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© DDM, Max LagarrigueÀ 72 ans, Jacques, un Tarn-et-Garonnais a décidé de recruter des agents de renseignement

Notre périple débute dans une charmante bourgade nichée au cœur du Sud-ouest de la France. La vie y est encore rythmée par les clochers de brique rouge. Celui qui prendra le temps de s'arrêter pourra y contempler les champs de pommiers s'évanouir délicatement dans les brumes montant des flancs de Garonne. La vie y est bucolique et paisible. Notre étonnement fut d'autant plus grand d'apprendre les dernières nouvelles de Castelsarrasin relayées par le quotidien local. La Dépêche du Midi du jeudi 18 novembre 2010 annonce nonchalamment la création d'une officine locale promouvant l'espionnage et la dénonciation des citoyens par leurs pairs. En voici les premières lignes :
Castelsarrasin. Le « papy » espion reprend du service

À 72 ans, Jacques, un Tarn-et-Garonnais a décidé de recruter des agents de renseignement.

Retraité d'une entreprise de nettoyage industriel, Jacques K., 72 ans, n'a rien d'un agent secret ni d'un détective privé. Et pourtant, ce Tarn-et-Garonnais d'adoption qui a fait ses armes comme mécanicien dans la patrouille de France est en plein recrutement d'agents de renseignement sur le Tarn-et-Garonne. Pour qui ? Pour quoi ? On pourrait croire à un canular ou à un «hoax» tout droit sorti du web... Et pourtant, il n'en est rien. Le septuagénaire, qui ne fait pas mystère d'avoir été l'un des aviseurs de feu les renseignements généraux (RG), a depuis peu repris du service pour le compte de l'Anfass (l'Association nationale fraternelle des anciens des services de sécurité). Un club d'anciens combattants, de l'armée, de la police, des services secrets constitué depuis 2008 et dont le siège est basé à Limoges.
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Iconographie hollywoodienne de l'espion : beau, intelligent et, évidemment, au service du bien
Je vous ferai grâce de la série de litanies que constitue la suite de cet article. On y retrouve la propagande habituelle : sécurité, réduction de la criminalité, lutte contre le terrorisme, et l'emploi évidemment innocent de termes comme « papy » positivement connoté, ou « agent secret » évoquant une symbolique positive largement colportée par Hollywood.

Comme souvent, la réalité est moins rose et les véritables objectifs de ces espionnages et dénonciations entre citoyens sont connus depuis la nuit des temps. Dès 1786, ce mode de pensée est formellement attesté dans les déclarations mêmes d'Adam Weishaupt, le fondateur des Illuminati, cité dans l'article : « Aux larmes citoyens ! » :
« On faisait en sorte que le jeune Illuminé ne sache jamais combien de regards de supérieurs inconnus étaient posés sur lui (il ne connaissait que ses supérieurs immédiats) ; on lui apprenait à dénoncer son entourage, et il en déduisait que son entourage le dénonçait aussi. C'est le principe de base de la terreur, que l'on ne peut jamais totalement instaurer uniquement par le meurtre, la torture ou l'emprisonnement ; seul le fait de savoir qu'elle ne peut faire confiance à personne, pas même à son propre fils, ou père, ou ami, réduit la victime humaine à une soumission totale. [...] »
Ainsi la destruction du lien social, de la confiance, de la solidarité est l'élément-clef pour répandre la terreur. Et une fois que l'individu est dominé par la peur, il devient parfaitement malléable, prêt à accepter l'inacceptable, prêt à tout pour éviter que ses peurs ne se matérialisent. Plus récemment, la Gestapo a révélé un mode opératoire similaire :
« Les recherches académiques montrent qu'il était fréquent que l' [Allemand] moyen entretienne une vision idéaliste du régime pendant cette période. Plus de 40% des Allemands interrogés au cours d'un projet de recherche mené après la Deuxième Guerre mondiale ont déclaré que les années 30 étaient le « bon vieux temps ». Étant donné que cette étude a été menée en 1951, alors que les Allemands connaissaient parfaitement la réalité des camps d'extermination, cette statistique en dit long.

Aussi surprenante que soit la découverte de la satisfaction des Allemands pendant les années 30, ce n'est rien comparé aux récentes révélations sur l'infâme police secrète des nazis - la Gestapo.

