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Des policiers ont fouillé mercredi le domicile parisien de la patronne du FMI, dans le cadre d'une enquête sur la vente de l'équipementier sportif Adidas à la banque Crédit Lyonnais.

Après Claude Guéant, c'est au tour de Christine Lagarde de voir son domicile parisien perquisitionné par les enquêteurs de la brigade financière. L'ancienne ministre de l'Economie, aujourd'hui à la tête du FMI, est visée depuis août 2008 par une enquête sur son rôle dans le règlement du conflit opposant Bernard Tapie au Crédit Lyonnais au sujet de la vente d'Adidas, en 1993.

En juillet 2008, un tribunal arbitral, une instance juridique privée, avait condamné le Consortium de Réalisation, structure publique gérant le passif du Crédit Lyonnais, à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités pour préjudice moral et financier. Avec les intérêts, la somme versée par l'Etat à l'homme d'affaires monte à 403 millions d'euros. Bercy a alors clamé qu'une fois les impôts et créances déduits, Bernard Tapie ne toucherait que de 20 à 50 millions d'euros. Mais pour le Canard Enchaîné, la somme a été en réalité de 210 millions d'euros. Une somme faramineuse qui a vite alimenté les critiques.

Polémique autour du recours à l'arbitrage privé

Les regards se sont rapidement tournés vers Christine Lagarde, alors ministre de l'Economie du gouvernement Fillon. C'est en effet elle qui, en 2007, a approuvé la proposition des conseils de Bernard Tapie de recourir à un arbitrage privé, plutôt qu'à un procès classique. Si cette pratique est courante dans les conflits commerciaux, elle l'est beaucoup moins lorsque l'Etat est mis en cause. La ministre décide pourtant de recourir à cet abitrage, en dépit de l'opposition des services de Bercy. Aux yeux de la ministre, il faut mettre un terme à une procédure juridique coûteuse qui court depuis près de 20 ans. Une fois l'arbitrage rendu, elle refuse que le ministre de l'Economie entame un recours contre la décision du tribunal arbitral.

Trois ans plus tard, la Cour des comptes dénonce la non-conformité juridique de la procédure. Pour l'institution, l'Etat aurait dû consulter le Parlement avant d'opter pour un arbitrage. La Cour de justice de la République est saisie et ouvre une enquête sur Christine Lagarde pour «complicité de détournement de biens publics et complicité de faux», des chefs d'accusation passibles de 10 ans de prison et de 150.000 euros d'amende.

Plusieurs questions se posent sur le rôle de Christine Lagarde. Pourquoi avoir recouru à un arbitrage privé, alors que les deniers de l'Etat étaient en jeu? La composition du tribunal était-elle impartiale? Selon Mediapart, l'un des juges avait déjà eu des relations professionnelles avec l'avocat de Bernard Tapie, un fait connu par l'ex-ministre. Pour la Cour de justice de la République, l'arbitrage rendu comporte «de nombreuses anomalies et irrégularités». Une autre question, centrale, demeure: Christine Lagarde a-t-elle pris sa décision seule, ou sur demande de l'Elysée? L'ancienne ministre clame n'avoir pas subi de pressions. L'enquête du pôle financier, qui enchaîne ces derniers mois les perquisitions chez les principaux protagonistes de l'affaire, devrait permettre d'y voir plus clair.