Traduction SOTT
« Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. Nous sommes pris dans un inéluctable réseau de réciprocités, entraînés dans un destin commun. Tout ce qui touche l'un, touche tous les autres, indirectement. »
~ Martin Luther King Jr
Earth and Sun
© Inconnu
Si nous souhaitons atteindre l'élévation spirituelle ou l'éveil, nous devons arrêter de vivre pour nous-mêmes et commencer à vivre pour les autres, travailler non seulement pour notre propre plaisir, notre confort, notre sécurité et notre image de soi, mais œuvrer pour la libération de toutes les personnes du joug de l'esclavage et de l'oppression.

Il n'y a aucune autre tâche à accomplir, et tout « travail spirituel » réalisé sans cette intention est fondamentalement égoïste et finalement voué à l'échec.

Tous les efforts vers notre propre éveil et élévation spirituelle sont exercés en vain, dans la vanité, s'ils ne sont pas destinés à œuvrer pour le bien des autres. Il nous est facile de rationaliser nos vains concepts de travail spirituel sur nous-mêmes comme un « travail pour les autres », bien que, si nous examinons vraiment nos motivations, nous pouvons voir que nous sommes réellement plus préoccupés par des choses telles que la prospérité financière, la gloire et le prestige, et le simple confort personnel. Nous pouvons également voir que nous ne travaillons pas réellement à améliorer notre propre condition spirituelle, mais que nous réorganisons simplement nos concepts de qui et de ce que nous sommes, afin de convenir à notre disposition affective, en nous concentrant sur « nos blessures » (et nos droits) sans comprendre le contexte dans lequel ces blessures sont créées, un contexte qui affecte et blesse chaque être vivant sur cette planète. En nous croyant nous-mêmes spirituels, nous formulons nos activités personnelles en termes spirituels et leur donnons l'apparence d'un but désintéressé.
« Nous savons que l'un des aspects les plus désagréables du comportement humain est le fait que le sapiens se ment à lui-même avec une fréquence étonnante. Ses mensonges sont tellement astucieux, subtils et parfaits, qu'il peut perdre de nombreuses années de sa vie, juste pour découvrir qu'il s'était trompé et qu'il était lui-même le charlatan. L'objet de cet aveuglement a été très précisément identifié par la psychologie, et se réfère généralement au besoin de l'individu d'avoir un niveau élevé d'estime de soi.

Il existe de nombreuses techniques d'aveuglement et celles-ci sont regroupées sous la catégorie générale de « rationalisation ». Le Professeur Gordon Allport donne cette définition : « La raison fait correspondre ses pulsions et ses croyances envers le monde à la réalité ; la rationalisation fait correspondre son concept de la réalité à ses pulsions et à ses croyances ; le raisonnement révèle les véritables causes de nos actions, et la rationalisation trouve de bonnes raisons pour les justifier ».
~ John Baines, The Stellar Man
Afin d'œuvrer d'une quelconque façon pour les autres en vue de leur libération, pour être efficaces, bien intentionnés et concentrés, nous devons comprendre que nous ne sommes nous-mêmes ni libres, ni tout à fait éveillés. Bien que ce soit un concept impopulaire dont le déni est précisément ce qui nous empêche de nous éveiller et de devenir libre.
« Nul n'est plus désespérément esclave que que ceux faussement convaincus d'être libres. »
~ Johann Wolfgang von Goethe
Ceux qui espèrent justifier leur propre apathie envers la condition humaine et, dans de nombreux cas, qui souhaitent prendre notre argent, nous disent que tout est parfait, que nous sommes parfaits dans notre imperfection. Nous sommes donc autorisés à croire que l'éveil n'implique aucune nécessité pour nous de travailler sur nous-mêmes ou de changer. Beaucoup d'entre nous, dont les consciences sont sporadiquement actives, vont tenter d' «aider les autres », mais cette « aide » a tendance à être entachée par notre propre vanité, essayant de façonner le monde selon notre propre image de soi illusoire. Tels que nous sommes maintenant, nous ne voyons aucune raison réelle de travailler sur nous-mêmes, exception faite d'éviter notre propre souffrance émotionnelle actuelle.