Selon la mythologie populaire, la Gestapo jouait le rôle terrifiant d'un instrument de terreur au pouvoir immense et qui voyait tout, oppressant une population reluctante. Mais tout cela est bien loin de la vérité.
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La bucolique ville de Würzburg

Pour découvrir la véritable histoire, il faut se rendre dans la ville de Würzburg, dans le Sud-Ouest de l'Allemagne. Würzburg est une ville comme une autre à l'exception d'un seul détail : c'est l'une des trois seules villes européennes où les archives de la Gestapo n'ont pas été détruites par les nazis à la fin de la guerre. On trouve dans les archives de Würzburg 18000 dossiers de la Gestapo dont la survie découle plus de la chance qu'une quelconque volonté délibérée ; la Gestapo était sur le point de brûler ces documents lorsque les troupes étasuniennes sont arrivées. Ils avaient commencé à les brûler en suivant l'ordre alphabétique ; ils restent donc peu de fichiers commençant par les lettres comprises entre A et D, mais pour le reste les dossiers sont complets.

Le professeur Robert Gellately, basé dans l'Ontario (Canada), est la première personne à avoir pris connaissance de ces documents secrets. Alors qu'il commençait à les étudier, un vieil allemand vit ce sur quoi il travaillait et lui dit : « vous voudrez peut-être m'interviewer, car je vivais ici à cette époque, et je sais beaucoup de choses ».

Le professeur Gellately s'entretint autour d'une tasse de café avec le vieil homme et lui demanda combien il y avait d'officiers de la Gestapo dans cette région. « Ils étaient partout » répondit le vieil homme, confirmant la perception habituelle de la Gestapo. Pourtant, après avoir étudié les fichiers, le professeur Gellately découvrit que la Gestapo ne pouvait simplement pas être « partout ».

Würzburg se trouve dans la région administrative de la basse Franconie, un district regroupant approximativement 1 million de personnes. Pour toute cette zone, il y avait exactement 28 représentants de la Gestapo. 22 s'occupaient de Würzburg, dont quasiment la moitié s'occupait exclusivement de tâches administratives.

Les faits démontrent que l'idée selon laquelle la Gestapo espionnait en permanence la population est un mythe. Alors, comment un nombre aussi faible d'individus pouvait-il exercer un tel contrôle ?

La réponse est simple : la Gestapo recevait une aide énorme des citoyens allemands. Comme dans tout système judiciaire moderne, la Gestapo dépendait entièrement de la coopération dont elle bénéficiait - et les fichiers révèlent que la population a très bien coopéré, faisant de la Gestapo une police secrète effectivement très efficace.

Seulement 10% approximativement de tous les crimes politiques commis entre 1933 et 1945 furent découverts par la Gestapo ; un autre 10% furent transmis à la Gestapo par la police régulière ou le parti nazi. Cela signifie qu'approximativement 80% des crimes politiques furent découverts par des citoyens ordinaires qui ont transmis les informations à la police ou à la Gestapo. Les fichiers démontrent également que la plupart de ces « coopérations non rémunérées » provenaient d'individus ne faisant pas partie du parti nazi - il s'agissait de citoyens « ordinaires ».

Pourtant, il n'y avait aucune obligation de dénoncer ou d'espionner. La majeure partie des fichiers conservés dans les archives de Würzburg furent créés suite à une dénonciation faite par un non-membre du parti nazi à l'encontre d'un de ses pairs. Bien loin d'une organisation recherchant activement ses ennemis politiques par elle-même, la principale tâche de la Gestapo était d'étudier les dénonciations spontanées qu'elle recevait.
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Humiliation d'un couple mixte par les nazis

Les fichiers sont remplis d'histoires illustrant les viles motivations des individus à l'origine des dénonciations. L'un des fichiers révèle qu'un vendeur de vin juif de Würzburg entretenait une liaison avec une non-juive, veuve depuis 1928. Il restait fréquemment coucher chez elle depuis 1930 et ils avaient déclaré leur intention de se marier. Le fichier démontre que la nomination d'Hitler au poste de chancelier coïncide avec le moment où les voisins de la veuve ont commencé à se plaindre de la présence de ce juif et à l'invectiver dans l'escalier collectif. Suite à cela, il cessa de dormir chez la veuve, mais il continua à l'aider financièrement et à partager des repas avec elle.

Alors une dame âgée de 56 ans qui vivait dans la même maison envoya une dénonciation écrite à la Gestapo. Elle se plaignait que la veuve entretenait une relation avec un juif, quoique cela n'eût à l'époque rien d'illégal. Grâce aux correspondances entre le parti nazi et la police, il apparaît que cette dame et un autre voisin firent pression sur le parti pour qu'il agisse. Alors le parti nazi local fit pression sur la SS, qui, en août 1933, amena l'homme de confession juive au poste de police avec un écriteau autour du cou.

L'écriteau portant un message révoltant écrit à l'encre rouge sang est toujours soigneusement conservé dans les archives. En lettres finement écrites, on lit : « Ceci est un juif, Monsieur Müller. J'ai vécu dans le péché avec une femme allemande ».

