L'administration a confirmé en décembre la révo­ca­tion à vie de Laroussi Oueslati, ex-président de l'université de Toulon mis en exa­men en 2010 pour un tra­fic de diplômes pré­sumé avec des étudiants chi­nois. Du jamais vu depuis Vichy, dénoncent ses avo­cats, mais la jus­tice main­tient ses accu­sa­tions de corruption.

"Si le dos­sier est en attente depuis plus d'un an au par­quet de Marseille, ce n'est pas pour rien: il n'y a plus d'infraction pénale contre mon client. Les fautes qu'on lui reproche concernent le recru­te­ment des étudiants et non plus la déli­vrance des diplômes", affirme Me Lionel Moroni, qui défend M. Oueslati.

L'examen des notes des can­di­dats chi­nois n'a de fait pas établi de tra­fic en la matière, admet une source judi­ciaire. Restent des soup­çons de cor­rup­tion en amont du cur­sus, qui devraient finir devant un tri­bu­nal après d'ultimes actes de procédure.

Confirmant la révo­ca­tion à vie de M. Oueslati pro­non­cée en mai 2010, le juge­ment en appel du Conseil natio­nal de l'enseignement supé­rieur et de la recherche (Cneser) a été dis­crè­te­ment publié le 20 décembre dans le bul­le­tin offi­ciel du ministère.

Il lui reproche d'avoir "mis per­son­nel­le­ment en place un dis­po­si­tif d'instruction illé­gal des demandes d'inscription d'étudiants étran­gers, en par­ti­cu­lier chi­nois". Une com­mis­sion de vali­da­tion des acquis avait été mise en place mais ne s'est jamais réunie, le pré­sident étant "le seul à déci­der" des admis­sions. Il aurait ainsi faci­lité "l'arrivée mas­sive d'étudiants chi­nois ne maî­tri­sant pas le fran­çais", sans prendre au sérieux "les ten­ta­tives de cor­rup­tion dont ont été l'objet cer­tains per­son­nels enseignants".

L'audience devant le Cneser avait été hou­leuse, les avo­cats de M. Oueslati cla­quant la porte en esti­mant que les droits de la défense n'étaient pas res­pec­tés. Ils ont saisi en jan­vier le Conseil d'Etat.

"Jalousies"

L'affaire démarre fin 2008 quand un maître de confé­rences porte plainte pour un "éven­tuel tra­fic de diplômes au pro­fit d'étudiants chi­nois" à l'Institut d'administration des entre­prises (IAE) de l'université. Peu après, une pro­fes­seure fait l'objet d'une ten­ta­tive de cor­rup­tion par email, puis c'est au direc­teur de l'IAE qu'on pro­pose 100.000 euros s'il aide des étudiants chi­nois maî­tri­sant mal le fran­çais à réus­sir leurs examens.

En avril 2009, la PJ de Toulon per­qui­si­tionne à l'université, où plus de 600 étudiants chi­nois étudient alors. Dans la fou­lée, le minis­tère lance une mis­sion d'inspection et le dos­sier judi­ciaire est trans­féré au pôle finan­cier de Marseille. L'affaire s'emballe tan­dis que la sus­pi­cion touche d'autres uni­ver­si­tés, le nombre d'étudiants chi­nois en France ayant décu­plé en dix ans.

Six mois plus tard, la ministre Valérie Pécresse annonce que la res­pon­sa­bi­lité de M. Oueslati est enga­gée dans de "graves irré­gu­la­ri­tés" tou­chant à l'admission des étudiants étran­gers et la vali­da­tion de leurs études.

La des­cente aux enfers com­mence alors pour ce conseiller régio­nal (PRG). Suspendu pour "entrave" à l'enquête admi­nis­tra­tive, il démis­sionne. En mai 2010, il est révo­qué à vie de la fonc­tion publique, une pre­mière pour un pré­sident d'université, selon le minis­tère. A l'automne, il est écroué, pré­cédé en pri­son par deux étudiants chi­nois. Et son ancienne char­gée de mis­sion, Huimin Ren, qui aurait servi d'intermédiaire auprès des Chinois, est mise en exa­men pour cor­rup­tion et recel de détour­ne­ment de fonds publics.

En cause, un contrat d'attaché tem­po­raire d'enseignement et de recherche qu'il lui a accordé. "Tout en sachant qu'elle ne don­ne­rait jamais de cours", estime la source judi­ciaire, qui fait de la rela­tion de cette femme avec M. Oueslati "le noeud du dossier".

"Elle était omni­pré­sente à l'université, brillante, belle, elle sus­ci­tait des jalou­sies", rétorque l'avocat de Huimin Ren, Me Thierry Fradet. "Mais il n'y a pas d'élément maté­riel sur la cor­rup­tion, que des rumeurs relayées par des témoins à l'objectivité relative".

"Cette affaire a été pol­luée par des luttes internes abo­mi­nables. Mon client n'a pas tou­ché d'argent", ren­ché­rit l'avocat de M. Oueslati.
L'accusation évoque des flux en espèces inex­pli­qués et le com­por­te­ment étrange d'un pré­sident qui rece­vait des étudiants tard le soir, concé­dant que le prin­ci­pal orga­ni­sa­teur du pacte de cor­rup­tion pré­sumé, reparti en Chine, n'est pas dans le dossier.

Sorti de pri­son en mai 2011, Laroussi Oueslati ne s'exprime plus guère.

"J'essaie de résis­ter mais c'est très dur pour moi. Quand vous avez 52 ans, ce n'est pas évident de rebon­dir. J'ai un sta­tut d'auto-entrepreneur, j'ai des com­pé­tences en ingé­nie­rie, j'essaie de faire du consul­ting à l'international", a-t-il dit à l'AFP.