Nous ne réalisons pas qu'œuvrer seulement pour résoudre notre propre souffrance émotionnelle ne nous apportera pas d'état plus spirituel ou moralement plus élevé que celui que nous occupons actuellement. Ainsi, au lieu de travailler sur nous-mêmes sincèrement, de faire le dur labeur d'introspection impartiale et d'auto-correction, nous prenons des « médicaments » (des drogues) neuroleptiques, puissent-ils apparemment être aussi anodins que la méditation. En comprenant le rôle crucial que joue la dissonance cognitive dans notre auto-entretien de l'illusion et de l'oppression, nous en venons également à comprendre que les croyances, elles-mêmes, sont généralement des drogues, des outils de la rationalisation. De par notre faible pouvoir, nous faisons tout pour ne pas regarder la réalité objective. Nous passons des décennies de nos vies complètement détachés de la réalité. Un exemple de la réalité dont je parle, c'est que l'ordinateur sur lequel vous êtes en train de lire ceci a été produit par l'esclavage - et la définition habituelle de l'esclavage doit seulement être légèrement élargie pour rendre ma formulation précise. Si vous regardez, vous verrez, et vous serez horrifiés. À ce stade, nombreux sont ceux qui décrochent en se réconfortant dans leur conviction que tout ce qui est nécessaire pour être spirituel est d'éviter toute chose désagréable, de rester constamment heureux. À quel point nos cœurs sont impitoyables, combien nous sommes pathétiquement dociles et vulnérables face à la réalité.
On ne réalise la nécessité pour tout être humain de travailler sur soi que par un contact franc et inévitablement douloureux avec la réalité de nos concitoyens - à qui chacun de nous est spirituellement connecté, si l'on sait jamais ce qu'est l'amour - qui endurent des tortures et des situations dégradantes que nous ne pouvons même pas imaginer.

Notez que « le Bouddha » ne commença à travailler sur lui-même, chercher la vérité, racheter sa propre ignorance et son apathie, qu'à partir du moment où il vit ce que le peuple ordinaire endurait. Eusse-t-il été influencé par les types de pseudo-spiritualité qui nous influencent, il aurait pensé que c'eut été parfaitement suffisant, et même supérieur pour lui, de rester un prince, à l'abri dans une tour d'ivoire, avec tous les plaisirs qu'un être humain puisse imaginer. Combien d'entre nous se prennent à tort pour des princes, vivant dans des châteaux imaginaires, ou œuvrant dans le seul but de s'y trouver, dans quelque avenir fantastique où toute négativité est magiquement résolue ?

Si nous voulons nous éveiller, nous devons réellement travailler sur nous-mêmes, et pour que nous reconnaissions la nécessité de ce travail, non seulement en théorie, nous devons voir comment notre souffrance personnelle, tout comme notre luxe, sont directement liés (rappelez-vous votre ordinateur) aux conditions inhumaines auxquelles sont confrontés la majorité des êtres humains sur notre planète.

Ce qu'il faut, c'est quelque chose, un certain événement, pour briser notre couche d'indifférence égoïste, notre bulle de personnalité lourdement programmée qui, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, ne s'intéresse pas vraiment aux personnes qui souffrent dans le monde. Si nous sommes plus honnêtes avec nous-mêmes, nous reconnaîtrons que notre personnalité n'est pas réellement qui nous sommes. Comprendre cela, être capable de faire la distinction entre notre personnalité et notre essence est indispensable à l'éveil. Pour s'éveiller, la structure de notre caractère doit se fendre et commencer à se dissoudre, afin de révéler cette partie qui est essentielle en nous - cette partie qui ne veut même pas s'identifier aux absurdités que nous prenons généralement pour notre identité. Nous devons être prêts à nous observer nous-mêmes, à être les témoins et à ressentir la douleur de la famille humaine, à reconnaître notre lien intrinsèque avec tous les êtres humains, et donc toutes les souffrances humaines. Ce que nous avons tendance à ignorer, c'est que la relation entre nos vies pratiquement névrotiques et la souffrance de la classe des esclaves est réciproque - mais il faudrait trop de mots pour l'expliquer pleinement dans cet article. D'une manière assez évidente, en appartenant à une classe privilégiée, nous sommes le reflet de la cause de la souffrance des travailleurs. Bien que, dans une perspective un peu plus large, nous souffrons tous d'une maladie commune, une culture infectieuse et parasitaire collective. Comprendre cela, au-delà d'un accord ou d'un désaccord intellectuel superficiel, nécessite d'examiner et d'étudier ; de nous étudier (plutôt que de nous apaiser) et d'étudier la nature du monde.