Monsieur Müller fut emprisonné pendant plusieurs semaines puis quitta définitivement l'Allemagne en 1934. Il n'avait nullement enfreint loi loi allemande.

La dénonciation devint un moyen par lequel les Allemands pouvaient faire entendre leur voix dans un système qui faisait dos à la démocratie ; vous voyez quelqu'un qui devrait faire l'armée mais qui ne la fait pas, vous le dénoncez ; vous entendez quelqu'un faire une blague sur Hitler, vous le dénoncez aussi. La dénonciation pouvait aussi être utilisée à des fins personnelles : vous voulez l'appartement qu'occupe une vielle dame juive - vous la dénoncez ; vous n'aimez pas votre voisin - vous le dénoncez aussi.
On commence donc à entrevoir que l'enjeu principal de tout régime totalitaire est la manière de penser et d'agir de ses citoyens. En chacun d'entre nous se joue donc ce conflit fondamental. D'un côté le lien social, la confiance, la responsabilité ; de l'autre la peur, l'égotisme, le repli sur soi.

Posée ainsi, l'équation est simple et sa solution évidente, mais les choses se compliquent lorsque la propagande médiatique, la censure, les incarcérations massives, les violences policières, les pressions économico-financières, les opérations faux-drapeaux, le comportement de concitoyens souffrant de déficiences morales exercent une pression grandissante.

Une des phases ultimes de la fascisation d'une société apparaît lorsque ces influences ne sont même plus nécessaires et que la population renie de son propre gré solidarité et responsabilité. Andrew Lobaczevski décrit ce processus et ses conséquences dans Ponérologie Politique (p.188) :
« C'est la société elle-même qui par ses processus de pensée inversive a recours à la terrorisation de la pensée. Il n'est dès lors plus besoin de censurer la presse, le théâtre, les émissions de radio ou de télévision, puisqu'un censeur pathologiquement hypersensible se trouve parmi les citoyens. Quand trois "égo" gouvernent : l'égoïsme, l'égotisme, et l'égocentrisme, alors le sentiment des liens sociaux et de responsabilité disparaissent, et la société éclate en groupes de plus en plus hostiles les uns aux autres. Lorsque dans un environnement hystérique il n'y a plus de distinction entre les opinions de gens limités, pas entièrement normaux, et celles de personnes normales et raisonnables, des facteurs pathologiques de natures diverses sont activés. Les individus ayant adopté une vision pathologique de la réalité et des objectifs anormaux du fait de leur nature différente développent leurs activités dans ces conditions. Quand une société donnée ne parvient pas à surmonter l'état d'hystéricisation dans son environnement ethnologique et politique, il peut en résulter d'immenses tragédies sanglantes. »
Refermons cette parenthèse qui met en lumière le véritable objectif de ces espionnages et dénonciations entre citoyens et revenons à notre sympathique papy castelsarrasinois. La version numérique de l'article de la Dépêche omet une image pourtant incluse dans la version papier dont voici une copie :
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© La DépêcheGros plan sur la carte présentée par Jacques, le sympathique retraité dénonciateur.
On y distingue nettement le terme « A.N.F.A.S.S » (Association Fraternelle des Anciens des Services de Sécurité) encadré dans le « delta lumineux » et surmonté de l' « œil d'Horus » (l'œil du dieu égyptien qui voit tout). La similitude avec le symbolisme maçonnique est intéressante :

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© GLNFSculpture conservée dans le musée de la GLNF
Lorsqu'on se penche un peu plus sur cette « association fraternelle », fraternelle étant le terme consacré pour qualifier « une association indépendante des obédiences maçonniques qui regroupe des francs-maçons de même profession ou de mêmes affinités », il apparaît que son fondateur Claude Ranfaing est :
Un ancien « Sicut Aquila », une troupe d'élite de fusiliers commandos de l'armée de l'air française. Il a servi à la BRCS (Brigade de recherche et de contre-sabotage en Algérie, 1956-1962) de Maison-Blanche et a aussi été détenu à la villa Susini, un centre de détention et de torture pendant la guerre d'Algérie.
Accessoirement, Claude Ranfaing est aussi le grand prieur de l'Ordre souverain et militaire du temple de Jerusalem. Voici une interview vidéo de l'intéressé :


Espérons que Claude Ranfaing manie les techniques de la Gestapo aussi mal que la langue de Molière...

