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© Crédits photo : Alexander Khlopotov/APUne cinquantaine de fragments sont étudiés dans un laboratoire de l'université fédérale de l'Oural, à Yekaterinburg.
VIDÉO - Les scientifiques russes ont trouvé une cinquantaine de morceaux de 1 à 10 mm. Les ingénieurs de la Nasa cherchent quant à eux toujours à déterminer plus précisément la taille du bolide dévastateur.

La boule de feu et l'énorme onde de choc enregistrées vendredi matin au-dessus de Tcheliabinsk, en Russie, n'étaient ni une nouvelle arme testée par les Américains ni une intervention divine, mais bel et bien une météorite. Des scientifiques de l'université de l'Oural en ont retrouvé dimanche des fragments aux environs d'un trou de huit mètres de large découvert vendredi dans le lac gelé de Tchebarkoul, à 70 kilomètres au sud-ouest de la ville ouvrière. Les 53 morceaux de roche brûlée font entre 1 mm et 1 cm de large et attestent de la nature extraterrestre du bolide, selon Viktor Grokhovski, chef de l'expédition et membre de l'Académie des sciences russe.

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Il s'agit plus précisément de chondrites, à savoir de la pierre brûlée contenant moins d'un tiers de métal. «C'est le cas de neuf météorites sur dix», rappelle Mathieu Gounelle, cosmochimiste au Muséum d'histoire naturelle. «Ces fragments-ci contiendraient environ 10% de fer selon les premières estimations des scientifiques russes», précise-t-il. «Il va falloir les ouvrir et procéder à des analyses chimiques plus détaillées pour en savoir un peu plus. Cela devrait prendre quelques jours.» En fonction de leur composition, elles seront plus ou moins intéressantes sur le plan scientifique. «Certaines comme les chondrites carbonées sont par exemple des vestiges très instructifs des premiers instants de notre Système solaire», explique le chercheur.



« Pas de modèle fiable pour prévoir la désintégration d'une météorite »


La découverte de ces fragments permet d'ores et déjà de couper court aux diverses théories du complot qui commençaient à fleurir et à se répandre via les médias sociaux russes. Les recherches infructueuses menées samedi au fond du lac perforé avaient alimenté l'incrédulité du public russe qui ne comprenait pas qu'une météorite d'une dizaine de mètres puisse intégralement s'évaporer. «Cela n'aurait pourtant pas été impossible», note Patrick Michel, astrophysicien spécialiste des collisions cosmiques à l'Observatoire de la Côte d'Azur à Nice. «Nous n'avons jamais retrouvé le moindre morceau de la météorite de Toungouska de 1908 qui faisait pourtant entre 30 et 50 mètres», rappelle-t-il. «Il faut bien avoir à l'esprit que nous n'avons aucun modèle physique très fiable pour comprendre ce qui se passe lorsqu'un objet de ce type arrive à toute vitesse dans l'atmosphère.»

Il n'est d'ailleurs pas facile de dresser le portrait-robot de la météorite. Les scientifiques de la Nasa ne connaissent aujourd'hui avec précision que sa trajectoire, qui a laissé une traînée visible pendant plusieurs heures sur les satellites météo, et sa vitesse d'entrée faramineuse: 65.000 km/h. Tout le reste n'est que spéculation. La simple détermination de la taille et du poids de l'objet est sujette à discussion.

20 à 40 fois la puissance de la bombe d'Hiroshima

Les scientifiques utilisent pour cela les relevés des sismographes de la région. La désintégration de la météorite à 37 km d'altitude a en effet produit des enregistrements similaires à ceux relevés lors de séismes. «L'analyse de la périodicité des ondes permet d'évaluer empiriquement l'énergie dégagée», explique Patrick Michel. Les estimations varient entre 300 et 600 kilotonnes de TNT, soit plus de 20 à 40 fois la puissance de la bombe d'Hiroshima. Cette donnée permet d'évaluer l'énergie cinétique du bolide, et donc sa masse: entre 7000 et 10.000 tonnes pour la Nasa. Si l'objet est sphérique et en faisant l'hypothèse que sa densité, uniforme, et égale à celle de chondrites classiques, alors on obtient un diamètre de 15 à 17 mètres. «En résumé, tout ce que l'on peut dire, c'est que la météorite faisait vraisemblablement plus de dix mètres», conclut Patrick Michel. La chute d'un tel objet sur Terre ne se produirait qu'une fois par siècle, selon les spécialistes.


L'objet devrait porter le nom de «météorite de Tchebarkoul» du nom du lac dans lequel repose probablement le fragment principal, selon Viktor Grokhovski. En dépit du trou de huit mètres retrouvé dans la glace, ce «morceau de ciel» ne ferait qu'une dizaine de centimètres de diamètre, selon les simulateurs d'impact disponibles sur Internet. Suffisant pour attirer les convoitises puisqu'une roche aussi symbolique pourrait certainement se vendre plusieurs dizaines de milliers d'euros.