Nous ne le faisons pas, principalement parce que nous sommes « drogués. » Il a été dit que « la religion est l'opium du peuple. ». Les opiacés sont des analgésiques qui entraînent apathie euphorique et dépendance morbide. La nouvelle religion de la « pensée positive » et de l'« amour de soi » est la religion la plus perfectionnée inventée jusqu'ici, car elle ne fait peser sur personne une doctrine morale ou la responsabilité envers les autres. Bien sûr, elle prêche « l'amour » envers autrui, mais cet amour est un amour passif et symbolique, un amour commode qui n'a pas à être mis en acte, qui n'a pas à perturber notre inertie et notre confort.

La nouvelle religion se fonde sur l'affirmation de soi, et génère donc des niveaux élevés d'estime de soi, ce qui est peut-être le plus grand de tous les opiacés. Comme la souffrance dans le monde est « négative », la nouvelle religion déconseille d'y prêter attention. Reconnaître la négativité est considéré comme « non-spirituel ». Au lieu de cela, il nous est conseillé de nous concentrer sur notre propre bonheur, excluant de la conscience tout ce qui est susceptible de nuire à notre petit nuage émotionnel. C'est exactement la raison pour laquelle les gens ne vont pas s'éveiller ou « ascensionner ». La religion est le moyen le plus insidieux de contrôle social, car elle empêche exactement ce qu'elle promet de procurer - la libération. Les dogmes New Age de croyance auto-réconfortante sont les plus insidieux de tous les systèmes de croyances historiques, puisqu'ils promettent quelque chose pour rien. Nous devons tous avoir la maturité de reconnaître que rien qui ne le vaille ne s'acquiert sans effort, ou sans en payer le prix.

Les gens qui soutiennent être déjà pleinement éveillés, qui se satisfont des promesses superficielles d'ascension automatique, ou qui imaginent dans leur arrogance naïve qu'ils ont les solutions aux problèmes du monde, bien qu'en fait ils ne comprennent guère ni eux-mêmes ni le monde, sont « libres » de vivre dans leur propre contrées imaginaires - où ils fonctionneront exactement comme prévu, comme des rouages dans la machine. Bien que, pour le bien de toute l'humanité, il soit conseillé et requis qu'ils cessent de faire tout effort pour aider les gens ou pour changer le monde. Je sais que cela semble extrême, mais est-il extrême de remettre en question chacune de nos intentions lorsque nous prétendons nous-mêmes changer la réalité pour d'autres personnes ? Les gens qui se font des illusions et sont pétris de bonnes intentions peuvent faire des choses vraiment stupides et préjudiciables. Vous pouvez me croire, je l'ai fait moi-même. Nous gobons tous notre propre baratin, jusqu'à ce que nous réalisions qu'il est vide de sens.

L'éveil, plutôt que la transcendance, signifie précisément être CONSCIENT de l'état global des choses, de plus en plus et de façon progressive, jusqu'à atteindre le niveau de conscience absolue. La conscience absolue est un objectif au-delà de notre portée, dans nos incarnations actuelles, malgré ce que certains « leaders d'opinion » New Age (ai-je besoin de citer des noms ?) revendiquent actuellement pour eux-mêmes. Pourtant, aussi loin de notre portée que soit la conscience absolue, il n'y a aucune raison de ne pas faire d'effort dans sa direction, en partant exactement d'où nous sommes, un état qui est essentiellement somnambulique. Nous opérons presque entièrement de façon mécanique (sans volonté), et si vous y regardez de plus près, vous le verrez.

Nos efforts devraient être réalistes à présent. En réalité, la grande majorité d'entre nous est incapable de maintenir momentanément la conscience de soi, non diluée par des pensées songeuses, l'analyse et la rationalisation auto-réconfortante (ou dégradation auto-destructrice), pendant plus de quelques secondes. Reconnaître la difficulté de la vision claire, impartiale, et notre état constant d'aveuglement est la première étape - une étape que la plupart des gens ne franchira jamais. Notre premier effort doit être orienté vers la pratique de la conscience de soi, aussi souvent que possible. Cette aptitude n'est pas automatique. Afin de regarder, nous devons d'abord apprendre à regarder, à développer le « muscle » atrophié en nous depuis la naissance. Pour ce faire, le moyen le plus efficace que j'ai découvert est la double pratique de « l'auto-observation » et du « rappel de soi », telle qu'elle est enseignée par Gurdjieff. Ceux qui ont la volonté et la conscience nécessaires étudieront cette pratique pour eux-mêmes. D'autres emprunteront le chemin facile de croire qu'ils savent déjà ce que l'on entend par ces termes et ne sauront donc jamais vraiment. (La croyance empêche souvent la connaissance.). L'« auto-observation » et le « rappel de soi » comportent intrinsèquement la « non-identification », un terme qui offre l'un des plus grands indices d'éveil que je connaisse.