L'ANFASS est un réseau national de dénonciation et d'espionnage citoyen parfaitement structuré :

Difficile aujourd'hui d'évaluer les effectifs que regroupe cette association mais, selon une source interne à l'Anfass, le millier devrait être atteint prochainement. Selon les données d'Agnès Tarasso, secrétaire de l'association, à l'heure actuelle, plus d'un tiers des départements dispose d'une délégation. Pour information, une délégation est une sorte de quartier général vers lequel toutes les « informations » convergent. « L'Anfass à couverture nationale, ne comptant pas sur les déclarations d'intention, met en place dans chaque département un comité de vigilance dirigé par un délégué. »
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Nicolas Sarkozy et Alain Bauer
Incidemment, l'ANFASS a été créée en 2008. Son existence est officielle et médiatisée. Nul doute que notre cher président en a été informé et qu'il a donné son blanc-seing, voire commandité la création de cette sinistre organisation. Or, depuis 2007, un homme règne sur la sécurité et le renseignement en France : Alain Bauer, qui fut accessoirement Grand Maître du Grand Orient de France de 2000 à 2003 et qui exerce désormais ses grandes vertus humanistes dans le culte de la peur, l'établissement d'un État ultra-sécuritaire et le flicage de ses concitoyens...

Comme le précise République des Lettres :
Pendant la campagne présidentielle de 2007, il [Alain Bauer] aide le candidat à préparer ses émissions de télévision sur les questions de délinquance, de sécurité, de banlieues et de justice. Il organise même en son honneur un dîner réunissant les Francs-maçons de « Dialogue et Démocratie française ». Devenu Président de la République, Nicolas Sarkozy le place à tête de la Commission Nationale de Vidéosurveillance.
Depuis, Bauer cumule les postes à responsabilité dans le secteur, comme rapporté sur son propre site Internet :
Président du Groupe de travail sur les fichiers du Ministère de la Justice (depuis 2010),
Président du Groupe de travail sur les fichiers des douanes (2009-2010)
Président du Groupe de contrôle des fichiers de police (depuis 2008)
Rapporteur du Groupe de travail sur la police au quotidien (2007)
Président du Groupe de travail sur les fichiers de police (2006-2008)
Président du Conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance (depuis 2003)
[Puis] président de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (depuis 2010)
Vice-président de Francopol (depuis 2009),
Cette multiplication de titres pourrait être expliquée par les perspectives d' « unification » poursuivies par l'intéressé, qui accéderait alors au pouvoir suprême, Grand architecte de la sécurité, Big Brother à la française qui, épiant nos moindres faits et gestes, contrôle, censure, incarcère ou torture au moindre battement de paupière.
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Locaux de l'Agence du Renseignement Intérieur (NSA) à Fort Meade (Maryland)
Envisageant de créer un Conseil National de Sécurité sur le modèle de la « National Security Agency » américaine (NSA), le même [Alain Bauer] bénéficie d'un rapport très remarqué sur le sujet, co-signé par Alain Bauer et Michel Rocard dans la Revue de la Défense Nationale d'octobre 2007. Placée directement sous l'autorité du chef de l'État et regroupant plusieurs organismes de recherche stratégique (IHEDN, INHES, IERSE, CHEAR), cette structure initiée à l'origine par le très atlantiste député UMP Pierre Lelouche permettrait au pouvoir présidentiel de contrôler tous les instruments d'analyse et de renseignement du pays.
Comme on pouvait le prévoir, l'ascension d'Alain Bauer n'a pas grand-chose à voir avec la chance ou le mérite. Inévitablement, la question se pose : « qui est (vraiment) Alain Bauer ? » Et là, attachez-bien vos ceintures car nous entamons un de ces trop nombreux chapitres où la réalité dépasse malheureusement la fiction.

Diplômé d'un simple DESS, rien ne laissait présager d'une telle carrière. À 15 ans, il rejoint le Parti socialiste ; à 18 ans, il entre au Grand Orient de France, et à 23 ans, il devient membre de la commission de contrôle de Force Ouvrière, dont la création par la CIA est amplement documentée.

Une telle précocité pourrait être due à l'influence parentale, dont on sait malheureusement peu de chose hormis ces quelques éléments issus de Wikipedia :
Fils de Georges Bauer et de Monique Ejzenberg, Alain Bauer est un descendant de familles juives.
Le Réseau Voltaire est plus prolixe que la biographie de Wikipedia quant au parcours sulfureux de l'intéressé. Extraits choisis de l'article « Alain Bauer, de la SAIC au GOdF », publié en octobre 2000 :
SAIC, Science Application International Corporation, est une firme privée créée à San Diego (Californie) en 1969. Fournisseur d'infrastructures technologiques pour les administrations fédérales américaines, la compagnie s'est rapidement développée jusqu'à atteindre un chiffre d'affaires de 5,5 milliards de dollars et un bénéfice net de 619 millions de dollars, en 1999. Elle emploie 41 000 personnes, dispose de 350 bureaux dans le monde, dont une quarantaine en Europe, souvent situés dans des bases militaires américaines. En 1996, les contrats du gouvernement fédéral représentaient 79 % de son chiffre d'affaires, dont plus de la moitié pour le Pentagone. La SAIC est aujourd'hui considérée comme la « vitrine des services spéciaux américains », dont elle sous-traite l'ensemble des besoins industriels.[...]
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Locaux de la SAIC à San Diego

