La chasse aux sorcières_peinture
© InconnuLa chasse aux sorcières
A partir de la fin du moyen-âge (13e siècle), les « sorcières » étaient pourchassées et brûlées vives sur les bûchers de l'Inquisition.

Prêtresses païennes « idolâtres » des anciens cultes « dianiques » de la Déesse-Mère, on les accusait souvent de fréquenter les collines au fées.

Toute trace de l'ancien ordre devait être effacé.

Il faut aussi rapprocher ces sabbats de fêtes anciennes, comme Beltaine au printemps, qui étaient des fêtes de la fécondité.

Il a pu y avoir, au Moyen Âge et à la Renaissance, des résurgences de ces fêtes.

Une guerre contre la liberté sexuelle des femmes

L'Inquisition catholique est organisée au début du XIIIe siècle par le pape Grégoire IX pour lutter contre les hérétiques, suite au concile de Latran IV.
Déesse Friga chevauchant son balai, d'après une fresque du XXe siècle de la cathédrale de Schleswig
© Domaine public/WikipédiaDéesse Friga chevauchant son balai, d'après une fresque du XXe siècle de la cathédrale de Schleswig
Ses premières cibles sont les Cathares et les Vaudois. Le pape, à la demande de son inquisiteur exerçant en Allemagne Conrad de Marbourg, édicte en 1233 la première bulle de l'histoire contre la sorcellerie, la Vox in Rama en y décrivant le sabbat des sorciers et leur culte du diable. Parfois, la contestation relève d'un désir de liberté. En réaction aux fièvres millénaristes fleurissent des sectes dans la mouvance du Libre-Esprit, comme les bégards et les lollards qui réclament une plus grande liberté des corps et des consciences. On trouve dans ces sectes un grand nombre de femmes. Elles expriment leur désaccord avec l'Église, en réclamant une libéralisation du statut de la femme. Les béguines, surtout présentes en Europe du Nord, cristallisent ce courant de subversion des mœurs. Elles vivent au sein de communautés autonomes, mais ne sont pas ordonnées. Elles sont autonomes en vivant d'aumônes, mais aussi de leurs salaires pour leurs soins médicaux ou leurs travaux textiles. Surtout, elles prônent une plus grande liberté sexuelle et récusent l'autorité des hommes. Marguerite Porete, une béguine, pousse la provocation jusqu'à publier à la fin du XIIIe siècle un traité de théologie, le Miroir des âmes simples anéanties. Poursuivie par l'Inquisition, elle est condamnée pour hérésie et est brûlée en 1310.

Sages femmes et guérisseuses

Les femmes accusées de sorcellerie sont souvent sages-femmes ou guérisseuses, dépositaires d'une pharmacopée et de savoirs ancestraux. La population, essentiellement rurale, n'avait guère d'autre recours pour se soigner. Ces méthodes définies comme magiques se heurtent au rationalisme de la Renaissance. Des incantations en langue connue ou inconnue sont souvent associées aux soins, et l'Église contraint les fidèles à remplacer ces gestes et incantations par des prières aux saints guérisseurs et par des signes de croix. Les sages-femmes sont accusées de pratiquer des avortements.

Jeanne-d'Arc la sorcière féministe patriote

L'accusation de sorcellerie est également utilisée pour condamner une certaine émancipation féminine vis-à-vis des contraintes de la société d'ancien régime. Ainsi, lors de son procès pour hérésie, on reproche à Jeanne d'Arc de porter des habits d'homme - ce qui était alors un délit passible de la peine capitale -, d'avoir quitté ses parents sans qu'ils lui aient donné congé, et de monter à cheval.


Des femmes indépendantes

Aussi, certaines de ces femmes travaillent, et la relative indépendance économique dont elles jouissent les font sortir des normes et du rôle imposés à la féminité. Les femmes sans appui masculin, les veuves en particulier, étaient plus facilement condamnées, d'autant que si elles étaient riches, leur bien était partagé entre l'accusateur et le juge. Également, le bourreau pouvait être payé à la pièce. Ces procédés sont dénoncés en particulier par le jésuite Von Spee.

Des lectrices marginales de la Bible

Le cas des béates est particulièrement révélateur.
Lilith, peinture de John Collier, 1892
© InconnuLilith, peinture de John Collier, 1892
Des femmes indépendantes réunissent autour d'elles de nombreux fidèles, et disent avoir des visions parfois même des entretiens avec le Christ ou la Vierge Marie, mettant en péril l'unité de la doctrine catholique (bien qu'à échelle réduite). Certaines d'entre elles sont condamnées pour sorcellerie tandis que d'autres, rattachées à un confesseur qui les corrige, sont canonisées.

Des femmes sexuellement libérées et dominantes

On reproche également aux sorcières leur sexualité. On leur prête une sexualité débridée. D'après le Marteau des sorcières Malleus Maleficarum, elles ont le « vagin insatiable ». Les sabbats qu'on leur reproche sont l'occasion d'imaginer de véritables orgies sexuelles. Mais l'Église stigmatise surtout une sexualité subversive. Selon l'Église, les sorcières apprécient particulièrement les positions « contre nature » : en particulier, elles chevauchent volontiers leurs compagnons, ce qui symboliquement renverse le rapport « naturel » de domination. On retrouve ici dans la sorcière la figure de Lilith, que la tradition juive présente comme la première femme d'Adam. Formée par Dieu à l'égal de l'homme, Lilith aurait abandonné Adam car il refusait de se livrer au jeu de l'amour en dehors des positions traditionnelles (position du missionnaire). Lire Lilith-Elat, première épouse d'Adam, femme libérée.

Les nazis anti-catholiques défendent les sorcières
« Le mouvement, l'idéologie ne peuvent perdurer que s'ils sont portés par les femmes, car l'homme conçoit tout par l'esprit tandis que la femme saisit toute chose par le sentiment (...) Les curés ont brûlé 5 000 à 6 000 femmes (pour sorcellerie) justement parce qu'elles préservaient émotionnellement l'ancien savoir et les anciens enseignements, et parce que, émotionnellement, elles ne s'en laissaient pas détacher, alors que l'homme, lui, s'y était rationnellement et logiquement disposé »

~ Heinrich Himmler, le 18 février 1937, à propos de la christianisation des peuples européens. Peter Longerich, Himmler, Paris, 2010, p. 230-231.
« Même si l'Inquisition n'a pu causer de trop grands dégâts en Allemagne - le pire promoteur d'autodafés, saint Conrad de Marbourg ayant été tué à temps par nos ancêtres - l'Eglise fut cependant à l'origine d'un autre grand malheur en Allemagne, qui fut pire, bien pire que l'autodafé : la chasse aux sorcières... »

~ L'Ordre SS, éthique et idéologie, Edwige Thibaut, page 278, cahier de la SS n°10.1936 par SS-Ostuf. Dr Walter Bohm
Documentaire en 3 parties : Les Sorcières de l'antiquité à nos jours


Lire : L'Allemagne et la Belgique ont réhabilité des « sorcières »