Tout aussi important pour l'éveil est la nécessité d'apprendre à observer le monde, les choses que nous craignons de regarder, objectivement et impartialement. Cette tâche est aussi difficile et aussi nécessaire que de s'observer en toute objectivité. Encore une fois, il faut apprendre à observer, à maintenir le cap sans détourner les yeux. Se voir et voir le monde objectivement, c'est le début du travail d'éveil et, en vérité, le début de « l'existence ». Sans être consciemment relié à une réalité qui nous dépasse, nous vivons seulement dans l'illusion et par conséquent, on pourrait dire que nous « ne sommes pas », plutôt que « nous sommes ».

Mais personne ne reconnaît la nécessité de faire ce genre de travail sans avoir été au préalable indubitablement et douloureusement frappé par l'horreur du monde, l'horreur de la souffrance humaine, et aussi l'horreur de son propre aveuglement.
« Lorsqu'un homme commence à se connaître un peu, il voit en lui-même bien des choses qui ne peuvent pas ne pas l'horrifier. Tant qu'un homme ne se fait pas horreur, il ne sait rien de lui-même. »
~ P.D. Ouspensky
On pourrait dire la même chose à propos de la connaissance du monde. Si nous choisissons de détourner le regard d'un aspect de la réalité, nous nions, en vérité, toute la réalité.

Si nous gardons nos yeux et nos cœurs ouverts assez longtemps, en regardant et en éprouvant la terreur et la douleur du monde, nous serons en mesure de reconnaître que nous ressentons la douleur du monde parce que nous sommes le monde. Telle est la réalité de « l'unité » dans nos incarnations terrestres. Appréhender seulement un aperçu de cette réalité plus large, telle qu'elle s'applique à nos vies physiques et matérielles, est horrible et douloureux. Parfois, une personne sera d'abord horrifiée par son « moi », en découvrant qu'elle n'est pas du tout qui ou ce qu'elle pensait être. C'est tout aussi terrifiant que de réaliser que les sacrifiables enfants esclaves sexuels sont une denrée commune de l'élite et que quelqu'un a pu mourir à cause de la colle qu'ils appliquent à l'arrière de l'écran de votre iPhone (c'est une information que j'ai recueillie auprès d'une source interne, proche de la direction de Foxconn. La tristement célèbre société Foxconn fabrique des iPads et des iPhones dans des camps de travail qui s'apparentent à de l'esclavage). Seuls ceux qui ont la force et le potentiel de l'éveil ne détourneront pas le regard. Les autres continueront à dormir.

Objectivement, tandis que les horreurs de la réalité mentionnées ci-dessus sont en effet négatives dans le contexte de la vie humaine, les reconnaître et ressentir quelque chose à leurs sujets est en fait très positif. En fait, beaucoup d'entre nous se sentent vraiment pleins d'espoir quand vous avez la nausée pour la première fois, quand vous tombez au sol de douleur alors qu'il ne s'agit pas de VOUS. Le jour où, viscéralement, vous reconnaissez quelque chose de plus grand que vous-même, est un jour heureux pour l'humanité. C'est le jour où votre travail spirituel, le labeur sur vous-même et l'œuvre pour le monde, peut commencer. Donc, être positif ne revient pas seulement à générer des états émotionnels positifs ou à obtenir ce que VOUS voulez (ce que veut votre personnalité). Ni à seulement souligner tout le négatif dans le monde. Être positif, c'est faire œuvre positive pour le monde, pas seulement pour vous-mêmes. Et pour faire ce travail efficacement, il faut être capable de voir et de sentir le monde dans toute sa laideur et sa beauté ; se voir et se sentir soi-même dans toute notre laideur et dans toute notre beauté ; et ne pas détourner le regard.

Neo se réveille, Matrix
© InconnuNeo se réveille dans le « monde réel ». Ce qu'il voit est horrible. Son travail commence.