Dans la seule période 1992-1995, la SAIC a engagé 198 anciens colonels et généraux de l'armée des États-Unis. La SAIC a compté parmi ses administrateurs les anciens secrétaires à la Défense William Perry et Melvin Laird, et les anciens directeurs de la CIA John Deutch et Robert Gates. Elle compte actuellement comme administrateurs le général Wayne A. Downing (ancien commandant en chef des forces spéciales), le général Jasper Welch (ancien coordinateur du National Security Council), et l'amiral Bobby Ray Inman, (ancien directeur de la NSA et ancien directeur adjoint de la CIA).[...]

Le président-fondateur, J. R. Beyster, docteur en physique nucléaire, est devenu une personnalité américaine de premier plan. Il préside également la National Commission on Entrepreneurship et la Foundation for Entreprise Development, qui promeuvent la libre entreprise et l'usage des stock-options. Il a participé à la rencontre du groupe de Bilderberg en 1999. [...]

Le Département de la Justice a sous-traité à la SAIC le programme de formation et d'assistance technique aux polices étrangères (International Criminal Investigate Training Assitance Programm - ICITAP). En février 1999, sa directrice, Janice Stromsem, a été relevée de ses fonctions après s'être plainte que la CIA utilisait ce programme pour recruter des policiers étrangers.

En 1993, Alain Bauer a séjourné sept mois au siège de la SAIC à San Diego (Californie). À l'issue de ce stage, il est devenu vice-président pour l'Europe de la SAIC. En 1994, il a créé sa propre société de conseil et de formation en sécurité, AB Associates, qu'il a domicilié à proximité des locaux de la SAIC-Europe au CNIT-La Défense. Il a alors abandonné ses fonctions de vice-président de la SAIC-Europe pour celles de senior consultant. Au tour de table constitutif du capital d'AB Associates, on trouve la SOCADIF, la société d'investissements de l'ex-journaliste d'extrême droite Patrick Grumelart (qui tenta de racheter Minute en 1985).

Compte tenu de l'absence de l'ICITAP en France, et de la rivalité qui oppose l'ICITAP américain au SCTIP français, certains officiers s'interrogent sur une possible utilisation d'AB Associates comme cheval de Troie dans les milieux policiers français. Cette interrogation est renforcée par les liens qui unissent Alain Bauer à Émile Perez (figure emblématique du SCTIP, ancien secrétaire général du syndicat des commissaires et co-auteur avec Alain Bauer d'un ouvrage sur le crime en Amérique). Cette interrogation se poursuit avec la tentative de déstabilisation du directeur central des Renseignement généraux, Yves Bertrand, par Alain Bauer, et la candidature évoquée d'Émile Perez à la DCRG.

Ce questionnement est à rapprocher des critiques émises par diverses organisations (Syndicat de la Magistrature, Ligue des Droits de l'homme, CESDIP, etc...) à l'encontre des théories policières et pénales que les États-Unis tentent d'imposer comme normes internationales, et que tentent de populariser en France Alain Bauer et Xavier Raufer. Or, Xavier Raufer (de son vrai nom Christian de Bongain), éditeur et collaborateur d'Alain Bauer, est lui-même connu pour sa proximité avec les services américains. Il a en effet été recruté par Georges Albertini dans les années soixante-dix et a assuré la liaison entre les autorités taïwanaises et le patronat français. Par la suite, dans les années quatre-vingt, il fut membre du National Strategy Information Centre de Washington, une structure privée créée par l'ex-directeur de la CIA William Casey et alors présidée par Roy Godson.

AB Associates propose notamment des audits en sécurité pour les collectivités locales. Ils sont facturés 100 000 à 900 000 F. On peut s'interroger sur les motivations exactes des collectivités qui souscrivent un tel service alors que l'Institut des Hautes Études de la Sécurité Intérieure (IHESI) réalise des audits de qualité à 35 000 F. On remarque, qu'à la différence de l'IHESI qui préconise des réorganisations pour créer des synergies entre services, AB Associates recommande parfois aux communes clientes de résoudre leurs problèmes en acquérant des matériels de sécurité, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives commerciales. Il a par exemple conseillé la mairie de Vitrolles en matière d'acquisition de système de vidéo-surveillance et d'armes de guerre (pistolets Glock 17), nous confirme l'ancien maire Jean-Jacques Anglade.
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Vals mime Bauer : transfuge "socialiste", cité dans l'affaire corse et de la MNEF, membre de l'Infini maçonnique
Alain Bauer a choisi Nathalie Soulié comme secrétaire d'AB Associates, de 1994 à 1997. Mme Soulié est l'épouse de Manuel Valls, actuel porte-parole du Premier ministre. Alain Bauer et Manuel Valls ont été tous deux cités dans l'affaire de la MNEF, dont ils furent administrateurs sous le premier septennat de François Mitterrand. Leurs noms, ainsi que celui du journaliste Guy Benhamou, ont également été cités dans l'affaire corse, alors que les trois hommes fréquentent la même loge du GOdF, L'Infini maçonnique [...].

