MONTRÉAL, le 13 mars 2013 - Des chercheurs de l'Université de Montréal ont découvert que les changements gravitationnels perturbent le processus de reproduction des plantes. Ils ont montré que la gravité module la circulation sur les « autoroutes » intracellulaires qui assurent la croissance et le fonctionnement de l'organe reproducteur mâle, le tube pollinique. « À l'instar de la reproduction humaine, les cellules spermatiques des plantes atteignent l'ovule par un conduit cylindrique. Contrairement aux animaux, ce conduit est formé par une seule cellule, et seulement deux gamètes mâles sont libérés à chaque fécondation, explique Mme Anja Geitmann, professeure au Département de sciences biologiques de l'Université. Nos découvertes apportent un éclairage nouveau sur l'évolution de la vie sur Terre et, comme ces autoroutes intracellulaires se retrouvent également dans les cellules humaines où des bouchons de circulation peuvent causer le cancer ou des maladies comme l'Alzheimer, nos recherches sont tout aussi profitables dans le domaine de la santé humaine. »

Les cellules animales et végétales s'apparentent à une ville où des usines, appelées organites, s'emploient à la fabrication, à la production d'énergie et au traitement des déchets. Un réseau d'autoroutes intracellulaires permet à ces usines de communiquer entre elles et d'échanger des composés, en plus de mettre la cellule en relation avec son environnement extérieur. La vitesse de transport du système autoroutier des cellules végétales est particulièrement élevée. « Les chercheurs savaient déjà que la gravité terrestre a influé sur l'évolution des cellules humaines, animales et végétales et que celles-ci y sont sensibles, précise Mme Geitmann. Nous commençons à entrevoir comment la gravité élevée, c'est-à-dire l'hypergravité, que l'on observe sur les planètes de grande taille, et la microgravité, qui ressemble aux conditions présentes sur un engin spatial, influencent les processus au sein des cellules humaines et végétales. Les processus de transport intracellulaire sont particulièrement sensibles aux perturbations, entraînant des conséquences considérables sur le fonctionnement de la cellule. Or, la façon dont ces processus sont affectés par les changements de gravité est peu documentée. »

Les cellules ont été placées dans une centrifugeuse de grand diamètre, munie d'une caméra reliée à un microscope, pour permettre aux chercheurs d'étudier en temps réel le développement des cellules soumises à l'hypergravité générée par la centrifugeuse. « Grâce à l'équipement de l'Agence Spatiale Européenne, j'ai pu déterminer comment l'hypergravité et la microgravité simulée influencent le trafic intracellulaire du tube pollinique, cellule caractérisée par la croissance la plus rapide du règne végétal, explique M. Youssef Chebli, chercheur au laboratoire de Mme Geitmann. Nous avons choisi le pollen, transporteur des gamètes mâles comme modèle parce qu'il joue un rôle essentiel dans la reproduction végétale et donc dans l'agriculture et qu'il a une croissance extrêmement rapide, ce qui nous a permis d'observer les effets de l'hypergravité en quelques secondes. »

Les chercheurs avaient marqué certaines structures internes des cellules à l'aide de marqueurs, afin d'étudier le mouvement des composants cellulaires et la réponse des mécanismes de transport cellulaire au changement de gravité. « Nous avons constaté que les conditions d'hypergravité affaiblissent le flux de circulation intracellulaire et que la microgravité et l'hypergravité affectent toutes deux la fabrication de l'enveloppe cellulaire, processus qui nécessite une coordination précise durant la croissance de la cellule, souligne M. Chebli. Cela nous permet de comprendre non seulement les principes généraux de la reproduction chez les plantes, mais surtout la façon dont les processus de transport intracellulaire des cellules eucaryotes répondent aux changements gravitationnels. Nos découvertes sont pertinentes pour la santé humaine puisque des effets similaires pourraient se produire dans les cellules humaines telles que les neurones, pour lesquelles le transport intracellulaire sur de longues distances est crucial. »

L'étude de M. Chebli et de Mme Geitmann sera publiée dans le périodique PLOS ONE le 13 mars 2013. Lien : http://dx.plos.org/10.1371/journal.pone.0058246

À propos de cette étude

Les travaux de M. Chebli et de Mme Geitmann se sont déroulés dans les installations abritant la centrifugeuse de grand diamètre du Centre Européen de Technologie Spatiale (ESTEC) situé à Noordwijk, aux Pays-Bas, et relevant de l'Agence Spatiale Européenne. Ils y ont été invités dans le cadre du programme Spin your thesis, qui offre aux étudiants universitaires la possibilité de mener une expérience scientifique ou technologique en hypergravité dans la centrifugeuse de l'ESTEC, en lien avec leur programme d'études.

Les travaux de recherche de la professeure Geitmann sont financés en partie par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies.

À propos des chercheurs

Anja Geitmann, Ph. D.
  • Professeure titulaire, Département de sciences biologiques, Université de Montréal
  • Chercheuse, Institut de recherche en biologie végétale, Université de Montréal
Youssef Chebli, Ph. D.
  • Chercheur postdoctoral sous la direction de Mme Geitmann, Département de sciences biologiques et Institut de recherche en biologie végétale, Université de Montréal