences désastreuses pour les planètes dans ces systèmes. En effet, l'influence de la gravité d'une étoile qui passerait très proche de planètes, peut changer radicalement les orbites de celles-ci autour de l'autre étoile. Ce sont ces instabilités qui brisent l'architecture orbitale des systèmes et qui éjectent des planètes dans l'espace. Les instabilités créées par des étoiles binaires éloignées se déroulent de 100 millions à plusieurs milliards d'années après la formation des planètes.

Simulation d’une instabilité provoquée par l’ajout d’une étoile binaire dans notre système solaire. La périhélie et l’aphélie sont tracées pour Jupiter (rouge), Saturne (or), Uranus (cyan) et Neptune (bleu). Le demi grand axe (ligne noire en pointillés) e
© S. RaymondSimulation d’une instabilité provoquée par l’ajout d’une étoile binaire dans notre système solaire. La périhélie et l’aphélie sont tracées pour Jupiter (rouge), Saturne (or), Uranus (cyan) et Neptune (bleu). Le demi grand axe (ligne noire en pointillés) et le péricentre du système binaire (ligne noire continue) sont également représentés
Les grandes excentricités de planètes que l'on observe autour d'autres étoiles que le Soleil sont des "cicatrices" de leur passé. Comme prédit par ce nouveau modèle, les excentricités des planètes géantes dans des systèmes avec une binaire à forte séparation sont statistiquement plus élevées que les planètes orbitant autour d'étoiles uniques (ce qui n'est pas le cas pour les planètes dans des systèmes avec une binaire stellaire à faible séparation).

Vidéo :
simulation_of_wide_binary_stars_planetary_disruption.mp4

Notes
1 - Le Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux (LAB-CNRS/UniversitéBordeaux 1) joue un rôle important au niveau instrumental dans deux projets technologiques majeurs : l'interféromètre millimétrique ALMA (Atacama Large Millimeter Array) et le satellite Herschel qui travaille dans le domaine submillimétrique jusqu'à l'infrarouge lointain. Le LAB participe aissi à IVS (International Very long baseline interferometry Service). Il est notamment chargé de la cartographie radio à très haute résolution angulaire des sources extragalactiques qui constituent le système de référence céleste. Il est aussi impliqué dans la préparation de la mission d'astrométrie spatiale GAIA. Le LAB est une composante de l'Observatoire Aquitain des Sciences de l'Univers (OASU).
2 - Cf. la nouvelle sur la définition de l'Unité Astronomique ou UA

Source
« Planetary System Disruption by Galactic Perturbations to Wide Binary Stars », Nathan A. Kaib, Sean N. Raymond et Martin Duncan, Nature, 17 janvier 2013.

Contact
Sean Raymond, Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB-CNRS/Université Bordeaux 1)
rayray.sean@gmail.com, 05 57 77 61 60