Le 11 septembre 2000, les bureaux de la SAIC-Europe ont été transférés à Londres, C'était le premier jour ouvrable après qu'Alain Bauer a été élu à la présidence du Grand Orient de France. Interrogé par notre consœur du Point, Sophie Coignard, Alain Bauer a indiqué avoir été approché et recruté par la SAIC. A Judith Perrignon de Libération, il a assuré qu'il n'avait pas le droit de parler du sujet sur lequel il avait travaillé à la SAIC. A Ghislaine Ottenheimer de France Soir, il a déclaré avoir cessé toute collaboration avec la SAIC depuis 1994 et ignorer que la société américaine ait eu un bureau au CNIT-La Défense, à proximité de celui d'AB Associates. Enfin, Alain Bauer a refusé nos demandes réitérées d'interviews et a souhaité avoir connaissance avant publication de nos articles le concernant, ce à quoi nous n'avons pas donné de suite.
Après 2000, le parcours d'Alain Bauer demeure étonnamment « exotique » pour un individu censé incarné les plus hauts standards de l'humanisme. Il passe 3 années à la tête du Grand Orient (jusqu'en 2003), puis monte en puissance dans le secteur de la sécurité jusqu'à littéralement devenir le Super Dupont de la Sécurité. Et c'est bien dans ce dernier rôle que ses véritables desseins commencent à se révéler.

Au passage, Alain Bauer en profitera pour ajouter quelques casseroles retentissantes à son CV qui ferait désormais blêmir le patriarche calabrais le plus aguerri :

- Lauréat du « Big Brother Award » décerné par en 2002 l'ONG « Privacy International » pour l'ensemble de son œuvre

- En 2006, il se retrouve cité dans l'affaire Clearstream et la police perquisitionne son domicile

- Obtention en 2009, sur intervention de Valérie Pécresse auprès du CNAM, d'une toute nouvelle chaire de criminologie taillée sur mesure, au grand dam des enseignants et -
- Responsabilité directe dans le fichage des Roms , du propre aveu du ministre de l'Intérieur

Alain Bauer s'est également illustré dans l'affaire dite de Tarnac. Tout commence avec l'utilisation de fers à béton pour endommager le caténaire d'un TGV. Jusque-là, rien de vraiment dramatique : une dégradation de bien public tout au plus.
Mais le gouvernement en général et Alain Bauer en particulier s'emparent rapidement de l'aubaine. Ils dramatisent les faits, qualifient l'acte de terrorisme, établissent des parallèles plus qu'hasardeux avec Action Directe ou les Brigades Rouges (rien de moins). Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, qualifiera même l'auteur présumé de « terroriste d'ultra gauche ».
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© LibérationLibération, propriété d'Edouard de Rothschild, prend la défense d'un anarchiste et stigmatise le pouvoir UMP

Une victime expiatoire des fantasmes sécuritaire d'Alliot-Marie et de Bauer est désignée. Il s'agit de Julien Coupat, un ex-doctorant de l'EHESS qui a commis le crime d'opter pour un mode de vie alternatif et vit désormais dans le Larzac sur le plateau de Millevaches. Face à une absence totale de preuves et d'aveux qui viendraient corroborer leurs assertions fantaisistes, les autorités n'hésiteront pas à avoir recours à des techniques peu reluisantes :Détention et intimidation d'Yldune Levy, la compagne de Julien Coupat ; et création d'un faux témoin à charge (le fameux témoin X).

Malgré un dossier déséspérement vide, Julien Coupat sera emprisonné à l'initiative de Bauer. Après 6 mois de détention, Coupat obtiendra sa libération, qui marquera l'humiliation d'un gouvernement qui venait de révéler sa paranoïa, sa propension à recourir aux techniques les plus viles, son culte du mensonge et de l'intimidation et sa volonté d'instiller la peur dans l'esprit des Français.

Voici ce qu'en dit Andrea Tallioci, de la Commission indépendante des juristes sur les droits humains en Europe :
En France, des jeunes vivant de manière alternative (NdE : Julien Coupat et ses amis) ont passé six mois en prison, uniquement pour satisfaire les fantasmes sécuritaires de Monsieur Alain Bauer et de Madame Alliot-Marie. Quand la justice a souligné à quel point le dossier Coupart/Tarnac est vide, le ministère de l'Intérieur a sorti de nouveaux mensonges...

La police et l'État détiennent un pouvoir immense par rapport au simple citoyen. Ils ont le droit de nous envoyer dans un endroit très désagréable, de détruire nos vies quotidiennes, de nous espionner... voire de nous abattre si nous faisons mine de résister. Tout cela au nom de la protection de l'ordre public. Ce pouvoir est immense et nous, en face, nous n'avons quasiment rien. Devant un tribunal, un mensonge de la part d'un policer aura toujours plus de poids que la vérité dite par un simple citoyen. La police ne se comporte plus en protecteur des civils, mais en pouvoir autonome qui nous considère, nous les civils, comme des ennemis potentiels.

Quand la police patrouille dans les rues, quand elle surveille une manifestation ou une simple fête de voisinage, elle est dans le même état d'esprit que les soldats britanniques qui patrouillent en Iraq ou en Afghanistan. Les citoyens sont les « autres », vaguement menaçants, qu'il faut mater s'ils font mine de ne pas respecter notre autorité. Voilà ce qu'est devenue notre démocratie.
Voilà donc le fin mot de l'histoire. Tout est bien qui finit bien et, éreinté par ce rude combat, tel David victorieux du Goliath des temps modernes, Julien Coupat retourna soulagé dans sa vieille ferme où les moutons bêlèrent à l'unisson pour célébrer le retour de leur maître bien-aimé.

Mais depuis quand les médias révèlent-ils unanimement la nature délétère du régime qui les contrôle ? Depuis quand se portent-ils comme un seul homme au secours d'une victime innocente du pouvoir en place ? Depuis quand les dossiers d'instruction vraiment gênants atterrissent-ils sur le bureau des rédactions ?

Seul un esprit particulièrement paranoïaque pourrait imaginer que l'affaire de Tarnac fut un coup monté savamment orchestré pour orienter la masse grandissante de citoyens révoltés par les agissements du gouvernement vers le héros et martyr Julien Coupat et ses recommandations pour en finir avec le régime actuel.

La séquence est pourtant d'une logique implacable :

1/ - révélation des exactions commises par le gouvernement (faux témoins, détention arbitraire, intimidation,...) afin de mobiliser tous les Français excédés par Sarkozy et ses dérives.

2/ - création et hyper-médiatisation d'un héros-martyr en la personne de Julien Coupat auquel les Français s'identifient, lui accordant mérite, courage, intégrité et sympathie.

Apparaît alors la pièce finale du puzzle avec ce manifeste d'extrême gauche intitulé L'Insurrection qui vient, dont la rédaction sera attribuée à Coupat par les autorités française. Alain Bauer sera l'un des principaux promoteurs de l'ouvrage, comme le rapporte Causeur.fr :
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Assassinat de Georges Besse par Action Directe en 1986
Bauer n'hésite pas une seconde, casse sa tirelire et achète quarante exemplaires de L'Insurrection qu'il distribue illico à tous les patrons de la sécurité intérieure. Il accompagne tout ça, non pas d'une boîte de chocolats, mais d'une note circonstanciée où il explique que nous sommes potentiellement exposés au risque d'une dérive politico-militaire similaire à celle d'Action Directe à la fin années 1970.
Le résultat ne se fait pas attendre, l'ouvrage est cité ad nauseam par les médias et les politiques, ses ventes explosent, il est réédité et traduit.

Depuis quand les médias et le pouvoir promeuvent-ils des ouvrages qui les dérangent ?

Les techniques utilisées pour lutter contre un livre qui dérange sont connues et appliquées avec succès depuis des lustres : éviter sa publication (menace, envoi d'un gros chèque à l'auteur en échange de son silence, achat des droits et non édition, « suicide » de l'auteur,...) ou minimiser son impact s'il est publié (non médiatisation, non promotion, publication d'un ouvrage avec le même titre et largement diffusé...)

Pourquoi le pouvoir n'a-t-il pas enterré l'ouvrage et a, en lieu et place, largement médiatisé l'œuvre soi-disant incriminée ? Car il s'agit de la 3e étape incontournable du scénario présenté ci-dessus :

3/ Médiatisation et orientation des masses excédées vers les solutions préconisées par le martyr dans L'insurrection qui vient.

Au fait, que contient au juste cet ouvrage ? Certes, le titre ne laisse guère planer beaucoup de doutes. Ces derniers sont définitivement levés par les dernières lignes du premier chapitre :
Ce livre est signé d'un nom de collectif imaginaire. Ses rédacteurs n'en sont pas les auteurs. Ils se sont contentés de mettre un peu d'ordre dans les lieux communs de l'époque, dans ce qui se murmure aux tables des bars, derrière la porte close des chambres à coucher. Ils n'ont fait que fixer les vérités nécessaires, celles dont le refoulement universel remplit les hôpitaux psychiatriques et les regards de peine. Ils se sont faits les scribes de la situation. C'est le privilège des circonstances radicales que la justesse y mène en bonne logique à la révolution. Il suffit de dire ce que l'on a sous les yeux et de ne pas éluder la conclusion.
Le collectif enfonce le clou dans son deuxième opus :
Dédié « fraternellement » à Alain Bauer, le fameux conseiller ès criminologie et lutte anti-terroriste de l'Élysée à l'origine de l'arrestation de Julien Coupat et de ses camarades de Tarnac, il est sobrement intitulé «Ingénierie sociale et mondialisation». En exergue de ce libelle d'une quarantaine de pages paranoïaques et brillantes, on peut lire l'article 35 de la « Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » de 1793, couramment attribuée à Hérault de Seychelles : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
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La Déclaration des Droits de l'Homme surmontée du Delta lumineux et de l'œil d'Horus
En janvier 2010, Alain Bauer en remet une couche en publiant Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire, référence à peine voilée au Comité Invisible dont, selon Bauer, les prophéties seraient inévitablement amenées à se produire.

Remarquons également que le 2e ouvrage du Comité Inivisible prend directement pour modèle la Révolution française et cite dans le texte la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen.

Du propre aveu d'Alain Bauer, ex-grand maître du GOdF, la Révolution fut l'œuvre de la franc-maçonnerie :
« La franc-maçonnerie cherche- t-elle à conquérir le pouvoir ? A.B. : Mais elle l'a eu ! Elle a créé la République » . L'orchestration de l'intégralité de l'événement par une poignée de franc-maçons (ou plus précisément d'agents des véritables élites ayant infiltré la franc-maçonnerie pour disposer d'une couverture) est en effet largement documentée.

Deux siècles plus tard, l'Histoire est-elle en train de se répéter sous nos yeux ? Alain Bauer est-il en train d'attiser le mécontentement public tout en orientant ces mécontents vers une « solution » violente et en dirigeant au sein du gouvernement la prévention et la gestion de ces mêmes accès de violence ? Alain Bauer serait-il des deux côtés de l'échiquier, tirant à la fois les ficelles des rebelles et des forces loyalistes ?

Dans le monde actuel, on ne se retrouve pas Grand Maître de la plus grande obédience maçonnique de France, vice-président Europe de la vitrine de la CIA et expert gouvernemental de la sécurité par hasard. Nul doute que les élites invisibles ont minutieusement piloté Bauer tout au long de son parcours. Dans ces sphères-là, rien n'étant gratuit, quelles sont les missions qui lui ont été attribuées ? Quelles tâches devra-t-il accomplir en échange de ces parachutages successifs ?

Force est de constater que la rhétorique douteuse pérorée par Bauer nous rappelle fortement l'idéologie néoconservatrice qui s'est abattue telle la gale sur les États-Unis : hystérisation du peuple, stigmatisation des peurs, espionnage des citoyens, réduction des droits civiques, accroissement de la répression... Alain Bauer promeut et utilise les mêmes techniques que celles appliquées par Dick Cheney et ses acolytes. La seule différence est que les États-Unis ont quelques années d'avance, principalement grâce aux événements du 11 septembre et des peurs aveuglantes qu'il a générées au sein de la population étasunienne.

Quelle est la prochaine étape ? Suivrons-nous la voie ouverte par les États-Unis avec l'organisation d'un acte terroriste sur le territoire français commodément attribué à tel ou tel groupuscule ? Ou est-ce plutôt le déclenchement d'une guerre civile qui permettra de « justifier » l'établissement d'un régime fasciste ultra-sécuritaire ? Est-ce qu'acte terroriste ET guerre civile pilotés en sous-main par les autorités sont au programme afin de maximiser la terreur et l'asservissement subséquent du peuple français ?

Quel que soit le scénario appliqué, le même objectif est en ligne de mire : la destruction de la société française et l'établissement d'un régime fasciste ultra-répressif. Mais un tel dénouement ne peut se produire sans l'assentiment du peuple français et l'exercice de son libre arbitre.

Alors, lorsque nous devrons faire face à ce choix fondamental entre la peur, la violence, les mensonges d'un côté et la responsabilité, la solidarité et la vérité de l'autre, que choisirons-nous ? De ce choix dépendra l'issue.

Ensemble nous triompherons, divisés nous échouerons.